Divorce gris: quand l’amour s’éteint après 50 ans

Ils s’aimèrent, se marièrent, eurent beaucoup d’enfants et vieillirent ensemble... jusqu’à la fin des temps. Cette recette narrative et codifiée, d’un amour inébranlable entre deux personnes, est chamboulée par l’évolution de notre société. Ces dernières décennies, un phénomène, autrefois rare, est devenu de plus en plus courant: les divorces après l’âge de 50 ans, souvent après plusieurs décennies de mariage. On parle alors de "divorce gris" en référence aux cheveux grisonnants de ces
couples.

Selon une étude récente, ce phénomène prend de l’ampleur. En France, le nombre des divorces des couples de plus de 60 ans a ainsi doublé depuis 1985. Parmi les générations nées dans les années 1960, un quart des hommes et des femmes de 50 ans ont déjà connu au moins deux unions. Si jadis, les couples restaient ensemble pour le meilleur et pour le pire, aujourd’hui, de nombreux seniors n’hésitent pas à dissoudre leur mariage pour des raisons variées. Mais alors qu’est-ce qui pousse ces sexagénaires à tourner la page sur des décennies de vie commune? Pourquoi ces unions prennent-elles fin à un âge où la stabilité conjugale semble acquise? On fait le point sur ce
phénomène avec la psychanalyste niçoise Christine Ganneval.

Le reflet grisonnant de notre société moderne

Il y a vingt ans, les personnes qui atteignaient l’âge de 50 ans avaient connu, pour la plupart, une seule union. Partenaires au sein d’un couple marié avec enfants, les époux franchissaient unis le cap du cinquantième anniversaire de l’un d’eux. Mais alors comment expliquer un tel revirement? "Pour beaucoup, divorcer représente un renouveau. C’est le début d’une nouvelle aventure, riche de possibilités et de découvertes. Des perspectives rendues possibles par l’évolution globale de notre société", analyse Christine Ganneval. Car, tout d’abord, l’espérance de vie est plus longue qu’autrefois. "Ainsi, à 50 ans, on peut espérer vivre au moins vingt ans, voire trente ans de plus en bonne santé. On est loin de l’image des anciens qui se retirent progressivement de la vie sociale. Aujourd’hui, ils ont des projets, des envies, des rêves… Ils ont le temps de penser enfin à eux."

De plus, de nos jours, le mariage revêt une dimension bien moins symbolique et le divorce est mieux accepté, quel que soit l’âge. "C’est la première génération de retraités qui osent se séparer, sans se soucier du regard des autres et sans culpabilité." À cela s’ajoute l’émancipation financière et sociale des deux époux. "De nombreuses femmes de cette génération ont travaillé et acquis une indépendance financière leur permettant de quitter un mariage qui ne les comble plus", complète la psychologue.