Le prix Nobel de la paix 2023 est attribué à l’Iranienne Narges Mohammadi

Narges Mohammadi succède au trio de défenseurs des droits de l’homme récompensés en 2022 dans le contexte de la guerre en Ukraine.

    L’Iranienne Narges Mohammadi a reçu le prix Nobel de la paix, ce vendredi à Stockholm (Suède). Le comité récompense « son combat contre l’oppression des femmes en Iran et son combat pour la promotion des droits humains et de la liberté pour tous ».

    La militante faisait partie des favorites alors qu’il y a un an, Mahsa Amini mourait pour un voile mal ajusté, donnant naissance au soulèvement « Femme, Vie, Liberté ». « Donnez le prix Nobel de la paix aux femmes iraniennes », plaidait un éditorialiste du journal populaire norvégien VG, Per Olav Ødegård, quelques jours plus tôt.

    Narges Mohammadi, figure de la défense des libertés et militante pour l’abolition de la peine de mort dans son pays, est emprisonnée en Iran depuis novembre 2021. Elle s’était confiée sur son inlassable combat au Point le 14 septembre, depuis sa cellule. « La prison est le noyau dur de la résistance de la société iranienne et notre combat à l’intérieur de celle-ci est un message clair au pouvoir despotique selon lequel la prison n’entravera pas notre mouvement de vie, de résistance et de lutte contre le pouvoir », affirmait-elle.

    La militante des droits humains, libérée en octobre 2020 après cinq ans de prison, avait de nouveau été condamnée en 2021 pour « propagande contre le système » politique iranien, diffamation et « rébellion » contre l’autorité pénitentiaire. Il lui était reproché d’avoir publié un communiqué contre la peine de mort et d’avoir organisé un sit-in de protestation pendant sa détention à la prison d’Evin à Téhéran.

    VIDEO. Le Nobel de la paix pour la journaliste iranienne Narges Mohammadi, toujours emprisonnée à Téhéran

    Le fils de Narges Mohammadi s’est dit « très fier » de sa mère, qu’il n’a pas vue depuis huit ans. « Je suis très, très fier d’elle, très heureux », a déclaré Ali, 17 ans, ajoutant que ce prix constituait « une récompense pour le peuple iranien », lors d’une conférence de presse à Paris où il vit avec son père et sa sœur jumelle. À ses côtés, Taghi Rahmani, l’époux de Narges Mohammadi, a estimé que l’attribution du Nobel était « d’autant plus importante que la République islamique s’acharne sur les militants des droits humains et essaye de les faire taire ».

    « Il est très important aussi que cette récompense soit tournée vers l’intérieur de l’Iran, qu’elle aille symboliquement aux prisonniers politiques qui constituent le vivier de la résistance », a ajouté Rahmani, expliquant qu’il n’avait pas communiqué avec sa femme, détenue à la prison d’Evin de Téhéran, et ignorait si elle était informée de son Nobel. « Obtenir un tel prix c’est une joie mais aussi une responsabilité, pour le combat des autres », a-t-il dit, dédiant le prix à toutes les prisonnières et tous les prisonniers politiques en Iran. « Narges n’ignore pas que ça va la mettre aussi en difficulté, mais elle assume ce risque », a-t-il ajouté.

    Vice-présidente du Centre des défenseurs des droits de l’Homme fondé par Shirin Ebadi, Narges Mohammadi a aussi été prix Nobel en 2003, elle a été maintes fois condamnée et emprisonnée depuis 25 ans pour son engagement contre le voile obligatoire pour les femmes et contre la peine de mort. La militante et journaliste de 51 ans a été récompensée vendredi « pour son combat contre l’oppression des femmes en Iran et sa lutte pour la promotion des droits humains et la liberté pour tous », selon la présidente du comité Nobel norvégien, Berit Reiss-Andersen.

    Critiques de Téhéran

    Le comité Nobel espère que l’Iran libérera la militante iranienne des droits humains Narges Mohammadi pour recevoir sa récompense en décembre, a déclaré sa présidente Berit Reiss-Andersen, à Oslo. « Si les autorités iraniennes prennent la bonne décision, ils la libéreront. Elle pourra ainsi être présente pour recevoir cet honneur, ce que nous espérons avant tout », a-t-elle dit. Le président Emmanuel Macron a salué un « choix très fort pour une combattante de la liberté ».

    L’Iran a pour sa part vivement critiqué vendredi cette remise du prix Nobel, qualifiant ce choix de « politique et partial », selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères iranien. « Nous constatons que le Comité Nobel a attribué le Prix de la Paix à une personne qui a été reconnue coupable de violations répétées des lois et qui a commis des actes criminels. Nous condamnons une action partiale et politique », a déclaré le porte-parole du ministère, Nasser Kanani.

    « Contribué au rapprochement des peuples »

    Selon le testament manuscrit d’Alfred Nobel, ce prix récompense « la personnalité ou la communauté ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion ou à la propagation des progrès pour la paix ».

    Le prix Nobel de la paix ne peut être remis à titre posthume mais, à l’instar de ce qui est fait pour tous les autres prix Nobel, il peut être partagé entre deux ou trois personnalités ou remis à toute institution qui a contribué, par la voie diplomatique, à pacifier le monde.

    L’an dernier, qui avait vu naître la guerre en Ukraine, c’est un trio composé du défenseur des droits de l’homme biélorusse Ales Bialiatski, de l’organisation russe de défense des droits de l’homme Memorial et de l’organisation ukrainienne de défense des droits de l’homme Center for Civil Liberties qui avait reçu la prestigieuse distinction. Trois lauréats avec pour point commun leur opposition, directe ou indirecte, à Vladimir Poutine.