Les hôpitaux en surchauffe : trop de malades sur des brancards

L’incroyable classement «no bed challenge» que nous publions montre que plus de 200 patients dorment chaque nuit dans des conditions de fortune. Cela augmente le risque de mortalité.

 Des patients jusque dans les couloirs, comme ici dans le service des urgences de l’hôpital  d'Argenteuil (Val-d'Oise).
Des patients jusque dans les couloirs, comme ici dans le service des urgences de l’hôpital d'Argenteuil (Val-d'Oise). LP/Olivier Arandel

    Plus de 200 patients à l'hôpital dorment toutes les nuits sur un brancard. Qui le savait? Pas grand monde. Ce chiffre incroyable est issu d'un classement très sérieux appelé «no bed challenge», que nous publions, et qui en dit plus que les grands discours sur l'hôpital. Les urgentistes (médecins et chefs de service de plus de cent services d'urgence en France) du syndicat Samu-Urgences de France ont eu l'idée de tout simplement compter le nombre de patients qui devaient rester sur un lit de fortune, faute de place en chambre. Le résultat est édifiant.

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    «Depuis le début de l'année, où nous l'avons mis en place on a compté plus de 19 000 patients qui ont dormi sur des brancards», explique le Dr François Braun, président de Samu-Urgences de France. Parmi les mal classés, on trouve Nîmes (Gard), Limoges (Haute-Vienne), mais aussi Argenteuil (Val-d'Oise) ou Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Est-ce pour autant si grave ? Oui affirme le docteur Agnès Ricard-Hibon, Présidente de la Société Française de médecine d'urgence, car cela a des conséquences très concrètes : «Aux urgences, l'attente sur un brancard d'un lit d'hospitalisation tue. Ces données scientifiques sont incontestables. Elles ont été validées à de nombreuses reprises par des publications. Ce n'est pas du tout un problème à prendre à la légère», nous explique-t-elle.

    Les jours d'affluence, la mortalité augmente

    Elle ajoute : «Il s'agit d'une mortalité retardée, donc invisible. Le risque de décès augmente de 5 % pour les patients admis les jours de grande surcharge, toutes pathologies confondues. Et si on s'intéresse aux patients les plus graves, l'impact est plus important avec un risque relatif d'augmentation de la mortalité de 30 %». C'est précisément pour cette raison que différents chefs de service d'Ile-de-France, dont les hôpitaux sont très en tension en ce moment, ont fait part cette semaine de leur inquiétude à leur tutelle.

    Dans de nombreuses villes le constat est le même : «Nous avons passé une période très difficile cet hiver, avec une vague de froid exceptionnelle. Beaucoup de personnes âgées ou en polypathologies sont un état de grande fragilité. C'est une vraie crise sanitaire que l'on n'a pas voulu nommer», estime le docteur Patrick Goldstein, chef des urgences du CHRU de Lille (Nord). A Rennes (Ille-et-Vilaine), les équipes sont encore très marquées par le décès lundi 12 mars, après un arrêt cardiaque, d'une femme d'une soixantaine d'années, trente minutes après son arrivée.

    Y a-t-il un lien de cause à effet ? Ce jour-là il y avait plus de 100 patients simultanément aux urgences, deux fois plus que la capacité d'accueil. «Tout le service était saturé. Une enquête est en cours pour comprendre ce qui s'est passé», explique le chef de service le Pr Louis Soulat. La ministre de la Santé Agnès Buzyn reste pour l'instant dans une très prudente réserve sur ce sujet explosif. «Il est vrai que la grippe a duré longtemps cet hiver. Il y a aussi des tensions aux urgences, et dans certains services, parfois pour des questions d'organisation. On suit cela de près», affirme-t-on au ministère.