Mort de Bernard Tapie : «Il avait le mental d’un grand champion», salue Bernard Hinault

Le quintuple vainqueur du Tour a gagné sa dernière Grande Boucle avec l’équipe La Vie Claire de Tapie. Il raconte son émotion.

Bernard TAPIE et Bernard Hinault pendant la présentation de l'équipe la Vie Claire, au Moulin Rouge à Paris, le 5 janvier 1984 (Photo Ferguson / Icon Sport)
Bernard TAPIE et Bernard Hinault pendant la présentation de l'équipe la Vie Claire, au Moulin Rouge à Paris, le 5 janvier 1984 (Photo Ferguson / Icon Sport)

    Bernard Hinault, le quintuple vainqueur du Tour de France, n’oublie pas qu’il doit une petite partie de son cinquième succès en 1985 à Bernard Tapie. C’est l’homme d’affaires qui avait accepté de financer la création de sa nouvelle équipe « La Vie Claire » alors qu’il était en difficulté chez Renault Gitanes où Cyrille Guimard, son directeur sportif, lui préférait Laurent Fignon. Joint au téléphone ce dimanche matin, Bernard Hinault voulait surtout retenir la combativité de Tapie ces dernières années.

    Qu’avez-vous ressenti à l’annonce du décès de Bernard Tapie ?

    BERNARD HINAULT. Énormément de tristesse. J’ai vécu des grands moments avec lui. C’était une période fantastique alors forcément, je ne peux qu’être triste. Même si, hélas, ce n’est une surprise pour personne.

    Vous souvenez-vous de la première fois où vous l’avez rencontré ?

    Oui. C’était dans ses bureaux, 24 avenue de Friedland à Paris en 1983. Avec Jean de Gribaldy, on avait monté un projet de nouvelle équipe et on cherchait des gens pour la financer. Quand on lui a parlé du chiffre, il m’a dit : le pognon, ce n’est pas le principal. Ce que je veux c’est ton savoir. En fait, il venait de racheter l’entreprise Look et avait un projet industriel. Il voulait construire des pédales automatiques, chose qui n’existait pas à cette époque. Et il comptait sur moi pour l’aider. Il disait « ce n’est pas une équipe que je veux, c’est Hinault ». Alors, on a fait le deal et l’équipe s’est montée ainsi.



    Était-il un patron interventionniste ?

    Pas du tout. Il nous foutait la paix pendant les stages de préparation. Ensuite, il venait sur les courses, ce qui est normal. Mais il ne se mêlait pas de stratégie sportive. Ce n’était pas son truc, c’était le mien.

    On dit qu’il avait contribué à changer le cyclisme en y introduisant beaucoup d’argent…

    C’est plus compliqué que cela. En fait, les gens oublient que c’était un businessman avant tout et que s’il mettait de l’argent quelque part, c’est pour en retirer encore plus. On a beaucoup écrit sur le fait qu’il avait enrôlé l’Américain Greg Lemond pour un million de dollars. Mais c’était une somme sur trois ans qui correspondait presque à ce que je touchais. Et, à travers Lemond, il voulait introduire Look aux USA. Il a ainsi gagné dix fois plus que ce qu’il avait mis sur Lemond. C’était juste un homme d’affaires.

    Beaucoup disent que c’est lui qui avait décidé de votre fameuse arrivée main dans la main avec Lemond à l’Alpe-d’Huez en 1986…

    Des conneries ! Jamais Tapie ne se serait mêlé de sport. Il nous avait dit débrouillez-vous et on a géré cela entre hommes avec Greg.

    Etait-ce un amoureux du vélo ?

    C’était plutôt un amoureux du sport en général qui se passionnait pour ce qu’il entreprenait. Il n’avait pas la culture du vélo mais il aimait les champions.

    Avez-vous gardé des relations avec lui après votre carrière ?

    Oui. Déjà, il m’avait invité à Munich pour la finale de Ligue des champions de l’OM en 1993. Il y a quelques temps que je ne l’avais pas vu. En 2019, il avait voulu revoir les anciens de La Vie Claire lors d’un Tour de La Provence mais je n’étais pas disponible. Je l’avais eu au téléphone en début de cette année. Forcément, on avait échangé des mots sur le thème de la résistance. Il me disait je m’accrocherai jusqu’à la fin, on ne sait jamais, il y aura peut-être des nouveaux remèdes. Il avait la voix fatiguée mais il y croyait. Sincèrement, j’ai admiré sa résistance. Il avait le mental d’un grand champion.