Covid-19 : pourquoi les indicateurs français de l’épidémie sont (très) perturbés

Les données des tests, des hospitalisations et des vaccins n’ont pas été publiées vendredi soir, et leur communication reste perturbée ce week-end. La faute à plusieurs « incidents techniques », qui pourraient être indirectement liés aux soucis rencontrés récemment par le groupe OVH. Explications.

Des habitants attendent le résultat de leur test, le 18 février 2021.
Des habitants attendent le résultat de leur test, le 18 février 2021.

    En près d’un an de pandémie, cela ne s’était jamais produit. Les indicateurs de l’épidémie de Covid-19 en France sont restés totalement figés vendredi soir. Les données SI-DEP (nombre de tests, nombre de cas positifs, taux d’incidence, taux de positivité, etc), SI-VIC (nombre de patients à l’hôpital, nombre d’admissions en réanimation, etc) et SI-VAC (nombre de personnes vaccinées, couverture vaccinale en Ehpad, etc) n’ont pas été mises à jour. Depuis début mars, elles sont habituellement publiées sur la plateforme Géodes et sur data.gouv.fr entre 17h et 17h30. La faute à plusieurs « bugs » en voie d’identification mais qui impactent toujours le système ce week-end.

    Vendredi soir, peu après 22 heures, Santé publique France (SPF) a officiellement reconnu l’existence d’ « incidents techniques détectés dans la chaîne de remontée de données ». L’agence, tenant à « fournir des données vérifiées, consolidées et fiables », a « pris la décision de ne pas publier ces indicateurs ». En interne, dès 18 heures, plusieurs sources se montraient très pessimistes sur l’issue de la journée. « Des investigations sont en cours en lien avec l’ensemble des acteurs impliqués dans la chaîne de production des données dans l’objectif de les rétablir dans les meilleurs délais », indiquait SPF dans son communiqué.

    Des incendies dans deux datacenters d’OVH

    Que s’est-il passé ? Concernant SI-DEP, « des écarts ont été constatés entre les données reçues par Santé Publique France ce jour et celles observées dans les territoires notamment en lien avec ses cellules régionales », indique l’agence. D’après nos informations, la principale piste explorée porte sur une mauvaise identification géographique des tests. En gros, certaines personnes habitant dans tel département (et, le plus souvent, testées dans le même territoire) ont pu être reliées à un autre département. Ce bug serait lié aux soucis récents rencontrés par l’hébergeur OVHCloud (anciennement OVH). Dans la nuit du 9 au 10 mars, un datacenter du groupe français a été détruit par un incendie et un autre a été fortement endommagé, perturbant le fonctionnement de nombreux sites Internet. « Cela fait partie des hypothèses mais cela n’est pas confirmé à ce stade », nous indique prudemment Santé publique France.

    Selon toute vraisemblance, le problème pourrait aussi concerner - dans une moindre mesure - les chiffres des jours précédents. Jeudi soir, certaines données avaient d’ailleurs semblé incohérentes. Dans une dizaine de départements, le nombre de personnes testées positives lundi (ces données sont toujours communiquées avec un délai de trois jours, le temps que les résultats des tests remontent) avait atteint un niveau record, du jamais-vu même au plus fort des deux précédentes « vagues » de l’épidémie. C’est le cas, notamment, de trois départements d’Île-de-France (Seine-et-Marne, Essonne, Val-d’Oise) et de la Seine-Maritime. Logiquement, le nombre de tests réalisés lundi apparaissait également étrangement élevé.

    En Seine-Maritime, le taux d’incidence (c’est-à-dire le nombre de cas positifs pour 100 000 habitants sur une semaine) a ainsi officiellement augmenté de 57 % en une semaine. La hausse réelle serait ainsi moins importante, alors même que ce département fait partie des seize territoires où des restrictions supplémentaires sont entrées en vigueur ce samedi. Pour savoir précisément dans quelles proportions, il faudra attendre la publication des données rectifiées à l’échelle départementale, sans doute pas avant le début de semaine prochaine, indique Santé publique France.

    Peu de données en open data ce samedi soir

    Ce samedi soir, Santé publique France, ne sera pas en mesure de publier en open data les données mises à jour, que ce soit pour les tests mais aussi pour la vaccination. Vendredi soir, il était simplement indiqué que les données SI-VAC n’avaient pas été publiées « en raison d’une indisponibilité des données », sans que l’on sache avec certitude si l’origine de ce bug est le même que pour SI-DEP. Elles n’avaient déjà pas été publiées mercredi, en raison d’un « incident technique ».

    Seuls les chiffres des cas positifs et des personnes vaccinées à l’échelle nationale doivent être publiés dans la soirée sur le site de Santé publique France. Malgré les incidents techniques, « les remontées nationales sont correctes », nous assure-t-on. Quant à SI-VIC, il n’a pas été impacté et tous les chiffres hospitaliers sont disponibles depuis 17h sur Géodes. Vendredi soir, l’agence sanitaire a préféré « couper tous les flux » afin d’être « sûre » qu’aucun chiffre potentiellement incohérent ne passe.

    Ces incidents techniques, avec lesquels doit composer l’agence sanitaire, s’ajoutent à un autre, plus ancien. Comme Le Parisien l’a révélé dimanche dernier, le nombre de cas est « gonflé » depuis plusieurs semaine à cause de doublons, notamment lors de l’étape de criblage des tests antigéniques positifs. L’écart entre l’incidence affichée et celle réelle est estimée autour de 10% au niveau national, mais cela ne remet pas en cause les tendances. Lors de son point presse hebdomadaire organisé à distance ce vendredi matin, Santé publique France a reconnu l’existence de souci et indiqué qu’il était toujours en voie de résolution.