Didier Raoult : cinq minutes pour comprendre la mise à l’écart du directeur de l’IHU de Marseille

L’universitaire, voix controversée de l’épidémie de Covid-19 en France, sera à la retraite cet automne. Ses fonctions à la tête de l’IHU Méditerranée pourraient aussi prendre fin dans la foulée.

A 69 ans, Didier Raoult doit quitter ses fonctions de professeurs des universités. LP/Olivier Lejeune
A 69 ans, Didier Raoult doit quitter ses fonctions de professeurs des universités. LP/Olivier Lejeune

    Une personnalité controversée de l’épidémie sur le départ. Le professeur Didier Raoult, fondateur de l’IHU Méditerranée et spécialiste des maladies infectieuses, devra, à la fin du mois d’août, quitter ses fonctions de professeur des universités en raison de son âge. Un départ à la retraite qui pourrait aussi entraîner, selon les informations du Monde et de La Provence publiées mercredi soir, la fin de ses fonctions à la tête de l’institut marseillais, devenu la chambre d’écho de nombreuses prises de position contestées du microbiologiste.

    Pourquoi Didier Raoult perd-il ses fonctions de professeur ?

    A 69 ans, Didier Raoult a atteint l’âge limite pour pouvoir exercer en tant qu’universitaire, selon les règles fixées par le ministère de l’Enseignement supérieur. A partir du mois de septembre, le professeur devra donc partir à la retraite, et quitter ses fonctions de professeur des universités-praticien hospitalier à Aix-Marseille Université et des Hôpitaux universitaires de Marseille.

    Quid de la direction de l’IHU ?

    En raison de son départ à la retraite, deux membres du conseil d’administration de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée comptent proposer au conseil de lancer un appel d’offres pour remplacer Didier Raoult à la tête de l’institut, selon Le Monde et La Provence. Cet appel, diffusé dans le monde entier, servira à recruter « un chercheur ou une chercheuse, légitime, charismatique et reconnu(e) par ses pairs dans le domaine des maladies infectieuses », abonde Eric Berton, le président d’Aix-Marseille Université.

    Il est temps de « tourner une page et d’organiser l’avenir de l’IHU pour les vingt ans à venir », justifie François Crémieux, directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), auprès du Monde. Si cette procédure se déroule comme prévu, le microbiologiste pourrait alors quitter la direction de l’IHU dès 2022.

    Qu’en dit Didier Raoult ?

    Pour l’instant, Didier Raoult ne s’est pas publiquement exprimé sur le sujet. Il avait demandé à l’AP-HM de prolonger ses activités pendant trois ans, à l’aide d’un contrat cumul emploi-retraite. Cette demande a été refusée par l’Assistance publique, qui juge « qu’il y a largement les équipes nécessaires à l’IHU pour que son départ soit comblé », selon le professeur Jean-Luc Jouve, président de la commission médicale d’établissement (CME), cité dans Le Monde.

    Didier Raoult pourrait cependant rester à l’IHU en devenant directeur salarié par la fondation IHU, qui est privée, précise La Provence. Mais il faudrait réussir à convaincre le reste du conseil d’administration de l’IHU, composé notamment des membres fondateurs de la fondation, ainsi que de « personnalités qualifiées ». Dans ce conseil, on trouve des organismes qui ont déjà fait part de leur refus, comme l’AP-HM, Aix-Marseille Université, l’Institut de recherche pour le développement (IRD), et l’Etablissement français du sang, selon La Provence.

    Y siègent aussi, en tant que « personnalités qualifiées », des soutiens de Didier Raoult, comme le président LR de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur Renaud Muselier, ou l’ancien ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy. Joint par l’AFP, ce dernier n’a pas souhaité se prononcer sur le sujet, expliquant qu’il entendait « d’abord en parler avec François Crémieux, M. Raoult et les autres membres du conseil » et qu’il s’exprimerait à la rentrée.

    Pourquoi ce départ fait-il réagir ?

    Parce que cette mise en retrait a, sous certains aspects, une dimension politique. Depuis le printemps 2020, Didier Raoult est devenu une figure très suivie dans les milieux contestataires et sceptiques de l’épidémie, ou de la gestion de l’épidémie. Avec sa défense acharnée de l’hydroxychloroquine comme traitement contre le Covid-19 (dont l’efficacité a été démentie), sa minimisation de l’épidémie, ou, plus récemment, ses sorties mettant en doute l’intérêt de la vaccination ou la gravité du variant Delta, le professeur s’est érigé en « caution scientifique du discours anti-vaccin, anti-pass », et « nourrit la sphère complotiste », a commenté François Crémieux, de l’AP-HM, auprès du Monde. Sa présence à la tête d’un institut de recherche médicale reconnu pose alors question.

    Sur les réseaux sociaux, les sympathisants du médecin sont furieux depuis l’annonce de son prochain départ dans la presse. Depuis mercredi soir, le hashtag #TouchePasARaoult fait partie des plus utilisés sur Twitter en France, propulsé notamment par Florian Philippot, chef de file des Patriotes et figure du mouvement anti-pass sanitaire, ou encore l’avocat Fabrice Di Vizio, autre visage contestataire du même mouvement.

    « Cette volonté bureaucratique de l’éliminer est une honte et un scandale ! Tout mon soutien au professeur victime des haines et des lobbies », a également réagi l’eurodéputé d’extrême droite Gilbert Collard. A l’IHU, le chercheur Eric Chabrière, fidèle - et virulent - bras droit de Didier Raoult, reste confiant. « 18 membres composent le conseil d’administration, et beaucoup d’entre eux sont parfaitement lucides du travail effectué par l’IHU sous la direction de Didier Raoult », assure-t-il sur Twitter.