"Avoir ces séries de nuits qui ne descendent pas sous 20°C, je pense aux 61 nuits consécutives à Nice, c’est quelque chose d’énorme": l’emprise grandissante des nuits tropicales en été

Le nombre de nuits consécutives au-dessus de 20 °C ne cesse de grossir. Cet été, Nice a vécu une série de 61 nuits tropicales d’affilée. Sur un an, cela représente facilement une nuit sur 4.

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Sonia Bonnin Publié le 08/09/2024 à 12:30, mis à jour le 09/09/2024 à 09:36
Nuits tropicales Nice Ascros 1964 - 2024 Infographie Rina Uzan, source Météo France

Qu’est-ce qui a duré tout l’été, dont on se serait bien passé, et qui nous a fait suffoquer plus de 50 jours?

Non, ce ne sont pas les 51 journées sous gouvernement démissionnaire. Ce sont nos nuits. Et cela aura un impact à beaucoup plus long terme. Au fil des ans, le nombre de nuits dites tropicales augmente.

Focus sur un aspect marquant du changement climatique: ces nuits qui restent au-dessus de 20°C sont l’un des indicateurs essentiels dans l’analyse du climat.

"Franchement, le fait marquant cet été pour moi, ce sont les nuits tropicales, chez vous, dans votre région méditerranéenne, livre Matthieu Sorel climatologue à Météo France. On a tendance à parler de la chaleur diurne, mais la nuit tropicale est un marqueur, une parfaite illustration du changement climatique."

Il faut dire que les mesures se sont emballées. "Avoir ces séries de nuits consécutives qui ne descendent pas sous 20°C, je pense aux 61 nuits consécutives à Nice, c’est quelque chose d’énorme."

Pas un record, mais de l’exceptionnel

La situation niçoise mérite un focus, tellement cette ville se distingue pour les cumuls de chaleur qui y sont mesurés.

"Cet été à Nice, le record de 66 nuits tropicales n’a pas été dépassé. Mais ce record date de 2022, il est donc très récent! On voit un phénomène qui s’inscrit dans la durée et dans la lignée d’étés précédents. Plus de 60 nuits tropicales d’affilée, de façon continue j’insiste, c’est énorme."

À l’échelle d’une année, on a déjà dépassé les 100 nuits au-dessus de 20°C à Nice.

Fluctuations oui, mais à la hausse

"Dans les années soixante, on était autour de 20 à 30 nuits tropicales par an, décrit Matthieu Sorel. Dans les années 2000, on était vers 40, 50. Depuis 2010, plutôt un total de 70 à 80 nuits tropicales par an. Donc on voit très nettement l’accélération."

Pour autant, ce nombre ne va pas augmenter systématiquement chaque année.

L’année prochaine ne sera pas forcément pire

Si la ligne est ascendante, chaque événement isolé peut varier fortement. Matthieu Sorel explique ce principe. "Nous sommes dans des fluctuations. 2024 n’est pas pire que 2023, qui n’était pas pire que 2022. Les fluctuations, c’est ce qu’on appelle la variabilité du climat. D’un jour à l’autre, d’une année à l’autre. Mais ces fluctuations se font sur une tendance de fond qui est à la hausse."

Voilà pourquoi "il ne faut pas généraliser ce qu’il se passe sur une seule année".

 

Matthieu Sorel, climatologue Météo France DR Météo France.

Alors, prenons du recul

Prendre du recul, c’est regarder les courbes d’ensemble. Par exemple sur 60 ans (nos infographies). Décennie après décennie, "on se classe dans le haut du panier".

Les experts de Météo France se posent des questions. "Nous nous demandons comment qualifier ces événements. 60 jours consécutifs, c’est exceptionnel, mais chaque année devient exceptionnelle, ou historique."

Records ou pas, "nos étés à l’avenir seront pires que celui qu’on vient de connaître, il faut en être conscient. On est dans une dynamique de changement climatique qui ne va pas vers l’amélioration, puisque les gaz à effet de serre ne diminuent pas."

Que se passe-t-il sur nos corps?

La succession des nuits tropicales a "des conséquences sanitaires qui ne sont pas anodines".

À la longue, les organismes se fatiguent. "La nuit, on sait que le corps humain récupère de la chaleur du jour. Quand la température ne descend pas sous 20°C, on est privé de ce repos efficace."

Lors de la première vague de chaleur de l’été, une température affolante a été relevée à Menton. "Au plus frais de la nuit du 29 au 30 juillet, il a fait 27,9°C. Nous avons eu aussi 26,9°C à Nice, du 30 au 31 juillet. "

Disparités territoriales

Rentrons dans une nuance très importante: le différentiel des températures nocturnes sur le territoire. Car le thermomètre varie fortement d’un lieu à l’autre.

Des exemples: il y a eu 6 nuits tropicales cette année dans le village d’Ascros, pré-Alpes d’Azur (06). Soit dix fois moins qu’à Nice, à une quarantaine de kilomètres de distance. Il y a eu aussi 25 nuits tropicales au Luc, dans le centre du Var. Mais tout de même 54 à Toulon.

La nuit, les villes irradient la chaleur qu’elles ont stockée. "Dès qu’il y a une surface bétonnée, très urbanisée, la chaleur s’emmagasine en journée, rappelle Matthieu Sorel. La nuit, cette chaleur est restituée [à l’atmosphère]. Le thermomètre a donc beaucoup de mal à baisser, contrairement aux zones périphériques et de campagne, qui elles voient leur température baisser." À l’intérieur d’une même ville, il existe de gros écarts, aggravés par les îlots de chaleur. "On voit des différences de plusieurs degrés, à deux rues de distance. Cela dépend de la configuration locale, de la présence de végétation…"

Nuits tropicales Toulon Le Luc 1964 - 2024 Infographie Rina Uzan, source Météo France.

Température de l’eau

"La Méditerranée joue un rôle de régulateur, mais là c’est un effet dans le mauvais sens. Quand l’eau de la mer est à 28°C – on a même eu 30°C début août – la température des régions côtières ne va pas pouvoir s’abaisser. L’ambiance reste chaude et humide, y compris pendant la nuit."

Surchauffée, la mer ne peut plus jouer son rôle habituel. De climatiseur du climat.

27,9

C’est la température relevée à Menton "au plus frais de la nuit", fin juillet 2024. Impressionnant, même si ce n’est pas le record nocturne de France, qui date de 2017: 30,5°C à Marignana en Corse du Sud.

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