Val-d’Oise : quand les camions empoisonnent la vie des petites communes

À Boissy-l’Aillerie, des habitants excédés par l’explosion du nombre de poids lourds qui traversent leur commune, viennent de créer une association. À Valmondois, on a déjà testé plusieurs dispositifs.

Les habitants de Boissy-l'Aillerie n'en peuvent plus des camions, parfois de très grandes tailles, qui passent par leur commune. Pourtant les véhicules de transport sont formellement interdits sur le territoire. LP/Marie Persidat
Les habitants de Boissy-l'Aillerie n'en peuvent plus des camions, parfois de très grandes tailles, qui passent par leur commune. Pourtant les véhicules de transport sont formellement interdits sur le territoire. LP/Marie Persidat

    Avec son ancien moulin et ses petits commerces, le centre-ville de Boissy-l’Aillerie ne manque pas de charme. Un cadre idéal s’il n’était quotidiennement traversé par d’embarrassants poids lourds qui restent souvent coincés dans les rues trop étroites du bourg. « Il y a des semi-remorques ou même parfois deux remorques, des bus, des bus écoles, regardez tout ce qui passe dans nos rues ! », pestent les habitants en faisant défiler les photos prises quotidiennement. Excédés, ils viennent de se regrouper en créant une association, Sécurité routière Boissy 95, afin de faire entendre leur voix.

    Dans cette commune de 1 800 habitants, la circulation des véhicules de transport est pourtant interdite. Impossible de ne pas voir les immenses panneaux l’indiquant, à l’entrée de la ville. Mais l’interdiction ne semble absolument pas respectée. Et la situation ne date pas d’hier. « Il paraît que Boissy-l’Aillerie a comme surnom la 3e voie de l’A15 », souffle Laurent Hetet, le président du nouveau collectif. Ces dernières années, l’explosion des applications permettant d’éviter les embouteillages - que tous les conducteurs utilisent désormais - a fait augmenter le trafic. Et nombre de chauffeurs de poids lourds suivent les indications du logiciel sans tenir compte des interdictions légales.

    «En un an, cela fait trois fois que je dois refaire faire mon mur d’enceinte»

    Il y a environ un an, l’implantation de la plateforme logistique Renault dans la commune voisine de Puiseux-Pontoise a achevé de saturer les voies de Boissy-l’Aillerie. « Or il y a deux endroits où clairement, ça ne passe pas, déjà à deux voitures en face-à-face, c’est compliqué, alors s’il y a un camion… », pointe Laurent Hetet. Françoise vit dans l’un d’eux. Cette habitante de longue date est installée dans l’ancien moulin, datant de 1780, dans lequel sont aménagés des appartements. À cet endroit la rue se fraie un chemin sur un petit pont, entre les murs de deux bâtiments historiques. La vue est charmante. La traversée à pied beaucoup moins. Régulièrement, Françoise scrute avec angoisse les morceaux de pierres qui se décrochent sur le coin de l’édifice chaque fois qu’un camion trop gros passe. « On voit bien que ça racle ici ! », peste-t-elle en pointant les marques.

    La circulation occasionne d'importants dégâts sur les murs des habitations à Boissy-l'Aillerie, comme ici chez Angélique. LP/Marie Persidat
    La circulation occasionne d'importants dégâts sur les murs des habitations à Boissy-l'Aillerie, comme ici chez Angélique. LP/Marie Persidat

    Chez Angélique, qui vit rue Pasteur, on a dépassé le stade des marques. « En un an, cela fait trois fois que je dois refaire faire mon mur d’enceinte, déplore la riveraine. Cette fois-ci, je vais en avoir pour 3 500 euros de ma poche, sans compter la franchise. Et mon assurance m’a dit que c’était la dernière fois qu’ils acceptaient de couvrir… » A différents endroits de la route, les plots cassés, les murs fissurés, témoignent des chocs. « Tous les mercredis matin, on a même un bus d’apprentissage qui vient, forcément c’est un cas d’école de la manœuvre ici ! », ajoute Laurent Hetet. Pour couronner le tout, la seule aire de retournement possible à l’entrée de la ville, côté Puiseux-Pontoise, a été condamnée. Lorsqu’ils voyaient le panneau d’interdiction, les chauffeurs avaient la possibilité de faire demi-tour sur le parking du cimetière intercommunal de Cergy-Pontoise. Mais des plots l’empêchent désormais.

    «C’est un problème quasi insoluble pour nous»

    Le maire de la commune, Michel Guiard (SE), se sent bien impuissant même s’il comprend le désarroi des riverains. « On voit des camions de plus en plus gros et longs, reconnaît-il. C’est un problème quasiment insoluble pour nous. Nous avons fait mettre des panneaux qui coûtent très cher. Les chauffeurs ne les respectent pas. Nous sommes en discussion avec le directeur du site logistique de Renault. Il a déjà diffusé des consignes auprès de ses fournisseurs. Nous cherchons des solutions. »



    Boissy-l’Aillerie n’est pas la seule petite commune à subir ce phénomène. À Valmondois, on a engagé un bras de fer avec les poids lourds qui descendaient du plateau (au-dessus d’Auvers-sur-Oise) pour plonger vers le village en empruntant une toute petite route pentue à travers champs et bois. « Le chemin de la Frette était en passe de devenir un axe de délestage important, explique le maire (LREM) Bruno Huisman. Il a beau être interdit aux plus de 3,5 tonnes, on observait de plus en plus de camions. »

    À Valmondois, chicanes, portiques et gabions

    Pour faire respecter l’interdiction, la municipalité a expérimenté plusieurs dispositifs. « On a tout essayé : les chicanes, puis les portiques. Nous en avons consommé deux car ils ont été arrachés par les poids lourds. Et puis nous en sommes arrivés à cette solution de gabions qui semblent très efficaces. » Des grillages remplis de pierres obstruent depuis quelques semaines une partie de l’entrée du chemin, rendant impossible le passage de trop grands gabarits. « C’est peu coûteux, les agents municipaux les ont fabriqués eux-mêmes, se félicite le maire. Les ambulances et les pompiers peuvent encore passer mais pas les camions. »

    Régulièrement, des poids lourds éclatent leurs pneus sur le trottoir ou raclent les murs du vieux moulin car la rue est trop étroite pour eux dans le centre de Boissy-l'Aillerie. LP/Marie Persidat
    Régulièrement, des poids lourds éclatent leurs pneus sur le trottoir ou raclent les murs du vieux moulin car la rue est trop étroite pour eux dans le centre de Boissy-l'Aillerie. LP/Marie Persidat

    Les riverains de Boissy-l’Aillerie, eux, n’entrevoient pas encore de solution. C’est pourquoi ils ont créé une association. « Nous demandons d’abord que soient réalisés un comptage et une analyse de la situation, clame Laurent Hetet. Et puis il faudra organiser un débat entre toutes les parties prenantes. » L’association a lancé une pétition en ligne sur le site change.org.