L'humeur : des boums, des slows… et des râteaux

LE PARISIEN WEEK-END. Alors que certains veulent sauver le slow, Yves Derai lui préfère d'autres formes de drague.

 Le slow, une danse rétro
 Le slow, une danse rétro Anne van der Stegen/Divergence

    Dans une vie de journaliste engagé, on se fait forcément des ennemis. Avec cette chronique, je sens, au moment où j'écris ces lignes, que ça va être chaud! Tant pis, je le dis tout net : je n'ai pas voulu aller voir le spectacle L'Age du slow (péniche La Pop, Paris 19e), qui a réveillé les souvenirs émus de tous les nostalgiques des boums de nos 15 ans. Ah, les collés-serrés langoureux sur Honesty, de Billy Joel, ou Angie, des Stones! Le « premier baiser de Cyril », le « doux parfum de Patricia »... que n'ai-je entendu, ici même, dans ces bureaux, depuis que j'ai annoncé mon intention de faire un sort à ce rituel de fin de soirée qui, en ce qui me concerne, fut souvent synonyme d'ennui et de petites humiliations.

    Comment « pécho » ?

    A cette époque fort heureusement lointaine où Hélène et les Garçons régnait sur TF1, le râteau vous guettait à tous les étages. Au moment de l'invitation, d'abord, qu'il fallait savoir amener avec une prudence de sioux, ou au contraire une détermination digne de John Wayne, dont je ne maîtrisais pas les codes. Puis pendant le slow lui-même, quand il s'agissait de se montrer entreprenant, façon Guy Bedos dans le sketch « La Drague », au moins pour ne pas avoir l'air d'une buse devant les copains. Il arrivait aussi que votre partenaire vous inflige un demi-râteau : qu'elle replace vos mains à l'endroit de ses hanches qu'elles n'auraient jamais dû quitter, sans pour autant vous planter au milieu de la piste. La pire des sanctions, en réalité, car poursuivre l'épreuve après avoir été physiquement recadré tenait du supplice.

    Et puis l'ultime tabou, que je vais m'empresser de briser sans ménagement, concerne la danse elle-même. Qui n'a strictement aucun intérêt. Si l'on excepte la dimension sensuelle sustraitée, le pas ne requiert aucune technique particulière. Quant au rythme, forcément lent, il n'appelle pas au déhanchement débridé, cette figure de style qu'a notamment popularisée saint John Travolta au temps béni du disco. Vous aurez d'ailleurs noté que dans l'émission « Danse avec les stars », où l'on passe du jive au fox-trot, du tango à la valse et de la rumba au be-bop, jamais aucun couple n'a été invité à montrer ses talents sur un slow endiablé.

    Il faut penser aux jeunes, dit-on ! Les pauvres, comment font-ils aujourd'hui pour « pécho » sans le slow ? Eh bien, j'ai une idée folle : la séduction, grâce à une arme fatale qui recèle sa part de noblesse, les mots. Je crois comprendre que sur les réseaux sociaux, ces petits ne se débrouillent pas si mal.