PMA, filiation, anonymat… Les ministres détaillent le projet de loi Bioéthique

Le projet de loi sur la bioéthique est présenté en Conseil des ministres mercredi. Trois ministres en détaillent le contenu au Parisien.

 Paris (VIe), mardi 23 juillet. Les trois ministres Frédérique Vidal, Agnès Buzyn et Nicole Belloubet (de g. à dr.) ont été chargées par Emmanuel Macron de déminer ce texte ultrasensible.
Paris (VIe), mardi 23 juillet. Les trois ministres Frédérique Vidal, Agnès Buzyn et Nicole Belloubet (de g. à dr.) ont été chargées par Emmanuel Macron de déminer ce texte ultrasensible. LP/Raphaël Pueyo

    Une médecin, une juriste, une biochimiste; trois ministres, trois femmes, trois symboles. Ce mardi, Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, Nicole Belloubet, la ministre de la Justice, et Frédérique Vidal, la ministre de la Recherche, se sont prêtées, dans un café parisien, au jeu des questions-réponses sur le projet de loi Bioéthique, qui sera présenté mercredi en Conseil des ministres. Ce sont elles qui porteront le texte à la rentrée devant les députés.

    Élargissement de la PMA à toutes les femmes, homosexuelles ou célibataires, accès aux origines, recherche sur les cellules-souches, parce qu'il touche à la famille, au vivant, il est particulièrement sensible. Que va-t-il changer? Voici leurs réponses.

    La PMA remboursée pour toutes

    Aujourd'hui, la procréation médicalement assistée (PMA) est réservée aux couples hétérosexuels ne pouvant pas avoir d'enfant. À l'avenir, les couples de femmes ainsi que les célibataires y auront accès. « Ce nouveau droit répond à une demande sociétale et nous allons sécuriser leur parcours », assume Agnès Buzyn. « Les schémas familiaux ont changé », note-t-elle.

    Ces femmes bénéficieront de la même prise en charge par la sécurité sociale, à savoir un remboursement total. « C'est la condition pour que ce droit devienne réalité. Aujourd'hui, nous savons que les couples de femmes qui ont projet de parentalité partent à l'étranger et seules celles qui en ont les moyens peuvent le faire… Ce n'est pas normal. »

    PODCAST. Le difficile accouchement de la PMA

    Ce recours élargi à la PMA devrait concerner environ 2000 couples par an, selon la ministre. Les centres dédiés pourront-ils faire face ? « Nous faisons tout pour les accompagner, il faut savoir qu'il y a déjà en France 150 000 tentatives de PMA par an, 2000 femmes en plus. »

    Une reconnaissance anticipée de filiation

    Pour les couples hétérosexuels, rien ne change : ils passeront devant notaire pour établir un acte de consentement à la PMA. Pour les couples de femmes, le gouvernement a dû jongler afin de trouver une solution pour établir une filiation ayant la même portée que la filiation biologique ou adoptive. « Nous ne voulions pas bouleverser le droit de la filiation actuel », explique Nicole Belloubet.

    Devant notaire, les couples lesbiens devront donc faire aussi une « déclaration anticipée de volonté ». « C'est la reconnaissance qu'elles s'engagent à devenir parents de l'enfant à naître, une reconnaissance anticipée de filiation », explique la ministre. À la naissance, les deux mères la présenteront à l'officier de l'état civil et chacune sera reconnue de facto comme parent. « En plus d'être simple, c'est une procédure sécurisante : personne ne pourra venir dire ensuite, c'est moi la mère ou le père. »

    Une mention sur l'acte de naissance

    Cette déclaration anticipée sera mentionnée sur l'acte de naissance intégral (pas le simplifié). Pourquoi réserver cette mention aux enfants nés par PMA au sein d'un couple lesbien ? N'est-ce pas stigmatisant ? « Les règles actuellement applicables aux enfants nés de dons dans les couples hétérosexuels, qui reposent sur la vraisemblance biologique, sécurisent déjà la filiation de ces enfants, une modification de ces règles ne s'imposait pas », plaide la ministre.

    Mais seuls l'enfant et ses parents auront accès à l'acte de naissance intégral, les tiers ne pourront plus en avoir communication.

    L'accès aux origines rendu possible

    De nombreuses personnes nées d'une PMA avec donneur, désirent, une fois adultes, accéder à leur origine biologique. Cet accès va devenir possible. Le projet de loi prévoit que l'enfant qui est né du don pourra, à ses 18 ans, avoir accès, soit à des données non identifiantes (âge, caractéristiques physiques…), soit à l'identité du donneur, selon le choix de ce dernier.

    « Attention, prévient Nicole Belloubet, les dons resteront anonymes. Celui qui donne ne saura pas toujours à qui va son sperme. » Et pour éviter qu'il y ait deux régimes, le stock des gamètes existant sera utilisé jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi, puis détruit.

    L'interdiction de la GPA

    La loi interdit de recourir à une mère porteuse : « On ne revient pas dessus », précise Nicole Belloubet. Actuellement, il n'y a que l'adoption pour permettre à la mère ou au père d'intention d'être reconnu comme parent. « Nous devons nous améliorer sur la rapidité de l'adoption », concède la ministre.

    Feu vert à l'autoconservation des gamètes

    Les femmes ont des enfants de plus en plus tardivement. Pour leur permettre de mener un projet parental, même si elles n'ont pas trouvé le compagnon ou la compagne idéale, le projet de loi va autoriser, de façon encadrée, une femme à congeler ses ovocytes (ou un homme son sperme).

    Actuellement, cette autoconservation n'est possible que pour des raisons médicales en cas de cancer par exemple. Cela pourra se faire à partir de la trentaine (on évoque 35 ans). L'acte médical sera remboursé, mais pas les frais de conservation (environ 100 euros par an).

    Quelle limite à la recherche ?

    Interdites sauf dérogation jusqu'en 2013, les recherches sur l'embryon et les cellules-souches issues d'un embryon humain sont aujourd'hui strictement encadrées. Le sujet est sensible, tant il soulève des questions sur les limites éthiques de la science.

    Le texte de la loi Bioéthique devrait cependant permettre d'alléger les demandes d'autorisation dans le cadre des cellules-souches embryonnaires. « Des thérapies sont en cours, il devenait important qu'on simplifie le processus », insiste Frédérique Vidal. Elle cite le besoin de faciliter des essais cliniques sur la rétine pour soigner certaines maladies de l'œil, mais aussi certaines insuffisances cardiaques et des maladies du foie.

    « Bref, on est très loin d'une loi qui pourrait prôner l'eugénisme ! » balaie un collaborateur ministériel, en anticipant les attaques de certains opposants. « Le texte ne permet pas de dérive ! » assure la ministre de la Recherche.

    Le calendrier

    « Le plus tôt possible », espère Nicole Belloubet. Présenté mercredi en Conseil des ministres, discuté à partir de septembre à l'Assemblée nationale et au Sénat, le texte ne devrait pourtant pas être voté, puis promulgué, avant le premier trimestre 2020. « Cela dépendra du nombre d'amendements déposés », complète Frédérique Vidal.