Zwift, l’application qui entraîne stars du peloton et cyclistes du dimanche

L’application est populaire dans le peloton professionnel et chez les passionnés de vélo.

 Dans Zwift, vous pouvez rouler en peloton avec d’autres cyclistes connectés.
Dans Zwift, vous pouvez rouler en peloton avec d’autres cyclistes connectés. Zwift

    En quelques coups de pédale, Warren Barguil file dans les rues de Londres. Quelques minutes plus tard, le grimpeur d'Arkéa-Samsic, dixième du dernier Tour de France, s'élance sur les rampes d'un col escarpé dans les Alpes. Encore un quart d'heure, et on retrouve le Breton en train de rouler sur une paisible route en bord de mer. On vous perd? C'est normal.

    Ne cherchez pas un moyen de rallier tous ces endroits dans le monde réel. Tout se passe dans Zwift. Cette application américaine propose le concept suivant : créer un monde virtuel pour les adeptes de home trainer, les vélos de course transformés un temps en leurs cousins d'appartement. Pour faire simple, là où l'on pédalait avant face à un mur, vous connectez votre engin puis vous promenez un personnage numérique à la force de vos jambes sur votre écran. Et, avec le matériel idoine, les pourcentages des ascensions virtuelles se ressentent dans les pédales. L'idée : « rendre vos entraînements plus fun », résume un porte-parole de l'entreprise.

    Depuis sa création en 2014, Zwift revendique 1,5 million de comptes à travers le monde, soit potentiellement autant d'utilisateurs. Parmi eux, des cyclistes du dimanche qui doivent s'acquitter d'un abonnement mensuel de 15 euros et des coureurs professionnels, à qui l'entreprise offre un accès gratuit. Le rouleur anonyme peut croiser sur les routes de Watopia, l'univers virtuel de l'application, des coureurs comme Thibaut Pinot, Warren Barguil, le vainqueur du Tour 2018 Geraint Thomas, son compatriote Mark Cavendish ou le Norvégien Edvald Boasson-Hagen. Selon l'entreprise américaine, 74 des partants du dernier Tour de France possèdent leur avatar numérique.

    « Ça rend nos entraînements beaucoup plus sympa, résume Barguil. On peut faire une séance de qualité l'hiver, quand il pleut trop pour bien s'entraîner dehors. » « L'home-trainer sans ça, ça consiste à pédaler seul face à un mur, résume Damien Touzé, cycliste de chez Cofidis. Zwift ne remplacera jamais les vraies sensations d'un entraînement sur route mais c'est assez réaliste et ça casse la monotonie. »

    Monter l'Alpe d'Huez dans son appartement

    Certains vrais parcours ont ainsi été modélisés par les concepteurs de l'application. Le prologue du dernier Giro, les Championnats du monde d'Innsbruck de 2018 ou encore une version virtuelle des 21 lacets de l'Alpe-d'Huez, baptisée l'Alpe du Zwift, sont proposés aux rouleurs du jeu vidéo. « C'est assez fatigant, on sent bien la difficulté des parcours, lâche Simon, directeur technique de 31 ans installé à Paris. Quand tu roules l'été face à ton écran dans ton appartement, la température monte très vite (rires). »

    Figure de la (encore timide) communauté française de l'application, Muriel organise des sorties virtuelles entre cyclistes féminines et mène son peloton 2.0. « On se prend la roue les unes les autres, on fait notre effort en groupe de manière ludique. On sprinte même à chaque tour de circuit », explique cette habitante de Vélizy-Villacoublay (Yvelines) qui s'avale ses 100 km hebdomadaires. À son actif, 12 ascensions de l'Alpe d'Huez virtuel. « Ça me donne envie d'essayer de le grimper dans la réalité », lance cette responsable informatique de 49 ans.

    Muriel, cycliste amateur, sur son home trainer à son domicile. LP/Philippe Lavieille
    Muriel, cycliste amateur, sur son home trainer à son domicile. LP/Philippe Lavieille Zwift

    Ne pensez pas que le phénomène reste cantonné à des cyclistes branchés ou des stars du peloton un peu frileuses. Fin 2018, Zwift a levé 120 millions de dollars pour se lancer dans l'e-sport et a lancé sa compétition en janvier avec plusieurs équipes professionnelles, dont les Français de Cofidis. « Ça faisait partie de notre entraînement pour les compétitions réelles, raconte Damien Touzé. On n'était pas à fond comme certains l'étaient. » Un premier cas de dopage numérique a d'ailleurs été sanctionné en octobre. Le Britannique Cameron Jeffers a reconnu avoir utilisé un programme pour rouler à sa place et améliorer son avatar. Résultat : six mois de suspension.

    Des cas qui vont être d'autant plus scrutés avec l'attrait croissant pour la chose. En septembre, Zwift a signé un accord avec l'Union cycliste internationale pour organiser des Championnats du monde en 2020. « L'e-sport est l'un des axes de développement de l'entreprise, appuie un porte-parole de la société. S'il est retenu un jour comme discipline olympique, nous aimerions organiser une épreuve sur notre plateforme. » Barguil et Pinot ont déjà pris leurs marques pour une médaille.