Affaire Jeanne Calment : «Si c’était sa fille, c’était une menteuse exceptionnelle»

Michel Allard, un médecin qui a participé à la validation du record de longévité de la doyenne de l’humanité, s’est replongé dans ses dossiers depuis le début de l’affaire Calment.

    Un silence. Quelques murmures en fond. Et la voix de Jeanne Calment jaillit des enceintes. Chevrotante, parfois incompréhensible, mais déterminée pour une aussi vieille dame. L'enregistrement date des années 1990. Son médecin de l'époque lui demande : « Est-ce que vous reverrez votre fille au ciel ? » « Non », répond l'Arlésienne, peu portée sur les débats sur la vie après la mort. Puis, elle prend congé. « À demain ou… à deux pieds », lâche-t-elle, dans un rire enfantin.

    « Elle avait de l'humour », commente Michel Allard, dans son appartement de Meudon (Hauts-de-Seine). Sur la table, des photos de la doyenne de l'humanité, des articles de journaux et les cassettes contenant des heures et des heures d'entretiens avec l'intéressée.

    « Cette affaire lancée par les Russes ( NDLR : qui affirment qu'Yvonne, la fille de Jeanne Calment, a pris la place de sa mère pour éviter de payer des taxes sur l'héritage ) m'amuse énormément, nous explique celui qui a participé à la validation du record de longévité de Jeanne Calment. Je me replonge dans mes vieux dossiers, tout le projet autour de cette dame, ça me rajeunit de trente ans! »

    Sacrée par le Guinness Book

    À la fin des années 1980, alors médecin à la fondation du laboratoire pharmaceutique Ipsen, Michel Allard se lance dans l'étude des centenaires. « On s'est dit qu'il ne fallait pas juste se pencher sur les malades pour faire avancer la recherche, se souvient-il. Au football, on s'inspire plus des équipes qui gagnent que celles qui perdent. C'est comme ça que l'on est partis à la rencontre des centenaires de France. »

    Sur le terrain, les visiteurs médicaux d'Ipsen posent la même question aux généralistes qu'ils rencontrent : « Avez-vous des patients de cent ans ou plus? » Au fil des mois et des échanges avec les mairies pour vérifier les états civils, une liste de 756 centenaires émerge. Parmi eux, une Arlésienne dont l'âge rompt la monotonie du tableur informatique de Michel Allard et Jean-Marie Robine, chercheur de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) associé au projet.

    VIDÉO. Quand la centenaire parlait de sa fille et de la mort

    La suite de l'histoire est plus connue. Les deux hommes vont multiplier les rencontres à Arles (Bouches-du-Rhône) avec Jeanne Calment, officiellement née cinq ans après la défaite de Napoléon III contre les Prussiens à Sedan, et publier un livre. Leur étude convainc aussi le Guinness Book qui la sacre plus vieil être humain avéré.

    «On venait de très loin pour la voir»

    Au fil des clichés sortis des cartons, les anecdotes s'enchaînent. « Regardez tous les journalistes qui l'entouraient à l'époque, se souvient Michel Allard en pointant du doigt les photographes qui entourent la doyenne. On venait de très loin pour la voir. La présence des gens lui faisait du bien. Elle paraissait toute voûtée mais quand quelqu'un venait la voir pour lui parler, je la voyais se redresser subitement. C'était impressionnant. »

    Cette semaine, le médecin va retourner dans sa maison du Poitou pour remettre la main sur le reste de ses archives. Et essayer de contribuer à clore la polémique sur Jeanne Calment. « Elle était capable de nous donner le nom de sa prof de maths. Est-ce que sa fille aurait été capable de dire ça ? Je continue de penser qu'il n'y a pas eu substitution. Mais si c'était faux et que c'était sa fille en face de nous toutes ces années, c'était une menteuse exceptionnelle. »