380 ans après sa mort, le jeune lord Anglais retrouve son visage

 

Villejuif. Grâce aux études archéologiques du département, on retrouve le visage de Thomas Craven.
Villejuif. Grâce aux études archéologiques du département, on retrouve le visage de Thomas Craven. (LP/DR.)

    Trois cent quatre-vingts ans après sa mort, l'aristocratique britannique protestant Thomas Craven retrouve son visage d'adolescent. Découvert le 2 septembre 1986 dans le sous-sol de Saint-Maurice, son squelette a fait l'objet de 30 ans de recherches.

    Visage mince légèrement asymétrique, pommettes saillantes, nez busqué et lèvres charnues, le visage du Britannique de 18 ans, pourrait se fondre parmi ceux de lycéens d'aujourd'hui. Or, Thomas Craven était à Paris en 1636, y est décédé le 20 novembre, a été enterré à Saint-Maurice et exhumé en 1986 lors de travaux municipaux à l'emplacement de ce qui fut le temple protestant, dit de Charenton. Aujourd'hui, ses traits réapparaissent à la faveur d'une reconstitution faciale 3D, réalisée par Philippe Froesch, fondateur de la société Visual Forensic*, qui reconstitue numériquement des personnages historiques.

    C'est Philippe Froesch, fondateur de la société Visual Forensic*, spécialiste en reconstitution numérique de personnages historiques qui a refait le visage de Thomas Craven à partir des données de l'archéologue Djillali Hadjouis.

    « Cette reconstitution faciale finalise trente années de recherche », affirme Djillali Hadjouis, archéologue au service Archéologie du département du Val-de-Marne, situé à Villejuif.

    30 ans de recherches

    Djillali Hadjouis, archéologue au service Archéologie du département du Val-de-Marne. LP/C.N.

    « A l'ouverture du sarcophage en plomb, en 1986, l'inhumation a révélé un corps enveloppé dans un tissu desséché maintenu par une cordelette », se souvient l'archéologue. On a d'abord pensé à une momie ». Les pieds étaient joints, les mains ramenées vers le bassin, et, entre les jambes, un bouquet de plantes séchées.

    Un corps embaumé

    Les pieds étaient joints, les mains ramenées vers le bassin, et, entre les jambes, un bouquet de plantes séchées. (LP/C.N.)

    « Le scanner révèle une boîte crânienne découpée, poursuit le chercheur. Un geste anatomique courant dès le Moyen Âge lors d'autopsie. On notait aussi l'absence d'organes et la présence d'une bourre végétale autour du corps. » Le mystère se lève peu à peu : le jeune homme a été embaumé, « geste généralement employé pour la conservation des cadavres issus de la noblesse », précise Djillali Hadjouis.

    Une question reste en suspens : de quoi est mort Thomas Craven ? « Le seul moyen pour avoir des réponses était l'analyse de l'ADN, à la faculté de médecine de Marseille ». Mais en 2000, les techniques sur la peste, pour le protocole de recherches, n'en sont qu'à leur début. L'analyse commence en 2003. En 2005, d'autres travaux à Saint-Maurice mettent au jour le cimetière du temple. L'Inrap, l'Institut de recherches archéologiques préventives y travaille et y associe Djillali Hadjouis en tant qu'expert des pathologies.

    Rapidement, deux dents de Craven et d'autres prises au hasard des squelettes du cimetière sont envoyées à Marseille. La pulpe parle, les résultats tombent : tous les défunts étaient positifs à la peste. Parallèlement, des spécialistes analysent les végétaux anciens de la mixture d'embaumement : des milliers de pollens de fleurs et un cocktail d'armoise, d'absinthe, de thym et laurier. « C'est grâce à la volonté et à l'appui du conseil départemental que les habitants de ce territoire peuvent se réjouir d'avoir accès à leur patrimoine situé dans un département, très urbanisé mais riche » conclut l'archéologue.

    A ce jour, aucun descendant de la famille Craven n'a réclamé le corps de Thomas. Le jeune homme fera tout de même l'objet d'une nouvelle monographie et, peut-être, d'une nouvelle inhumation, à la demande de l'archéologue.

    VIDEO. La reconstitution en 3D du visage de Thomas Craven