Comment cette ville a repensé ses écoles pour protéger les enfants du changement climatique

[ET AILLEURS] A un millier de kilomètres des Alpes-Maritimes et du Var, la ville de Tours a saisi depuis plusieurs années l’urgence d'adapter ses écoles, vétustes, face au changement climatique. Alors que plusieurs réalisations ambitieuses ont vu le jour, on vous détaille le mode d’emploi.

Aurélie Selvi - [email protected] Publié le 08/09/2024 à 18:45, mis à jour le 09/09/2024 à 09:46
A Tours, la ville a engagé dès 2020 un imposant projet pour rendre 18 écoles adaptées au changement climatique. Photo ville de Tours/F. Lafite

"Les enfants sont particulièrement vulnérables aux vagues de chaleur, leur organisme régule moins facilement la température. En cela, ils sont en première ligne des impacts du changement climatique et ils ont besoin d’action de protection." L’alerte est signée de la climatologue Corinne Le Quéré. En juin 2024, alors présidente du Haut conseil pour le climat, la scientifique préconisait de se pencher d’urgence sur l'organisation des écoles, peu adaptées à la nouvelle donne climatique.

A Tours, agglomération de 136.000 habitants, depuis 2020, le sujet est devenu la priorité de la nouvelle municipalité, qui multiplie les travaux de rénovation ou de démolition/reconstruction. Des projets bien plus conséquents que ceux entrepris pour l’heure dans les Alpes-Maritimes et le Var, départements pourtant au cœur d’un hotspot mondial du réchauffement. Voici comment ils ont fait.

Quelle est l’idée?

"Dans les conseils d’école, cela faisait un moment que ça râlait..." Quand l'union des gauches, emmenée par un maire Europe écologie-Les Verts, prend la mairie de Tours en 2020, le sujet du mauvais état des écoles est tout de suite passé en haut de la pile. La municipalité l’a étroitement lié aux enjeux climatiques.

"Même si on arrêtait drastiquement toutes les émissions de gaz à effet de serre maintenant, le changement climatique a commencé et il y a des impacts sur lesquels on ne reviendra pas. Pas le choix: il faut travailler sur la résilience des bâtiments publics pour qu’ils s’y adaptent et transformer les pratiques", souligne Franck Gagnaire, adjoint à l’Education.

Pour cela, les élus ont ouvert il y a 4 ans un chantier en deux axes: changer du tout au tout les cours de récréation et entamer un travail de fond sur les bâtiments scolaires. "Les cours sont des espaces très sollicités, qui ont constamment besoin d’être refaits. Les dernières rénovations dataient de 2018. Jusqu’alors, on coulait une nouvelle chape de bitume. Mais ce matériau, on le sait, crée des îlots de chaleur", retrace-t-il.

L’équipe se rend à Paris visiter les cours de récréation oasis et monte son projet "Récré en herbe". Revêtement perméable, espace ombragé par des arbres et divisé en zone, dont une pour faire la classe en extérieur… Une première cour est livrée dès 2022. En parallèle, un gros travail s’engage pour revoir la structure de certains bâtiments, passoires énergétiques.

Sur quelles écoles agir en priorité?

"Le point de départ, c’est qu’on a, à Tours, une partie de nos 58 écoles qui ont été construites dans les années 1960, au moment de la massification d'après-guerre, et qui n’avaient pas vocation à durer", souligne Franck Gagnaire. Sous ses structures métalliques avec vitrage en plexiglas, adaptées de bâtiments agricoles, pas de fondations suffisamment solides pour entamer une rénovation. L’école maternelle Jean-de-la-Fontaine, première réalisation 100% bioclimatique, était de celles-ci. La ville a choisi de la démolir pour partir d’une feuille blanche. "Mais ce n’est pas systématiquement ce choix-là qui s’impose", dixit l’adjoint à l’Education.

Ainsi, pour des établissements plus récents mais inadaptés au climat actuel et futur, Tours opte-t-elle pour une rénovation du bâti existant. "Dans ces cas-là, on refait les isolations, le système de ventilation, les huisseries, la toiture, on intervient sur la cour pour végétaliser, créer de l’ombre", égraine-t-il. Des travaux forcément moins longs et moins coûteux.

Au sein de l'école Jules-Verne de Tours, la cour a été repensée, le bâtiment rénové mais pas détruit. Photo ville de Tours/F. Lafite.

Combien ça coûte et comment financer?

Pour la démolition/reconstruction de l’école maternelle La Fontaine (4 classes), projet entamé à l’été 2020 et achevé au printemps 2024, la ville a déboursé près de 10 millions d’euros. C’est 3 fois plus que pour un établissement tourangeaux quant à lui rénové.

"Oui, bâtir ou rénover bioclimatiques nécessite des moyens mais il y a aussi des opportunités financières à saisir", indique l’élu. Si Tours a fait de la refonte de ces écoles à la nouvelle donne climatique son budget d’investissement numéro 1, avec une enveloppe de 120 millions sur 10 ans pour 18 écoles revues, l’équipe s’astreint à lever des subventions (état, région, département, CAF…) pour chaque projet.

En quartiers prioritaires, classés politique de la ville, celles-ci s’élèvent à environ 60% du coût du chantier, 40% pour les autres projets. "Et même s’il y a toujours du débat avec l’opposition en conseil municipal, ces projets de refonte d’écoles ont tous été votés à l’unanimité", souligne Franck Gagnaire.

Des bénéfices à courts et longs termes

Le 12 juin 2023, ce n’est pas la première pierre que le maire de la ville a posée devant les caméras pour initier le chantier de l’école bioclimatique La-Fontaine… mais la première botte de paille. Pour optimiser l’isolation mais aussi la bonne respiration du bâtiment, celui-ci a été construit en matériaux biosourcés: ossature bois et paille, donc.

Pour limiter les ambiances étuves, la dimension et l’orientation des vitrages ont été pensées en amont en fonction de la rotation du soleil au fil de la journée et des saisons. "Le réfectoire, par exemple, est orienté là où les rayons tapent l’après-midi, car il est inoccupé à ce moment-là", détaille Franck Gagnaire.

Moins énergivore, une ventilation naturelle à double flux permet au bâtiment de revendiquer un gain en rejet de CO2 de 10 tonnes par an. "Et des économies d’énergies supérieures de 30% à ce qu’impose la réglementation en vigueur. Si elle évolue à l’avenir, on sera déjà prêt", souligne l’élu à l’Education.

En repensant les zones de la cour végétalisée, l'espace est aussi mieux partagé entre les enfants. Photo ville de Tours/F. Lafite.

En extérieur, le nouveau city stade accueille sous son sol un bassin enterré captant les eaux de pluie et de ruissellement. "Comme partout en France, on a connu des épisodes de sécheresse les années passées. La gestion de la ressource en eau est une problématique très importante, à prendre absolument en compte", dixit Franck Gagnaire. 

Bénéfice collatéral à l’efficacité climatique de la nouvelle école La Fontaine: un climat scolaire plus apaisé, assure l’élu. "L’une des premières choses que nous a dites la directrice quand elle est rentrée dans les locaux, c’est que, grâce à l’insonorisation, élèves et enseignants parlaient moins fort, donc moins de nervosité et une école plus zen."

Idem dans la cour, où la végétalisation massive et le découpage en différentes zones, en plus de créer de la fraîcheur, contribue à plus d’égalité, filles-garçons, sportifs-non sportifs…. "Car on sait que, très souvent, les cours de récréation classiques sont largement monopolisées par les jeux de ballons", souligne Franck Gagnaire.

Quelques difficultés à connaître pour se lancer

A Tours, la municipalité reçoit de nombreuses visites d’autres collectivités françaises. Forte de son expertise de pionnière en la matière, l’équipe prodigue bons conseils et écueils à éviter pour mener à bien ce type de projets

Priorité n° 1: associer tout le monde en amont, pour que personne n’ait l’impression de subir ni le changement ni les travaux. "Enseignants, enfants, agents d’entretien… Dans ce type de projet, des choses peuvent leur sembler contre-intuitives. Notamment sur la dangerosité des cours végétalisées, qui s'avèrent en fait à l'usage bien plus sûres...", souligne Franck Gagnaire. Ainsi, à Tours, tout projet "Récré en herbe" commence en septembre par une co-construction des plans par des enseignants et 1 à 2 classes de l’école, à qui la ville donne les éléments techniques.

"Associer tout le monde, c’est aussi s’assurer que l'espace va être bien entretenu", Franck Gagnaire, élu à l'Education de la ville de Tours

Une fois ces plans tracés, le bitume est retiré l’été suivant, les arbres plantés à l’automne pour respecter le rythme des saisons, les structures de jeu installées, quant à elles, au printemps. "Pour une cour, le processus prend un an et demi. Associer tout le monde, c’est aussi s’assurer que l'espace va être bien entretenu car ce ne sont pas les jardiniers de la ville qui vont venir s’occuper du potager pédagogique", dixit l’élu.

Outre une bonne anticipation budgétaire, la ville de Tours souligne enfin la nécessité de bien penser la logistique des travaux. Car impossible pour les élèves de manquer l’école pendant que la leur se refait une beauté.

"Quand l'établissement comporte plusieurs bâtiments relativement éloignés, on en rénove un à la fois en relocalisant les enfants dans l'autre, auquel on ajoute des préfabriqués. Pour la maternelle La-Fontaine, où la démolition a été totale, les élèves ont été déplacés dans un autre établissement mais nous avons veillé à mettre en place un transport par bus depuis le site de l’ancienne école pour ne pas que cela change le trajet des parents le matin", éclaire-t-il, jugeant ces projets aussi faisables que nécessaires.

Et si Tours la pluvieuse a pris les devants face au réchauffement, n’est-ce pas la preuve que la Côte d’Azur pourrait passer la seconde pour devenir elle aussi première de la classe?

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