Yvelines : Jacqueline Fleury-Marié, la Résistance dans la peau

À 96 ans, cette rescapée des camps de concentration présentera son livre ce dimanche au salon Histoire de Lire à Versailles.

 Versailles, mardi. Jacqueline Fleury est l’une des dernières rescapées de la Déportation encore en vie. Elle présentera son livre racontant cette expérience terrible ce week-end à Versailles au salon Histoire de Lire.
Versailles, mardi. Jacqueline Fleury est l’une des dernières rescapées de la Déportation encore en vie. Elle présentera son livre racontant cette expérience terrible ce week-end à Versailles au salon Histoire de Lire. LP/L.M.

    Sa détermination et sa mémoire son intactes. Et c'est ce qui vous frappe en premier lorsque vous rencontrez Jacqueline Fleury-Marié dans le bureau de son appartement du quartier Montreuil à Versaille. À 96 ans, celle qui est l'une des dernières rescapées de la déportation encore en vie habitant le département, dit, poétiquement, être « une feuille qui vole, mais d'un arbre qui a beaucoup souffert ».

    Elle sera présente ce dimanche au salon du livre d'Histoire de Versailles (voir encadré ci-dessous) pour y dédicacer son livre sobrement intitulé « Résistante », sorti début octobre. Le récit d'une vie, celle d'une jeune adolescente qui, à 17 ans, s'engage dans la Résistance avec le mouvement Défense de la France puis au sein du réseau de renseignement Mithridate, dont sont déjà membres ses parents et son frère.

    Torturée par la Gestapo

    Au début de l'été 1944, elle est arrêtée à Versailles justement, avec sa mère, puis emprisonnée à Fresnes (Val-de-Marne). Torturée par la Gestapo, déportée vers l'Allemagne, elle va subir, d'août 1944 au 13 avril 1945, l'enfer du camp de Ravensbrück avec le matricule 57595 frappé sur sa poitrine.

    Élevée par Emmanuel Macron au rang de grand-croix de la Légion d'honneur, la plus haute distinction possible, le 14 juillet dernier, Jacqueline Fleury-Marié préside aussi l'association des Anciennes déportées et internées de la Résistance (ADIR) où elle a succédé à Geneviève de Gaulle-Anthonioz, une de ses camarades de déportation. Elle est aussi à l'origine du Concours national de la Résistance et de la Déportation qu'elle a créée dans les Yvelines en 1961.

    «On ne peut pas accepter n'importe quoi ! »

    La Résistance, pour elle, c'est une affaire de famille. « Ma mère est originaire de la région de Soissons, dans l'Aisne qui a été meurtrie par les Allemands en 1914-1918. Mon grand-père maternel a été emprisonné dès 1914 et je ne leur pardonnerai jamais ce qu'ils ont fait aux enfants dans les camps. Ce n'est pas pensable », lâche-t-elle.

    Si elle s'engage dès 1940 dans la Résistance, c'est pour dire non à la situation de la France. « Je ne comprends pas comment Pétain, qui avait été un grand soldat, a pu se compromettre en serrant la main d'Hitler. Il y a des moments où l'on ne peut pas accepter n'importe quoi », martèle-t-elle.

    Insouciante du danger dans le Versailles de ce début de la guerre, Jacqueline y mène une double vie. Elle a d'abord fui la ville au début des hostilités avant de revenir et découvrir la croix gammée qui flotte sur le château de Versailles et à Satory, transformé en camp de la Wehrmacht. Un « choc », confie-t-elle.

    Elle a recopié les plans du Mur de l'Atlantique

    Elle se souvient encore de tous les noms des résistants à Versailles : Yvette Gouineau, sa vacharde prof de lettres qui s'avère être une grande résistante. Andrée Bes, l'amie qui l'introduit à Défense de la France où Jacqueline se fait appeler « Kaky », Marcel D. Roubaix, son fils « Mickey » et les résistants Triboulet et Fontenailles qui incendient le fichier central du STO (Service du travail obligatoire). Elle évoque aussi Serge François, le radio de Mithridate hébergé dans sa propre maison.

    Puis les arrestations des docteurs Lafaye et Holstein, celle des frères Bleton, l'engagement des frères Tricaud, de Marie Cadennes ou de Anasthasia Walk, dite « Nanette ». Ou bien encore le démantèlement du réseau Confrérie Notre-Dame que la famille Facq-Laurent paiera par la déportation. Quand son frère parvient à voler avec des complices les plans du Mur de l'Atlantique ou de l'Arsenal de Cherbourg, Jacqueline recopie à toute vitesse ces documents dans l'arrière-salle d'un restaurant, proche du marché.

    «Nous ne sommes plus qu'une poignée à pouvoir témoigner »

    À partir de juin 1944, sa vie bascule. Arrestation, emprisonnement, torture puis les sept longues journées de train dans les wagons à bestiaux. À Ravensbrück, le camp réservé aux femmes, il faut survivre. En sortant des douches, elle retrouve par hasard sa mère. Toutes les deux, plus une autre femme, vont partager un lit de 70 cm de large, souffrir de la soif et de la faim mais croiser aussi de grands personnages : Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz.

    En souvenir de toutes ses camarades du Lager*, Jacqueline écrit : « Chaque nuit, je vois vos visages. Chaque nuit, j'entends vos voix, Chaque nuit, je vous sens là, près de moi. Mes sœurs de combat, mes compagnes des ténèbres. Nous ne sommes plus qu'une poignée à pouvoir témoigner et le monde nous oublie ».

    Et Jacqueline, qui dit s'être reconstruite « toute seule » après la guerre, de conclure. « Ce livre, c'est celui de l'amitié. Si certaines sont revenues, c'est grâce à la fraternité. Le partage nous a sauvées ». Les derniers mots de son livre sont sans équivoque : « La Résistance est un combat de chaque jour. Mon combat ».

    * « Camp » en allemand.

    Jacqueline Fleury-Marié dédicacera son livre ce dimanche au salon Histoire de Lire/DR
    Jacqueline Fleury-Marié dédicacera son livre ce dimanche au salon Histoire de Lire/DR LP/L.M.

    « Résistante », de Jacqueline Fleury-Marié, Calmann-Lévy, 180 pages, 15,90 €.

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