Tourisme : Étretat victime de son succès

Moteur de l’économie locale, le tourisme apporte aussi son lot d’inconvénients à la petite station balnéaire d’Étretat et ses célèbres falaises.

 En un an, la station balnéaire reçoit la visite d’environ un million de touristes.
En un an, la station balnéaire reçoit la visite d’environ un million de touristes. LP/Laurent Derouet

    Comment faire rentrer un million de touristes dans un village d'un peu moins de 1 400 habitants? C'est le casse-tête rencontré par la petite commune d'Étretat (Seine-Maritime) et ses falaises célèbres dans le monde entier.

    Ellen, croisée à sa descente du bus en provenance directe de Paris, est venue en coup de vent. Pour l'étudiante de Caroline du Nord, l'étape était incontournable : « J'en rêve depuis longtemps. Voir ce site qui a inspiré tant de peintres, c'est incroyable ». Ce soir, elle dormira à nouveau à Paris. Et demain, direction Giverny.

    Un mode de consommation touristique « express » qui contribue, selon Catherine Millet, maire depuis 2016, « à faire exploser le nombre de visiteurs, surtout depuis deux ans ». Un attrait qui n'est pas nouveau, mais qui ne fait que se renforcer. Avec évidemment des avantages sur le plan économique pour la station balnéaire qui compte 27 restaurants et 12 hôtels. Mais aussi des inconvénients qui ne cessent de prendre de l'ampleur.

    Les galets disparaissent

    Un exemple ? La circulation et le stationnement. « Les jours de forte affluence, notre police municipale ferme le centre-ville aux voitures », détaille l'ancienne institutrice qui s'attend à un gros week-end avec une météo au beau fixe.

    « Et nous avons reporté au niveau de la gare le parking proche de la chapelle sur la falaise amont. L'accès posait des problèmes de sécurité. Et avoir des voitures sur un site si exceptionnel, ce n'était plus possible. » En centre-ville, les onze places réservées aux autocars sont, elles, prises d'assaut au quotidien, surtout que certains jours ce sont plus d'une vingtaine qui viennent y déposer leurs passagers, de quoi transporter la quasi-totalité de la population.

    Côté environnemental, les chemins menant aux sommets des falaises souffrent du piétinement de dizaines de milliers de randonneurs. Mais, plus étonnant, la plage se vide de ses galets, à raison de 300 à 400 kg certains jours, ramassés et conservés en guise de souvenirs.

    Une association créée par des Étretatais, « Touche pas à mes galets », tente bien de faire de la prévention, mais rien ne semble y faire. Pas même le risque d'être verbalisé à hauteur de 90 euros, même si pour l'instant les procès-verbaux sont plus que rares. Une étude menée par l'université de Caen va tenter d'évaluer la situation, mais Catherine Millet est inquiète : « Les galets, c'est notre protection naturelle face aux tempêtes ».

    Le nombre de nuitées bientôt limité ?

    L'autre danger qui menace Étretat est de nature immobilière. Car sa réputation a fait le tour de la toile et le nombre de maisons achetées et rénovées pour devenir des chambres en location sur les sites spécialisés, tels qu'AirBnB, ne cesse de croître.

    Pour une commune qui perd régulièrement des habitants, difficile de loger de nouvelles familles. À l'automne, la municipalité a émis le vœu de limiter le nombre de nuitées pour ces loueurs qui n'ont, pour beaucoup, plus rien de particuliers. Pour l'heure, rien n'est fait. La législation étant complexe et les élections municipales prochaines, le dossier est en stand-by. Mais comme le souligne Magali Thuillier, l'ancienne directrice de l'office de tourisme : « La spécificité d'un site comme Étretat, son esprit, ce sont ses habitants. Nous ne pourrons pas nous passer de cette réflexion ».