Val-de-Marne : depuis 2006, l’association Home héberge en urgence les femmes victimes de violences

Victimes de violences physiques et ou psychologiques, elles sont 350 femmes a avoir pu être mises en sécurité dans l’un des trois appartements relais de l’association Home.

 L'association Home basée dans le Val-de-Marne héberge dans trois appartements relais répartis en Ile-de-France jusqu'à 17 femmes et 17 enfants en même temps. Soit 350 personnes depuis 2006.
L'association Home basée dans le Val-de-Marne héberge dans trois appartements relais répartis en Ile-de-France jusqu'à 17 femmes et 17 enfants en même temps. Soit 350 personnes depuis 2006. LP/ Marion Kremp

    Vous ne connaîtrez pas son prénom, ni même son âge. Si elle est maman d'une petite-fille ou d'un petit-garçon. Ou maman tout court. Encore moins d'où elle vient. Non, vous ne saurez rien qui puisse la mettre en danger. Rien qui puisse aiguiller son conjoint violent. Rien qui puisse l'amener à trouver son refuge. Celui où elle a atterri en pleine nuit voici à peine quelques jours après le coup de trop.

    On l'appellera Nadia comme on aurait tout aussi bien pu dire Marie, Valentine ou Chantal. Elle incarne tristement l'universalité du sort de ces milliers de femmes victimes de violences conjugales. 3 000 recensées dans le Val-de-Marne cette année...

    L'appartement, comme les deux autres mis à disposition par l'association Home est en Ile-de-France. Il faut rester flou. Tout ce que l'on peut dire c'est qu'ici, elle respire. Enfin. Un léger souffle encore dont on espère qu'il retrouvera bientôt sa puissance résiliente. D'ailleurs, comme toutes les autres, la première chose qu'elle a fait en posant sa valise, c'est dormir. Le répit est un luxe pour les femmes victimes de violences.

    Ouarda Sadoudi relève le courrier publicitaire d'une boîte aux lettres sans nom. Sonne toujours avant d'ouvrir la porte de son lourd trousseau de clés. Prévenir les sursauts qui ont la vie dure après des années ou des mois d'inquisition.

    La présidente et fondatrice de l' association Home créée à Fontenay-sous-Bois en 2003 pour venir en aide aux femmes ne vient jamais les mains vides. Ce jour là, elle apporte des couettes « pour les filles ». Elles sont trois à se partager un 100 m 2, parfois accompagnées de leurs enfants. Comme une maman qui pense à tout, la voilà grimpée sur un tabouret pour changer une ampoule.

    Nadia est arrivée la veille. Un coup de fil de désespoir à 22 heures. «On m'avait donné le numéro de téléphone de Ouarda dans un service social, j'étais à la rue, je n'avais pas d'endroit où aller, elle m'a accueilli tout de suite », chuchote celle qui est par ailleurs salariée.

    Jeune des quartiers populaires ou cadre installée, pas de profil type des victimes

    «Les femmes que l'on héberge ont tous les âges, elles sont sans diplôme ou bac +4, des jeunes filles précaires issues des quartiers populaires, des cadres, des propriétaires, il n'y a pas de profil type », pose Ouarda Soudoudi, également fondatrice de Féminisme populaire et membre du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes.

    Depuis 2006, Home héberge dans trois appartements meublés répartis sur le territoire francilien et loués aux bailleurs sociaux engagés dans le dispositif Val Ophis et Mille et une vies, des femmes victimes de violences physiques et psychologiques ou en rupture familiale en raison de leur orientation sexuelle. Celles-ci doivent avoir un revenu minimum de 400 euros, l'association ne fournissant pas la nourriture.

    Dans chaque chambre, deux lits pour une femme et son ou ses enfants. Les femmes recueillies par Home se partagent des appartements à trois ou quatre le temps de retrouver une situation stable. LP/ Marion Kremp
    Dans chaque chambre, deux lits pour une femme et son ou ses enfants. Les femmes recueillies par Home se partagent des appartements à trois ou quatre le temps de retrouver une situation stable. LP/ Marion Kremp LP/ Marion Kremp

    350 femmes orientées par un réseau de terrain, des animateurs de quartiers aux services municipaux, à qui l'association et ses bénévoles ont permis de se relever grâce à cette «mise en sécurité ». Celles-ci restent en moyenne un an après avoir retrouvé un emploi et un hébergement durable grâce à un accompagnement social.

    Un accompagnement social et psychologique au long cours

    «On ne fait pas à la place de. Ici, on veut rendre les femmes autonomes, on les informe des démarches et de leurs droit. On les responsabilise et c'est tout aussi important dans leur reconstruction psychique », poursuit Ouarda.

    D'ailleurs Home renforce son accompagnement et proposera prochainement une aide plus ciblée pour dépasser les traumatismes. Tourné vers le bien-être, les loisirs, les vacances et le sport. « C'est souvent une fois que l'urgence est passée, qu'elles sont enfin posée que la dépression peut leur tomber dessus, qu'elles réalisent ce qu'elles ont subi. On ne les lâche pas », insiste la responsable associative, toujours présente pour écouter les nouvelles histoires de ses anciennes protégées. Sans jamais juger, jusqu'aux allers-retours parfois aussi. Ceux que peuvent faire malgré tout ces femmes vers leurs anciens bourreaux. Comme un élan pour mieux sauter et se mettre définitivement à l'abri.

    «Le système fait que ça arrive encore »

    Laura, 31 ans, a quitté l'un des appartement de Home avec ses deux enfants en bas âge cet été. Elle y était arrivée «en catastrophe » en mars. Depuis elle a retrouvé un logement, grâce à l'association.

    «Le 115 ne répondait pas, il faisait nuit, j'allais dormir dans ma voiture avec mes enfants. Par miracle il y avait une chambre disponible, se souvient Laura. J'avais un salaire, une demande de logement en attente depuis trois ans mais pourtant. Heureusement que des association comme Home existe, personne n'est protégé de ce que j'ai vécu et je suis loin d'être un cas isolé. »

    « Mon ex-conjoint était un manipulateur, c'était surtout des violences psychologiques, c'est difficile de se rendre compte de ce que l'on subit. J'étais dans le déni. Et puis à la fin, il est devenu violent physiquement, et a commencé à menacer de s'en prendre aux enfants. Alors je suis partie, quitte à dormir dans la rue. Le système fait que ça arrive encore », témoigne-t-elle par téléphone et sous un faux nom.