Patrimoine : le palais des Papes retrouve des couleurs

Le plus célèbre monument d'Avignon se visite désormais en réalité augmentée. Une plongée, en couleurs, au cœur du XIVe siècle.

Palais des Papes, Avignon (Vaucluse). Grâce à l’Histopad et à ses vues 3D en réalité augmentée, la Grande Trésorerie retrouve son mobilier, ses tentures vertes et ses tapisseries à motifs bleu et or, du temps où notaires et scribes veillaient aux finances.
Palais des Papes, Avignon (Vaucluse). Grâce à l’Histopad et à ses vues 3D en réalité augmentée, la Grande Trésorerie retrouve son mobilier, ses tentures vertes et ses tapisseries à motifs bleu et or, du temps où notaires et scribes veillaient aux finances. DR

    Innocent VI pourrait y perdre son latin ! Plus de six siècles après son pontificat à Avignon (Vaucluse), son palais retrouve aujourd'hui des couleurs grâce à la réalité augmentée et à la technologie 3D. Après la Conciergerie à Paris (Ier), ou le château de Chambord (Loir-et-Cher), la forteresse gothique vient de se vouer à la «culture 2.0» et propose désormais à tous ses visiteurs un parcours accompagné d'un Histopad, un écran au contenu spécialement conçu pour la visite. Un équipement qui permet de découvrir neuf salles telles qu'elles existaient au XIVe siècle, au temps de l'apogée pontificale.

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    Et la cuisine prit vie

    Pour ce voyage dans le temps, il faut d'abord passer par la case accueil et récupérer une tablette numérique équipée d'un casque pour les commentaires. Elle est comprise dans le prix d'entrée, augmenté de 1 € pour l'occasion, et remplace le traditionnel audioguide. Elle n'est pas vraiment plus difficile à manier, et pas forcément plus performante au départ, si ce n'est la présence d'un plan interactif des lieux à l'écran. Il faut attendre d'être dans une des salles sélectionnées pour que la magie opère. Passez la tablette au-dessus d'une borne, puis tenez-la devant vous en circulant dans la pièce et c'est parti : la Grande Trésorerie, aux hauts de pierre nue, retrouve son mobilier, ses tentures vertes et ses tapisseries à motifs bleu et or, du temps où notaires et scribes veillaient aux finances. Un passage de doigt sur un pictogramme, et la cheminée s'allume.

    Dans le Trésor bas, les ouvertures, portes et fenêtres d'époque, sont également reconstituées, bien différentes de celles du palais actuel. Dans le Grand Tinel, les tables sont dressées et les bougies allumées pour le couronnement d'Innocent VI en 1352, et le plafond bleu se pare de centaines d'étoiles.

    Le plus parlant peut-être pour évoquer l'intérêt de l'Histopad : la cuisine haute. Une petite pièce dépouillée, sans meubles ni objets, qui prend vite une tout autre dimension sous vos yeux : le feu crépite, des cendres brûlantes s'envolent dans le long conduit de cheminée, des faisans farcis et des poissons colorés attendent sur les dessertes d'être servis... «Combien de temps un visiteur restait-il dans cette salle avant ? Très peu, commente Bruno de Sa Moreira, cofondateur de la start-up française Histovery. Avec notre Histopad, ils peuvent s'attarder et profiter pleinement des lieux.»

    Autre particularité de cette technologie : elle invite à découvrir des lieux inaccessibles du palais. En cliquant sur une icône, les fenêtres, aujourd'hui occultées, s'ouvrent sur les jardins médiévaux du XIVe. Des chapelles, inaccessibles, si ce n'est derrière des vitres pour cause de grande fragilité, sont visitables en 3D. Enfin, pour ne pas oublier les enfants et les parents joueurs, l'Histopad offre une chasse aux trésors à travers tout le palais : neuf pièces virtuelles sont à récolter pour se voir récompensé... par mail.

    Des vues 3D fidèles historiquement

    Ludique et souvent bluffant, l'Histopad est-il aussi un vrai outil pédagogique et historique ? «Nous avons fait en sorte que oui, affirme Edouard Lussan, directeur de production chez Histovery. Un comité scientifique, réunissant de grands chercheurs et historiens, a travaillé pendant un an. Il a fallu livrer une vraie bataille pour essayer de retrouver les décors du XIVe siècle, dont il ne reste que très peu de traces. Par exemple, nous nous sommes beaucoup appuyés sur les livres de comptes qui restituent les commandes en peintures ou en tentures pour le palais. A chaque étape, nos propositions étaient validées ou corrigées par le comité.»

    A n'en pas douter, ces visites interactives devraient séduire les familles et permettre au palais d'attirer au-delà des 600 000 visiteurs annuels d'aujourd'hui.

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