Le camp de Drancy raconté de l’intérieur… en dessins

Georges Horan-Koiransky a vécu plusieurs mois au sein de ce qui fut le principal camp d’internement et de transit en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a dessiné ce qu’il voyait. Ce témoignage graphique fait l’objet d’une exposition au Mémorial de la Shoah jusqu’au 15 avril.

 Exposition d’estampes signées Georges Horan-Koiransky au Mémorial de la Shoah de Drancy.
Exposition d’estampes signées Georges Horan-Koiransky au Mémorial de la Shoah de Drancy. DR

    Sur le chemin de ronde - strictement interdit sous peine de mitraille —, une fillette s'est aventurée pour cueillir des fleurs. A quelques mètres de hauteur, sur un mirador, un homme armé l'a repérée. « Le gendarme n'a pas tiré », commentera Georges Horan-Koiransky. Cette scène prend forme à travers son coup de crayon : bien réelle, elle s'est produite à Drancy, pendant la Seconde Guerre mondiale, dans le principal camp d'internement et de transit français. Georges Horan-Koiransky y a vécu plusieurs mois. Ce qu'il a vu, il l'a dessiné. Jusqu'au 15 avril, 56 de ses estampes sont présentées au Mémorial de la Shoah de Drancy.

    On découvre des vues générales du site, l'actuelle cité HLM de la Muette, toujours habitée. Près de 80 000 Juifs ont été enfermés là, entre août 1941 et août 1944. 63 000 ont été déportés. L'ancien prisonnier a capturé des scènes de la vie quotidienne : la promenade, la toilette, la corvée d'eau… Une estampe représente une perquisition menée par les gendarmes « lorsqu'un interné était trouvé porteur d'argent, de tabac ou de correspondances clandestines ». Une autre la nuit à l'infirmerie, avec ses corps alités, désincarnés, fatigués, malades.

    Georges Horan-Koiransky est arrêté et conduit au camp de Drancy, après dénonciation, en juillet 1942. Sur place, cet ancien dessinateur industriel fait la connaissance du frère cadet de l'homme d'Etat Léon Blum, René Blum. « L'été 1942 marque le début du processus de solution finale, rappelle Benoît Pouvreau, historien et commissaire de l'exposition. Ils assistent au bouleversement de la vie du camp avec une nouvelle intensité des convois, à raison de trois par semaine. René Blum souhaite écrire sur ce qu'il se passe, et illustrer ses textes. » Il fait appel à Koiransky, qui dessinait pour s'occuper, en cachette.

    Ensemble, ils décident de retranscrire l'histoire du camp. Mais dès septembre 1942, René Blum est expédié et tué à Auschwitz. Koiransky continuera à prendre des notes. Et à produire ses dessins, qu'il « réussit à faire sortir du camp grâce à sa femme en les cachant dans le linge sale », rapporte Benoît Pouvreau. Toujours dans le souci de témoigner, il se force à être « de la corvée du Bourget » : il est chargé d'accompagner les internés à la gare de départ, avant leur déportation. « Il comprend alors l'expérience des partants, et que ce qu'on leur réserve n'a rien d'un camp de travail », indique Benoît Pouvreau.

    Finalement déclaré « non-juif », Georges Horan-Koiransky est relâché le 13 mars 1943. Pour se « libérer », il écrit un journal. Il se rapproche également de la Résistance. Et édite en 1947 son recueil de dessins, Le camp de Drancy, seuil de l'enfer juif. A l'époque, son œuvre passe inaperçu. Les historiens finiront par s'en emparer. « Mais de Georges Horan-Koiransky, on ne savait rien », indique Benoît Pouvreau. Pour l'exposition, un important travail de recherche biographique a été mené, avec l'aide des proches du dessinateur décédé en 1986, et de précieuses archives ont été exhumées. « Cela nous permet, en donnant à voir son parcours, de mieux comprendre son œuvre, note le commissaire. Ces 56 estampes sont un vrai récit dessiné. »

    DR

    DR

    DR

    LP/F. Ni.

    Drancy, au seuil de l'enfer, Dessins de Georges Horan-Koiransky, du 17 septembre au 15 avril au Mémorial de la Shoah, 110, avenue Jean-Jaurès à Drancy. Visite guidée gratuite ce dimanche à 15 heures. Tél. 01.42.77.44.72. ou [email protected].

    Le Mémorial de la Shoah, un « lieu de ressources »