Tremblay : une BD «cri du cœur» après le suicide d’un enseignant à Eaubonne

Dans «Cas d’école, l’histoire de Jean» l’enseignant et auteur de BD Christophe Tardieux, alias Remedium, raconte les derniers jours de l’instituteur qui s’est donné la mort à Eaubonne, après qu’une mère d’élève a porté plainte contre lui.

 Tremblay-en-France, vendredi 5 avril. Enseignant à mi-temps, Christophe Tardieux consacre le reste de ses journées à la bande dessinée.
Tremblay-en-France, vendredi 5 avril. Enseignant à mi-temps, Christophe Tardieux consacre le reste de ses journées à la bande dessinée. LP/Jeanne Cassard

    Dix-huit vignettes pour rendre hommage à l'un de ses pairs. « J'ai voulu mettre des mots sur cette histoire afin qu'elle ne tombe pas trop vite dans l'oubli », explique Christophe Tardieux. Une semaine après le suicide de Jean Willot, le 15 mars dernier à Eaubonne (Val-d'Oise), cet enseignant de 37 ans a publié en ligne une bande dessinée, « Cas d'école, l'histoire de Jean », partagée plus de 80 000 fois sur Facebook.

    Remedium, son nom d'auteur quand il n'est pas avec sa classe de CM1 à l'école Balzac de Tremblay-en-France, y raconte les derniers jours de Jean, retrouvé pendu en forêt de Montmorency. Quelques jours avant, une plainte pour « violence aggravée » sur un de ses élèves avait été déposée contre l'homme de 57 ans.

    «Ce drame m'a touché»

    Convoqué par la direction académique, il avait alors assuré avoir saisi par le bras un CP désobéissant afin de le faire descendre d'un escalier, et s'être contenté d'une punition verbale, sans aucune violence.

    « Je ne le connaissais pas personnellement, mais ce drame m'a touché. Ces dessins, c'est un cri du cœur », raconte Remedium, qui depuis 2011 a publié trois albums de BD et deux livres pour les enfants.

    Il n'existe pas de chiffre officiel sur le nombre de suicides au sein de l'Education nationale. Mais Christophe Tardieux a reçu « beaucoup de témoignages » sur des situations similaires à celle de Jean Willot. « C'est comme si, avant cette histoire, personne n'osait en parler en dehors de l'école », affirme-t-il.

    Manque de confiance dans l'école

    Il observe qu'« en cas de problème, de plus en plus de parents vont directement voir la police sans même en discuter avec les enseignants ». Même si ce phénomène concerne une « toute petite minorité de parents », ce fait divers illustrerait ainsi « un manque de confiance dans l'école, avec des professeurs de moins en moins respectés ».

    À côté de la relation parents-profs, l'auteur pointe aussi la responsabilité de la hiérarchie. « Lorsqu'un professeur se retrouve confronté à un problème, il se retrouve devant un mur », estime-t-il.

    Aucun représentant de l'Education nationale n'était présent à la marche blanche organisée en hommage à Jean Willot le 31 mars dernier, où 1 700 personnes étaient présentes. Christophe Tardieux voit dans le tweet « austère et tardif » du ministre Jean-Michel Blanquer, une preuve d'un « manque d'empathie à l'égard des enseignants ».

    Professeur depuis 2005, Christophe Tardieux était encore « plein d'espoir » à ses débuts. Il a décidé de devenir enseignant lorsqu'il était encore étudiant et travaillait dans des centres de loisirs. S'il déclare encore aimer son métier, il ne pense pas rester instit jusqu'à la retraite. « Avant on était enseignants de père en fils, mais aujourd'hui je ne souhaite pas que mon petit garçon fasse le même métier que moi », affirme-t-il.