Judo : gros clash entre la Fédération française et Clarisse Agbégnénou au sujet de son kimono

INFO LE PARISIEN La double championne olympique, qui effectue sa rentrée internationale, refuse de porter le kimono que lui impose la Fédération. En représailles, celle-ci a décidé de la priver d’entraîneur et de geler ses aides financières.

Un conflit oppose la double championne olympique de Tokyo à la fédération française, au sujet du port du kimono.
Un conflit oppose la double championne olympique de Tokyo à la fédération française, au sujet du port du kimono.

    C’est sans coach sur la chaise et donc sans conseils que Clarisse Agbégnénou a renoué avec la compétition internationale, ce vendredi à Tel Aviv, en Israël. La « conséquence » d’un conflit entre la judokate et la fédération française de judo. Clarisse Agbégnénou ayant choisi de porter le kimono de son équipementier (Mizuno) et non celui de l’équipe de France (Adidas), la fédération a décidé de… lui couper les vivres et de la priver de coaching.

    Jeudi, la veille de son entrée en lice, Sébastien Mansois, le directeur technique national (DTN) avait adressé un mail aux cadres techniques. « En qualité d’entraîneurs nationaux, vous ne pouvez pas « coacher » d’athlètes si ceux-ci arborent une tenue non reconnue ou non validée officiellement par la fédération française de judo », écrit le cadre d’Etat. Un avertissement adressé à tous mais qui cible Ludovic Delacotte, l’entraîneur de Clarisse Agbégnénou, contraint de suivre les ordres de sa hiérarchie.



    Plus tôt dans la journée, la double championne olympique avait également reçu un courriel, envoyé par le DTN. « Nous te rappelons que la tenue de combat de l’équipe de France, fournie, par l’encadrement, est obligatoire dans le cadre du grand slam de Tel Aviv, comme dans toutes les compétitions dans lesquelles tu es engagée au titre de l’équipe de France (…) Nous ne doutons pas que tu vas respecter ces règles, mais préférons te rappeler qu’en cas de manquement, il ne serait pas envisageable pour la Fédération de maintenir de son côté ses engagements prévus dans la convention, dont l’accompagnement de ton projet individuel. » En clair, le DTN explique à la championne qu’elle ne touchera plus les aides personnalisées, celles versées par la Fédération et qui proviennent en très grande partie de l’Agence nationale du sport, et donc de l’État.

    Teddy Riner porte le kimono de sa propre marque

    Comment en est-on arrivé là ? Il y a quelques mois, alors que Clarisse Agbégnénou signait un contrat kimono avec Mizuno, la Fédération française de judo négociait avec l’équipementier Adidas pour fournir l’ensemble de l’équipe de France… Sauf Teddy Riner, exclu d’emblée des négociations. Dès 2017, le triple champion olympique et son avocate d’alors, Delphine Verheyden, avaient obtenu (de haute lutte) la possibilité d’avoir son propre fournisseur de kimono, estimant notamment qu’il pouvait s’agir d’un équipement technique (dans ce cas le sportif porte ce qu’il veut, comme notamment les chaussures à pointes en athlétisme). À l’époque, Riner venait de signer avec Under Armor et la firme américaine ne fabriquant à l’époque, pas de kimonos, un accord avait été trouvé afin que le champion porte la tenue de l’équipe de France, avec le logo Under Armor dessus. Nouvelle évolution en 2021 : depuis les JO de Tokyo, Riner porte la tenue Fight Art, la marque qu’il a lancée.

    Clarisse Agbégnénou entendait en faire de même, au nom de l’équité. Les échanges avec la Fédération française de judo se sont rapidement envenimés, au point de devenir explosifs à Tel Aviv. La Fédération, craignant de perdre son équipementier, insiste pour que Clarisse Agbégnénou porte le même kimono que les autres membres de l’équipe de France et estime que la judokate n’était pas en droit de négocier avec son propre équipementier. La double championne olympique souhaite de son côté obtenir le même accord que Riner. Son entourage précise que la Fédération française ne lui a « jamais fourni de kimono » et que « les essayages n’ont eu lieu que lundi dernier, dans la précipitation ». Par ailleurs, sur le kimono national, il manquerait le nom d’un sponsor (Allianz) de la championne.

    D’autres judokas de l’équipe de France ont refusé de signer la convention

    Pour la fédération internationale de judo, la tenue que la Française souhaite porter serait conforme à ses règlements et c’est la convention entre la Fédération française et l’athlète (qui comprend notamment les règles de suivi médical, les aides, le droit à l’image et le port de la tenue) qui fait foi. Le hic, c’est qu’aucune convention n’a été signée depuis… 2 ans et demi. En 2020, Clarisse Agbégnénou et la fédération française, alors dirigée par Jean-Luc Rougé avaient bien signé un contrat pour 4 ans. Seulement, en novembre 2020, élu depuis quelques jours à la présidence, Stéphane Nomis avait de façon unilatérale mis un terme à ce contrat, ce qui avait occasionné une première fracture dans ses relations avec la championne.

    Depuis, aucune convention (pourtant obligatoire selon le code du sport) n’a été proposée… jusqu’à vendredi dernier, dans la soirée. À l’issue d’un rendez-vous à l’Insep avec le président, visant notamment à régler le problème du kimono, Clarisse Agbégnénou avait reçu une convention. Dans laquelle figure l’obligation de porter le kimono de la Fédération. Le dialogue a alors été rompu. Selon nos informations, d’autres judokas de l’équipe de France ont refusé de signer leur convention (pour eux, il s’agissait d’un renouvellement) avant d’avoir consulté leurs conseils. Là encore, la fédération française s’était montrée claire en leur demandant, samedi dernier, de signer cette convention pour pouvoir « monter sur le tapis de l’Insep dès lundi (dernier) ». Certains judokas souhaitent que ces conventions, où ils cèdent notamment leur image à la fédération, fassent l’objet de discussions. Stéphane Nomis, le président de la fédération, n’a pas répondu à nos sollicitations, alors que les entraîneurs ont désormais interdiction de s’exprimer sur le sujet.