Les traînées blanches des avions, ces accélérateurs méconnus du réchauffement climatique

Ces nuages de haute altitude contribuent au moins autant au réchauffement climatique que le CO2 émis par les réacteurs d’avion.

 L’impact de ces traînées blanches sur le réchauffement climatique devrait tripler d’ici 2050, selon une nouvelle étude.
L’impact de ces traînées blanches sur le réchauffement climatique devrait tripler d’ici 2050, selon une nouvelle étude. LE PARISIEN

    On les observe sans toujours se douter de leur impact écologique. Les traînées blanches des avions, ces légères et interminables lignes qui viennent marquer le passage d'un appareil à réaction, représentent pourtant un enjeu incontournable dans la lutte contre le réchauffement climatique.

    Une étude allemande, parue le 27 juin dans la revue Atmospheric Chemistry and Physics, vient rappeler à quel point il faudrait autant s'en soucier que de la quantité de kérosène qui s'échappe des réacteurs. L'effet radiatif de ces traînées de condensation - qu'on appelle dans le jargon des cirrus homogenitus -, devrait tripler d'ici 2050, suivant à peu de chose près l'explosion du transport aérien (+ 419 %). L'impact de ces traînées blanches concerne en particulier l'océan Atlantique et l'Asie du Sud-Est, là où le trafic augmente le plus rapidement.

    Des pièges à chaleur

    Pour rappel, ces nuages, situés entre 7000 et 8000 mètres d'altitude, résultent de la condensation de la vapeur d'eau au contact des particules de suie formées par la combustion du kérosène. Ils peuvent ensuite rester dans le ciel quelques heures, voire une journée entière.

    Contrairement aux nuages blancs de basse altitude, les cirrus réchauffent la surface de la planète en piégeant dans la basse atmosphère une partie des rayonnements infrarouges émis par la Terre, qui repartiraient sans cela dans l'espace.

    Emissions de CO2 et cirrus participent, selon de nombreuses études, à parts égales au « forçage radiatif anthropogénique ». Autrement dit au déséquilibre d'origine humaine entre l'énergie entrante et sortante dans l'atmosphère terrestre. Le transport aérien contribue à hauteur de 4 % à 5 % à ce décalage thermique.

    Peu de solutions à court terme

    « Empêcher la formation de ces nuages pourrait constituer une solution rapide pour ralentir le changement climatique, et nous donner un peu de temps pour arriver à réduire les émissions de CO2 », soumettait en 2018 le chercheur allemand Bernd Kächer, dans une étude repérée par Le Monde. Mais qu'en est-il concrètement?

    À l'heure actuelle, il existe peu de solutions pour contrer le phénomène des traînées blanches, sans réel changement de paradigme. Demander aux compagnies aériennes de voler plus haut, dans un air plus froid et sec, semble utopique. Cela reviendrait à effectuer davantage de kilomètres et bien évidemment à faire payer la note au client.

    Quant aux nouvelles énergies, qu'on parle de l'hydrogène liquide et du gaz naturel liquéfié - qui rejettent moins de particules -, ou encore de l'électrique, elles ne sont pas assez développées. « Même en imaginant qu'on réduise les émissions de particules de 90 %, cela ne suffira pas à stabiliser le réchauffement au niveau de 2006 », note avec pessimisme Ulrike Burkhardt, l'auteur principal de l'étude parue fin juin.

    Un état des lieux qui n'est donc pas de nature à contrer l'émergence du « flygskam », ce syndrome d'origine suédoise traduisant la « honte de voler » chez de plus en plus d'usagers.