Le grand gâchis de l'informatique hospitalière

Un nouveau logiciel entraîne des surcoûts importants pour les hôpitaux parisiens et perturbe les prises de rendez-vous. Un problème qui touche également d'autres services publics.

Le grand gâchis de l'informatique hospitalière

    Les Hôpitaux de Paris (AP-HP) ont un gros souci avec leur informatique. Selon nos informations, le logiciel Orbis, installé pour l'instant en test dans le seul hôpital Ambroise-Paré, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-seine), a de sérieux bugs : retards dans la prise des rendez-vous, patients contraints de passer plusieurs fois un scanner sans raisonâ?¦

    Le problème est que, théoriquement, ce nouveau système doit être progressivement déployé dans les 39 hôpitaux de l'AP-HP, un mastodonte de 22000 lits qui accueille 1 million de prises en charge aux urgences, ce qui, pour le coup, fait craindre le risque d'un méga bug. Un rapport confidentiel interne, fait par les équipes de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière au mois de mars, que nous nous sommes procuré, cloue au pilori ce nouveau système, accusé d'être inefficace et coûteux.

    Un surcoût potentiel de 175 Mâ?¬

    Acheté en 2009, il a coûté le coquette somme de125 Mâ?¬. « Orbis est dépassé! explique l'auteur de l'audit. Sa conception date de vingt-cinq ans, il est extrêmement lourd à faire fonctionner et surtout très coûteux. De plus, l'investissement ne comprend pas l'achat d'unités centrales nécessaires à l'échange des données une fois que le système sera déployé. Je l'estime à 3300 unités minimum. Et il faudra au moins 700 personnes en permanence pour le faire fonctionner. » Pour ce spécialiste, le coût pourrait atteindre les 300 Mâ?¬. Soit un surcoût de 175 Mâ?¬! Sans garanties qu'Orbis fonctionnera.

    Confirmant l'étendue du problème, le patron des services informatiques d'un des plus gros établissements parisiens ajoute : « Au mieux, on aura dans quelques années un logiciel qui ne fera que remplir le rôle de l'ancien dossier papier. Mais il ne répondra pas aux attentes des soignants de l'AP-HP, qui ont besoin de compiler plein de données médicales et techniques qu'Orbis ne pourra pas collecter. Et je ne suis même pas sûr de voir de mon vivant ce système déployé dans tout l'AP-HP. »

    A la direction de l'AP-HP, on reconnaît des problèmes, mais en les mettant sur le compte de la « mauvaise volonté » de certains soignants ou administratifs, qui rechigneraient à utiliser correctement le nouveau logiciel. « Il y a toujours des problèmes quand on installe un système de cette ampleur, estime Eric Lepage, responsable du programme à l'AP-HP. Mais globalement, à Ambroise-Paré, ça marche à 90%, et on va le déployer dans un autre hôpital, Bicêtre. » L'AP-HP reconnaît que les délais (mise en place sur tous les hôpitaux en 2014) ne seront pas tenus. « On aura un ou deux ans de retard, mais toutes nos simulations montrent que le déploiement est possible, assure Eric Lepage. Si on arrête Orbis, on se retrouvera avec des applications cliniques et médicales déjà installées qui seront très hétérogènes, ce serait très lourd de les interconnecter. Ce système permettra enfin d'avoir un dossier unique pour les patients quel que soit l'hôpital de l'AP-HP où ils sont admis. C'est une révolution. »