Rescapé du foot

Djamel Ibouzidène, arrivé d'Algérie il y a quatre ans et présenté comme une pépite, a été l'une des victimes du mariage raté entre les académies Guillou et le Paris FC. Depuis, il joue en CFA 2, à Noisy-le-Sec.

Paris (XXe), hier. « Quand tu as 18 ans, que tu n’as jamais quitté le bled et que tu arrives à Paris, tu as des rêves plein la tête, raconte Djamel Ibouzidène. Mais j’ai vite déchanté. »
Paris (XXe), hier. « Quand tu as 18 ans, que tu n’as jamais quitté le bled et que tu arrives à Paris, tu as des rêves plein la tête, raconte Djamel Ibouzidène. Mais j’ai vite déchanté. » LP/ICON SPORT /ANTHONY DIBON

    Souvent, lors de la conversation, ses yeux clairs se sont assombris et son éternel sourire a disparu. « La nuit, je ne dors pas, je me pose toujours la même question : pourquoi moi ? Le pire, c'est que je n'ai jamais eu les réponses. » Depuis quelques semaines, Djamel Ibouzidène (22 ans) s'épanouit à Noisy-le-Sec (CFA 2). Mais très loin du niveau que certains avaient prédit au gamin d'Oran, présenté comme une pépite de l'Académie Paradou en Algérie, lorsqu'il a débarqué à Orly le 31 juillet 2012. « Quand tu as 18 ans, que tu n'as jamais quitté le bled et que tu arrives à Paris, tu as des rêves plein la tête, raconte celui qui vit en colocation dans le XXe. Mais j'ai vite déchanté. J'ai compris que le foot, ce n'était que du business. Ils ont cassé mes rêves... »

    A l'époque, à la suite du mariage entre le Paris FC et les Académies Jean-Marc Guillou, d'où est issu Yaya Touré notamment, Ibouzidène et cinq autres jeunes académiciens avaient été intégrés à l'effectif de National. Le latéral gauche avait même disputé les trois premiers matchs de la saison comme titulaire. « On était arrivé un lundi et le vendredi, on avait joué, se souvient Ibouzidène. Au début, on vivait à l'hôtel, c'était le ramadan, on ne mangeait que des pizzas... Au lieu de nous laisser le temps de nous intégrer en réserve ou en U 19, on nous a jetés au feu d'entrée et on nous a critiqués à cause des mauvais résultats. »

    Après la rupture entre le président Ferracci et Jean-Marc Guillou à la suite du renvoi de son neveu et entraîneur Olivier, Ibouzidène devient vite l'enfant du divorce dont on ne sait plus trop quoi faire... « Jean-Marc Guillou m'a jeté. Ils m'ont lâché. Je me suis retrouvé seul, abandonné. En Algérie, Jean-Marc avait vu 8 000 gamins, il en a retenu 80 pour les derniers tests et j'ai été le premier qu'il a choisi. On me prédisait un avenir doré, on me parlait de grands clubs européens. Et tout d'un coup, en un claquement de doigts, je ne valais plus rien. Plus personne n'était là pour m'aider. Jean-Marc, lui, il dort et il vit bien. Il se moque de la situation dans laquelle il m'a mis... »

    Au PFC où il bénéficiait d'un contrat fédéral, son avenir était bouché. « J'ai été pris en otage, j'étais la victime de la brouille entre Ferracci et Guillou. Pendant quatre ans, ça a toujours été la même histoire. Je n'étais rien ou juste le fils de Guillou (sic). On me faisait sentir que je n'étais pas le bienvenu. Même si j'étais bon quand on me laissait jouer, tous les petits du club me sont passés devant. Le PFC ne voulait pas que je perce car cela aurait fait de la pub à Guillou... »

    Le décès, l'an dernier, d'Olivier Guillou qu'il considérait comme son « second papa » l'a aussi meurtri. « Il me disait toujours : courage, travaille et soit meilleur qu'hier. Si j'ai tenu c'est grâce à mon mental et mon éducation. Cet été, j'avais la possibilité de signer dans un club de 1re division algérienne, j'aurais gagné l'équivalent de 6 000 €. Mais revenir aurait été un échec de plus. Mon père sait qu'en France, je ne gagne pas bien ma vie. Mais il me répète toujours continue de croire en toi. Je ne lâche rien, je sais que je ne suis pas moins bon que mon meilleur ami Bensebaini (Rennes, L 1). Je n'oublierais jamais ceux qui m'ont fait du mal. Ma réponse, je veux la donner sur le terrain... »

    Aujourd'hui contre Ivry, en CFA 2, il veut briller en hommage à son grand-père décédé dimanche.