Pourquoi les enfants continuent de bouder les toilettes à l’école

Portes qui ne ferment pas, odeur, promiscuité… Une étude relève que plus de 8 enfants sur 10 se retiennent d’aller aux WC dans la journée, à l’école.

 Près de 60 % des enfants trouvent les toilettes souvent sales ou mal entretenues (Illustration).
Près de 60 % des enfants trouvent les toilettes souvent sales ou mal entretenues (Illustration). LP/Anissa Hammadi

    Les toilettes, des lieux d'aisances ? Pas vraiment au regard des résultats d'une nouvelle étude sur le ressenti des enfants, âgés de 6 à 11 ans, lorsqu'ils doivent s'y rendre à l'école. Car le petit coin, dont l'importance est rappelée ce mardi dans le cadre d'une Journée mondiale qui leur est consacrée, est parfois source de grands troubles pour les plus jeunes.

    Infections urinaires, maux de ventre, problèmes de concentration en classe et donc d'apprentissage, engendrés par les stratégies d'évitement des enfants pour zapper cet équipement, sont courants. Angoisses aussi de se faire harceler dans un lieu relégué à la périphérie de l'école, ou encore malaise de passer les portes d'un espace qui respecte peu la plus élémentaire pudeur, font des toilettes à l'école une zone repoussoir.

    « Les garçons ne s'en fichent pas du tout »

    Selon une étude Harris Interactive pour Harpic, plus de huit enfants sur dix se retiennent d'aller aux WC en primaire. Pour quelles raisons ? La propreté d'abord. Près de 60 % des enfants trouvent les toilettes souvent sales ou encore mal chauffées et près de 7 sur 10 indiquent qu'elles sentent souvent mauvais.

    « La question de la propreté et de l'odeur est récurrente. Les enfants y sont très sensibles. Et contrairement à ce que l'on peut parfois entendre, les garçons ne s'en fichent pas du tout », insiste la sociologue Edith Maruéjouls, fondatrice du bureau d'études l'ARObE (Atelier recherche observatoire égalité) et autrice de travaux sur l'égalité filles-garçons.

    Plus affligeant encore, près d'un écolier sur trois mentionne que les portes des WC ferment mal et qu'ils ne fonctionnent pas bien : problème de chasse d'eau, de robinets, de lumière… L'étude révèle aussi que les toilettes à l'école ne seraient pas un endroit où les élèves se sentent en sécurité. Un sur quatre se plaint d'y être « embêté ». Et même près d'un sur trois chez les 8-9 ans. Conséquence : c'est 43 % des enfants qui n'aiment pas y aller seuls.

    C'est le cas de Camille, 8 ans, scolarisée en CE2 à Paris (XXe). « J'y vais toujours avec ma copine Iris qui me tient la porte et me prévient si quelqu'un monte sur les toilettes d'à côté pour regarder par-dessus. Il y a des filles plus grandes qui font ça pour se moquer. Je n'aime pas y aller. En plus, parfois, il n'y a plus de papier. Alors, si je peux, je me retiens jusqu'à ce que ma nounou vienne me chercher à 16h30. »

    « Les humiliations du quotidien, voire les agressions, se font aux toilettes et penser que la non-mixité règle ces problèmes est une erreur », poursuit Edith Maruéjouls. Selon son expertise, le bloc sanitaire doit être ouvert sur cours pour permettre une surveillance des adultes, un espace partagé par les filles et les garçons, et les toilettes stricto sensu, cloisonnées.

    Les urinoirs pointés du doigt

    Il faudrait deux blocs sanitaires plus précisément : l'un pour les plus jeunes, l'autre pour les plus vieux « car vous avez cinq classes d'âge en élémentaire, ce qui est énorme », précise la sociologue qui collabore au programme « A nous les toilettes » développé par la marque de nettoyant WC Harpic et dont l'objectif est d'améliorer l'usage des toilettes à l'école.

    Elle prône également la fin des urinoirs qui obligent les garçons à montrer leur intimité. « Ce qui sous-entend aussi que s'ils préfèrent se rendre aux WC pour s'asseoir, ce n'est pas pour faire pipi parce que, c'est bien connu, un garçon fait pipi debout, tacle la sociologue. Une petite humiliation donc… Comme le fait de devoir prendre du papier toilette à l'extérieur. Comment peut-on en être encore là ? » « Jamais on accepterait une telle situation dans une entreprise », concorde Mirana, la maman de la petite Camille.