Annulation des épreuves écrites : «Il y aura zéro fierté à avoir ce bac», déplorent les lycéens

Alors que le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer a annoncé le passage au contrôle continu des épreuves de spécialité de mars, les lycéens expriment leur amertume.

 Seules, les épreuves de philosophie et le «grand oral» restent, pour l’instant maintenues en juin pour les lycéens. (Illustration)
Seules, les épreuves de philosophie et le «grand oral» restent, pour l’instant maintenues en juin pour les lycéens. (Illustration) LP/Aurélie Audureau

    Un Bac au rabais? C’est la crainte de beaucoup de lycéens, ce vendredi, au lendemain de l’annonce par Jean-Michel Blanquer du passage au contrôle continu pour les épreuves écrites du Bac, à l’origine programmées en mars. Ces enseignements de spécialité, pilier de la réforme portée par le ministre de l’Education nationale, seront finalement évalués sur la base des notes obtenues sur les trois trimestres. Et ce, afin d’éviter des rassemblements propices aux contaminations. Seules, les épreuves de philosophie et le « grand oral » restent — pour l’instant — maintenues en juin.

    Outre la sensation « d'essuyer les plâtres » depuis le lancement du Bac version Blanquer, il y a deux ans, les ados sont mitigés sur le recours au contrôle continu : si certains se félicitent de l'annulation d'une « épreuve stressante », la plupart taclent « un diplôme qui ne vaut plus grand-chose ».

    «J'ai bossé pour préparer des examens»

    Alice, lycéenne à Paris, qui avoue « des difficultés » dans certaines matières, se dit « soulagée » de cette annonce. « Ce n'est pas plus mal que cela passe au contrôle continu : j'ai une peur panique des examens et je sais que j'aurais eu une moins bonne note lors d'une épreuve », explique-t-elle. Sa crainte était aussi d'être évaluée sur des sujets seulement survolés. « A cause de cette crise, on sait qu'on a des heures de retard, constate la lycéenne. Et j'avais peur de tomber sur un sujet vu trop rapidement en cours. »

    Avis radicalement différent chez Anouk, 17 ans. « Il y aura zéro fierté personnelle à avoir ce bac. Moi, j'ai bossé pour préparer des épreuves écrites, des vrais examens. On sait que des profs vont sur noter ceux qui auront moins bossé. Du coup, le résultat final ne vaudra pas grand-chose », se désespère l'adolescente. D'ailleurs, pour beaucoup, le contrôle continu n'est pas une très bonne nouvelle en vue de l'entrée dans l'enseignement supérieur. Dans son courrier envoyé jeudi soir aux personnels de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer précise que la procédure d'admission post-bac Parcoursup « prendra en compte les moyennes portées dans les bulletins des deux premiers trimestres ainsi que les appréciations des professeurs […] ».



    «Il y un certain soulagement»

    Un peu léger, pour certains professeurs qui ont déjà fait part de leurs réserves à leurs ouailles. « Dès la première heure, vendredi, notre prof principal nous a dit que le contrôle continu était un écueil pour ceux qui veulent faire un cursus sélectif après le bac, explique une élève de terminale. Selon lui, comme l'an passé, des profs gonfleront les notes et il y aura un taux de réussite hallucinant. Alors, sans doute que les grandes écoles s'en méfieront. »

    Un Bac au rabais, c'est aussi l'inquiétude de Louise, en terminale à Sophie-Germain, un lycée parisien côté. « Ok, il y a un certain soulagement de ne pas avoir une grosse épreuve de 4heures en mars, reconnaît-t-elle. Mais bon, quelle valeur pour ce diplôme, auquel on nous prépare depuis douze ans ? Je l'aurais, je pense, mais…. comme tout le monde, en fait. Pas sûr que cela vaille quelque chose. » Pour Mathieu Devlaminck, porte-parole de l'Union nationale lycéenne (UNL), le contrôle continu est source d'inégalités. « Selon qu'on vienne d'un lycée favorisé ou d'un établissement populaire, l'autonomie au travail à la maison n'est pas la même, ni le besoin d'accompagnement », fait-il remarquer.

    Un «guide de l'évaluation» destiné aux professeurs

    Dans ce cadre, le ministère de l'Education nationale a précisé, lors d'un point presse ce vendredi matin, que deux outils visant à gommer d'éventuelles inégalités seraient déployés dans le cadre de ce bac refondu. Au menu : un « guide de l'évaluation » destiné aux professeurs, sur lequel planche l'Inspection générale de l'éducation. Ainsi qu'un « cadre de travail commun » visant à aider les commission d'harmonisation dans leur analyse des remontées de contrôle continu des établissements.

    Reste que, pour les élèves nés en 2003, l'annonce de jeudi soir n'est que « la cerise sur le gâteau » d'un parcours lycéen au cours duquel ils ont la sensation régulière d'être « des rats de laboratoire », grince Quitterie, en terminale dans un lycée du XVIIe. « A cette réforme contestée par beaucoup d'entre nous, est venue s'ajouter la crise du Covid. Cela a démarré par l'annulation du Bac de français en première et, là, on nous sucre les écrits des spécialités à un mois et demi de la date prévue », poursuit-elle, « fatiguée » de ces annonces. Même son de cloche chez les parents, qui soutiennent leurs ouailles comme ils le peuvent. A l'image d'Aurélie, la maman d'Alice : « Ses deux dernières années au lycée, c'est un peu le yo-yo des émotions! Alors, on doit se transformer en coach bien-être, sans cesse, pour lui dire de ne pas se décourager. »

    Bac en contrôle continu : comment ça va se passer ?

    Après l'annonce du recours au contrôle continu pour les épreuves de spécialité de terminale prévues en mars, le reste du diplôme est impacté. Et ce, dit le ministère, « pour que soient prises en compte les conditions particulières d'apprentissage des élèves depuis mars 2020 […] ». Première information : pour les terminales, le calendrier des épreuves de philosophie et du grand oral est maintenu en l'état, c'est-à-dire respectivement le 17 juin, et du 21 juin au 2 juillet. S'agissant de la philo, le ministère précise que trois sujets de dissertation seront au menu, au lieu de deux, « et porteront sur des notions distinctes afin de couvrir largement le programme […] ». Une mesure décidée au vu du retard accumulé à cause du semi-distanciel.

    En première, les dates pour l’épreuve de français ne changent pas non plus : le 17 juin pour l’écrit, et du 21 juin au 2 juillet pour l’oral. Mais là encore, le ministère a adapté l’oral. Il est prévu un choix de quatorze textes le jour de l’épreuve pour la voie générale, au lieu de vingt. Pour la filière technologique, ce sera sept textes au lieu de seize. L’écrit reste « inchangé ».