Affaire Jegou-Auradou : libérés mais toujours inculpés, les joueurs ne sont pas autorisés à revenir en France

Assignés à résidence à Mendoza depuis le 17 juillet, les deux rugbymen français ont été libérés par la justice argentine, ce lundi. Ils restent cependant mis en examen pour viol aggravé en réunion.

    Il était 13h45 en Argentine quand le suspense, déjà bien éventé, a pris officiellement fin : comme pressenti, le ministère public de Mendoza a annoncé dans un communiqué la libération sous conditions d’Oscar Jegou et Hugo Auradou, assignés à résidence avec bracelet électronique depuis le 17 juillet. Les deux rugbymen français restent mis en examen pour viol aggravé en réunion et ne peuvent quitter le pays le temps de l’instruction du dossier, ni entrer en contact avec la plaignante.

    Le parquet avait jusqu’à 23h59 (heure locale) ce lundi, pour solliciter une audience dite de « prison préventive ». Laquelle devait déterminer si les deux accusés restaient détenus - à domicile ou non - durant l’enquête. Cette audience n’a finalement pas été sollicitée, le ministère public ayant noté « l’existence de contradictions notoires, d’inconsistances, de zones grises et d’explications insuffisantes » dans le dossier, considéré comme trop faible pour justifier le maintien en détention des accusés.

    « Une étape importante vers la démonstration de leur innocence »

    « C’est une étape importante et déterminante dans la reconnaissance de leur innocence », a réagi Antoine Vey, l’avocat français des deux internationaux, qui espère « une clôture de l’enquête durant ces prochains jours », une fois que les expertises psychologique et psychiatrique de ses clients et de la plaignante auront été versés au dossier.

    Plusieurs témoignages doivent également encore être apportés, parmi lesquels ceux de deux amis de la plaignante, ce mardi. « Petit à petit, la vérité émerge, indique Antoine Vey. Ils sont innocents. » Devant une trentaine de journalistes regroupés à l’entrée de la maison dans laquelle Oscar Jegou et Hugo Auradou sont restés enfermés jusqu’à hier, leur avocat German Hnatow s’est pour sa part dit « conforme avec la décision » du parquet, précisant que les joueurs allaient « rester à Mendoza pour le moment » avant d’évaluer la possibilité d’autres logements. « Nous allons demander l’abandon des charges ces prochains jours », a-t-il confirmé.

    L’instruction peut durer dix-huit mois

    « C’est une très grande déception pour nous, un manque de justice, a pour sa part estimé Mauricio Cardello, qui représente la plaignante. La justice tourne le dos à la victime. Ce sont les règles. Nous sommes dans un État de droit et il faut donc les accepter. Nous allons continuer à travailler avec le même dynamisme car nous croyons aveuglément en la version de la plaignante. »

    Hier matin, les avocats de l’accusation prenaient la libération des accusés pour acquise, avant même l’officialisation de la décision. « Je ne crois pas aux miracles », avait déclaré le père de la plaignante au micro de la chaîne de télévision argentine C5N, dimanche, indigné par le « changement d’attitude » du parquet.

    « L’enquête va se poursuivre, a rappelé Mauricio Cardello. Et je ne crois pas que les charges seront abandonnées au bout de deux mois (comme l’avait prédit Rafael Cuneo Libarona, le conseil des accusés, jeudi). Légalement, l’instruction peut durer dix-huit mois. » La décision du parquet marque cependant une avancée majeure en vue d’un potentiel classement sans suite de la procédure.

    Entendus pendant plus de cinq heures

    Jeudi, le troisième-ligne de La Rochelle et le deuxième-ligne de Pau, tous deux âgés de 21 ans, avaient été longuement entendus par Dario Nora, le procureur en charge de l’affaire, deux jours après l’audition de la victime présumée.

    À la sortie de cette déposition de plus de cinq heures, leur avocat argentin, Rafael Cuneo Libarona, avait demandé leur libération, considérant que « l’innocence (de ses clients) avait été démontrée ». Natacha Romano, qui défend la victime présumée, avait pour sa part souligné les « contradictions » et les « réponses évasives » des accusés, évoquant des « preuves indiscutables de leur culpabilité ».

    Oscar Jegou et Hugo Auradou sont accusés de viol aggravé, car commis en réunion, par une femme de 39 ans originaire d’Argentine. Les faits se seraient déroulés dans la nuit du samedi 6 au dimanche 7 juillet dans la chambre 603 de l’hôtel Diplomatic de Mendoza, après une soirée dans un bar puis une boîte de nuit consécutive au test-match remporté par le XV de France contre les Pumas (28-13). Mis en examen depuis le 12 juillet, les deux joueurs clament leur innocence, reconnaissant une relation sexuelle consentie avec la plaignante mais niant toute forme de violence. Les faits, s’ils sont reconnus, sont passibles de huit à vingt ans de prison.