« Des grandes sportives, pas des escroqueries » : l’équipe ouzbèke défend sa place sur le Tour de France femmes

Le directeur sportif de l’équipe Tashkent City Professional explique que son équipe n’a volé la place de personne pour disputer le Tour de France femmes. Même s’il ne reste plus qu’une des sept coureuses encore en course.

Le petit  camping-car de la formation Tashkent City Professional sur le Tour de France femmes devant lequel les trois coureuses restantes s'échauffent. LP/Christophe Bérard
Le petit camping-car de la formation Tashkent City Professional sur le Tour de France femmes devant lequel les trois coureuses restantes s'échauffent. LP/Christophe Bérard

    Dès la première étape, on n’a remarqué qu’elle, entre Rotterdam et La Haye. Et pas pour les meilleures raisons. Lors de cette étape au sprint disputée sur un rythme pourtant peu effréné, l’équipe ouzbèke Tashkent City Professional a perdu quatre de ses sept coureuses sur abandon ! Les quatre femmes (Ekaterina Knebeleva, Asal Rizaeva, Mohinabonu Elmurodova et Madina Kakhorova) n’avaient tout simplement pas le niveau sportif pour suivre dans une épreuve du niveau du Tour de France femmes.

    Et très vite, des questions se sont posées sur le bien-fondé de sa participation à une course de ce niveau. Et ce ne sont pas les deux nouveaux abandons ce mercredi, en marge de la 4e étape, qui vont arranger les choses. Après trois jours de course, Tashkent City Professional ne compte plus qu’une coureuse en course.

    En réalité, les Ouzbèkes ont profité d’une faille dans le système de comptage des points UCI, l’unité de mesure de la valeur sportive des équipes. En alignant de nombreuses coureuses sur des épreuves de faible niveau en Asie, Tashkent City Professional a obtenu un classement rendant automatiques sa sélection sur le Tour. Mais depuis lundi soir, les Ouzbèkes font l’objet de moqueries et de commentaires plus outragés. Beaucoup n’hésitant pas à parler d’escroquerie morale.

    « On n’a absolument pas volé notre place »

    Juste avant le contre-la-montre du mardi après-midi dans les rues de Rotterdam, les trois coureuses s’échauffent au pied d’un petit camping-car. Le contraste est flagrant avec les bus énormes et rutilants des autres équipes. Mais le directeur sportif Volodymyr Starchyk préfère sourire des moqueries et des suspicions. « On n’a absolument pas volé notre place ici, souligne-t-il en Italien. Il y a des règlements qui permettent d’obtenir des points UCI. Si cela ne plaît pas, il faut changer les règlements. Mais il ne faut pas en vouloir à ceux qui les respectent. Nous, on a obtenu nos points légalement. »

    Pour le directeur sportif, son équipe était extrêmement motivée à obtenir le meilleur classement possible en 2024 à cause des JO de Paris. « Vous n’imaginez pas à quel point, c’était important pour l’Ouzbékistan de participer aux Jeux. Chez nous, c’est cent fois plus important que le Tour. Mais mon travail pour les prochaines années, c’est de faire comprendre à quel point le Tour de France est la plus grande course du monde et qu’il faut se donner les moyens d’y briller. »

    « 7 % de toutes les Ouzbèkes qui font du vélo sont sur ce Tour »

    Selon Volodymyr Starchyk, trois des coureuses n’avaient pas le niveau sportif nécessaire pour la Grande Boucle féminine. « Elles sont très jeunes, c’est vrai. Mais la quatrième, Madina Kakhorova, souffrait d’un mal de gorge. Et regardez ce qu’ont vécu les trois filles qui restent ». Et le directeur sportif de montrer sur son portable des photos de Margarita Misyurina le visage ensanglanté avec notamment une orbite très enflée après une chute. « C’était il y a trois semaines seulement, soupire-t-il. Quand on voit cela, il faut plutôt être bluffé par sa présence ici au lieu de se moquer de nous. » Misyurina était finalement non partante ce mercredi.

    Dans la foulée, il sort une autre photo de Yanina Kuskova à terre également et le genou en sang. « Elle aussi est tombée il y a quelques semaines. Ce sont des grandes sportives et pas des escroqueries. » Kuskova est la dernière en course, 73e du général à 10′39″ de Vollering.



    Pour son directeur sportif, on reverra Tashkent City Professional dès la saison prochaine. « Mais il faut être honnête, on n’aura probablement pas les points nécessaires pour disputer le Tour. Car il n’y a pas de Jeux olympiques en 2025. Mais cette équipe va continuer. Et je veux rappeler qu’en France, il y a des milliers de femmes qui ont une licence pour disputer des courses. En Ouzbékistan, elles ne sont que cent. Cela veut dire que 7 % de toutes les Ouzbèkes qui font du vélo sont sur ce Tour. Et cela, c’est un exploit. Alors merci de toutes les moqueries depuis lundi : elles permettent de nous mettre dans la lumière. Et ceux qui parlent de nous comme cela, ce sont des sportifs de canapé : entre la bière et les chips, ils peuvent dire ce qu’ils veulent. »

    En attendant, les quatre coureuses qui avaient abandonné lundi ont continué d’accompagner le reste de l’équipe. Et elles ont pris la route de l’étape entre Valkenburg et Liège mais... une heure et demi avant la course. Pour un entraînement grandeur nature.