Saint-Mandé : le gymnase André-Benzoni n’est finalement plus réquisitionné pour l’accueil de migrants

De 80 à 100 hommes étaient attendus vendredi au sein de cette structure, qui avait été préparée dans cette optique. Vendredi après-midi, la préfecture du Val-de-Marne a finalement décidé que cela ne sera pas le cas. Depuis jeudi, les commentaires, parfois haineux à l’encontre de ces personnes, allaient bon train. D’autres habitants voulaient proposer leur aide pour que l’accueil se passe au mieux.

Saint-Mandé, vendredi 4 juin 2021. L'arrivée annoncée de 80 à 100 hommes au gymnase André-Benzoni pour au moins quinze jours est diversement appréciée dans le quartier. LP/Gérald Moruzzi
Saint-Mandé, vendredi 4 juin 2021. L'arrivée annoncée de 80 à 100 hommes au gymnase André-Benzoni pour au moins quinze jours est diversement appréciée dans le quartier. LP/Gérald Moruzzi

    La tension est retombée à Saint-Mandé. La réquisition par l’Etat, prévue pour quinze jours renouvelables, du gymnase André-Benzoni, dans le cadre d’un plan d’hébergement d’urgence des migrants, a été annulée. À l’heure où nous écrivons ces lignes, la préfecture du Val-de-Marne n’a pas donné suite à nos demandes d’éclaircissement sur ce revirement, assez rare en pareille situation, arrivé après deux jours d’émotions dans cette ville cossue du département.

    Dans une lettre adressée jeudi après-midi à ses administrés, Julien Weil, le maire (LR) de Saint-Mandé, évoquait « une décision unilatérale », prise « sans réelle concertation préalable avec la ville ». Un courrier dans lequel il annonçait l’arrivée, le lendemain, de 80 à 100 hommes venus de Paris.



    Lits de camp, sacs de couchage, bouteilles d’eau, nourriture… Tout était prêt dans la structure sportive pour les accueillir. Mais l’association Alteralia, en charge de l’encadrement avec la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL), n’a pas eu à les recevoir.

    Vendredi après-midi, Julien Weil avait d’abord été informé par la préfecture du Val-de-Marne que « l’arrivée ne devrait pas intervenir avant lundi, sachant qu’aucune date n’est encore confirmée par les services de la préfecture », précisait-il alors sur la page Facebook de la ville. Quelques heures plus tard, cette même source lui apprenait que de migrants, il n’y aurait finalement pas, que le gymnase ne serait plus réquisitionné.

    La désinstallation du matériel débutera lundi

    L’association Alteralia « procédera à la désinstallation du matériel dès lundi, indique Julien Weil. Ainsi, le gymnase pourra très vite retrouver une activité normale et accueillir, de nouveau, les enfants, les sportifs et les associations. » Certains habitants s’étaient en effet inquiétés de voir les lieux mobilisés pour tout autre chose que la pratique sportive, alors que les habitués du gymnase en avaient été privés durant de longs mois, en raison des dispositions sanitaires appliquées sur fond de pandémie de Covid-19.

    Mais les arguments contre cette installation temporaire de migrants n’étaient pas seulement sportifs. Dans un communiqué diffusé sur Facebook et sur le site Internet de la commune, le maire de Saint-Mandé estime que « cette solution d’hébergement d’urgence ne pouvait être pleinement satisfaisante, tant pour les personnes accueillies, au vu des conditions d’accueil extrêmement précaires que pouvait offrir le gymnase Benzoni, que pour les riverains ».

    Sur Facebook, « des commentaires racistes et xénophobes »

    Depuis jeudi après-midi, la parole s’était bien libérée chez ces derniers, mais aussi chez d’autres habitants ne résidant pas nécessairement aux abords de la structure sportive. Et elle n’était pas seulement chargée d’inquiétude. « Sur Facebook, ce sont majoritairement des commentaires racistes et xénophobes, c’est assez effrayant », notait Rachel, 46 ans, qui rappelle que certains propos diffusés publiquement peuvent tomber sous le coup de la loi. « C’est ahurissant ce qu’on peut lire et entendre », confiait un autre riverain, consterné par cette « énorme levée de boucliers ». « Je connais même une voisine qui voulait mettre ses bijoux à la banque », glisse-t-il.

    Ici comme ailleurs, les mêmes peurs s’exposaient en quelques clics et quelques mots. « J’ai lu qu’ils allaient kidnapper et violer nos enfants, voler, cambrioler, etc., c’est affligeant », souffle Sandra, 47 ans, une habitante qui, comme d’autres à Saint-Mandé, souhaitait apporter un coup de main, « les aider autant que faire se peut, par exemple par des dons de vêtements, de nourriture. Pourquoi pas des cours de français ? » Elle n’aura pas à le faire.

    Alexandra n’était pas du tout prête à offrir ses services. Quelques heures avant d’apprendre qu’il n’y aurait finalement pas de réquisition, cette « avocate de métier » nous exposait son refus que Saint-Mandé « accueille et s’occupe de toute la misère du monde ». « Je n’ai pas envie d’avoir ce genre de population dans ma ville », assénait celle qui était « en train d’explorer toutes les voies juridiques » pour faire annuler la réquisition et de lancer une pétition. Les stylos gardent leur capuchon.