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Le « Titanic » comme vous ne l’avez jamais vu

Parmi les images fournies par la société de cartographie en eaux profondes Magellan, la moitié avant du navire, trouvé en deux morceaux.
Parmi les images fournies par la société de cartographie en eaux profondes Magellan, la moitié avant du navire, trouvé en deux morceaux. © DR
Romain Clergeat , Mis à jour le

En scannant l’épave du transatlantique englouti, les robots Romeo et Juliet annoncent de nouveaux coups de théâtre sur l’origine de la tragédie du Titanic.

Au début de l’été 2022, quand le bateau de Magellan arrive sur le site où repose l’épave, à 650 kilomètres des côtes de Terre-Neuve, au Canada, toute l’équipe sait que l’expédition ne sera pas de courte durée. Gerhard Seiffert, le chef du projet de cette société de ­cartographie en haute mer, les a prévenus. « Ce que nous allons entreprendre n’a jamais été fait à cette échelle. Il nous faudra de la patience et… de la chance. »

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Notamment en raison des forts courants dans cette partie de l’Atlantique Nord. Truffés de technologie (caméra haute définition, sonar et scanner laser), Romeo et Juliet, les deux robots de la société qui vont être envoyés par 3 800 mètres de fond, sont téléguidés depuis la surface, et leur poids relatif les rend difficiles à stabiliser en cas de forte houle. Sans parler des conditions de lumière.

À ces profondeurs, le « Titanic » gît dans le noir complet. ­Raison pour laquelle les premières images réalisées en 1985, à l’époque de simples lampes à quartz, donnaient finalement peu à voir. De nombreux détails, mais jamais une vue d’ensemble.

Le défi : scanner l’ensemble du bateau ainsi que les débris éparpillés

Aujourd’hui, les Led permettent d’en voir beaucoup plus et plusieurs expéditions sont d’ailleurs retournées sur le site pour exploiter cette nouvelle technologie. Tout récemment, la société OceanGate a pu produire des images en 8K époustouflantes. Seulement, aucune ne rendait compte de l’ampleur du site.

Durant six semaines, Romeo et Juliet vont d’abord réaliser, à l’aide du sonar, une carte des fonds marins autour de l’épave. Le défi : scanner l’ensemble du bateau ainsi que les débris éparpillés sur un rayon de près de 5 kilomètres (soit 40 kilomètres carrés) afin d’en réaliser une reconstitution numérique parfaite. « Une des tâches les plus fastidieuses a consisté à cartographier le moindre centimètre carré autour du bateau. Y compris les parties sans intérêt. Nous avons dû cartographier les espaces boueux, afin de pouvoir révéler, a posteriori, les objets parfois invisibles », explique Seiffert.

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Zoom sur la proue, où s’accroche désormais la vie sous-marine.
Zoom sur la proue, où s’accroche désormais la vie sous-marine. © DR ​

L’étape suivante consiste à photographier en 4K l’intégralité de ce qui a été délimité au préalable par le sonar. Finalement, après deux cents heures de plongée, l’ensemble a été capturé en ­numérique : plus de 715 000 clichés et 16 térabytes (l’équivalent de 5 000 films Blu-ray) de ­données. Il faudra sept mois à Gerhard Seiffert et au staff de Magellan pour reconstituer l’intégralité de la zone ainsi capturée.

Les deux parties du navire sont à 800 mètres de distance

Devant le luxe de détails qui apparaissent « virtuellement », ils n’en croient pas leurs yeux : surgissent de l’obscurité le numéro de série sur l’hélice, le moindre rivet de la coque, les noms des passagers de ­certaines cabines, des bouteilles de champagne, la salle des radios, etc. Mais surtout la position exacte des deux parties (à 800 mètres de distance l’une de l’autre) d’une épave qui s’est scindée au moment du naufrage. Car le mystère demeure : comment le « Titanic » a-t-il réellement coulé ?

Parti de Southampton, en 1912, le navire mesure 269 mètres de longueur et 53 mètres de hauteur, de la quille aux cheminées.
Parti de Southampton, en 1912, le navire mesure 269 mètres de longueur et 53 mètres de hauteur, de la quille aux cheminées. © SIPA

Le 14 avril 1912, quatre jours après son départ de Southampton, le ­paquebot de la White Star Line heurte un iceberg et ­commence à prendre l’eau. Cinq des seize compar­timents sont rapidement submergés et, en une heure trente, le « Titanic » est englouti. Bilan : 1 500 morts, 710 survivants. Il faudra attendre soixante-treize ans pour le retrouver, gisant par 4 000 mètres de fond. Le 1er septembre 1985, Jean-Louis Michel et Robert Ballard le filment à l’aide d’une nacelle, Argo, et du robot Jason, développés par la Navy américaine.

Le bateau s’était bien coupé en deux avant de sombrer

Pour la première fois, on a la confirmation que le bateau s’était bien coupé en deux avant de sombrer, comme l’avaient rapporté des témoins. Mais comment « exactement » ? Personne ne le sait vraiment. Pas même James Cameron, qui plonge sur l’épave en 1995, afin d’affiner, in situ, son scénario. La qualité médiocre des images qu’il recueille pour son film l’empêche de les utiliser autant qu’il l’aurait souhaité. Le blockbuster n’en deviendra pas moins une manière de version officielle des événements.

Une béance remplie de débris rouillés sert de point d’entrée aux robots : c’est tout ce qu’il reste du légendaire double escalier Art déco, avec ses rambardes en bois sculpté (photo ci-dessous).
Une béance remplie de débris rouillés sert de point d’entrée aux robots : c’est tout ce qu’il reste du légendaire double escalier Art déco, avec ses rambardes en bois sculpté (photo ci-dessous). © DR

La réalité est peut-être différente. À commencer par la façon dont le paquebot a heurté l’iceberg. Parks Stephenson, un des plus grands experts sur le sujet, consultant de la BBC pour le documentaire en préparation qui va raconter l’épopée de cette reconstitution en 3D, affirme ainsi : « On n’est même pas certain que l’iceberg ait heurté le “Titanic” sur sa droite. L’hypothèse que le bateau soit “monté” dessus n’est pas à exclure. »

Le double escalier Art déco, avec ses rambardes en bois sculpté
Le double escalier Art déco, avec ses rambardes en bois sculpté Getty Images / © UniversalImagesGroup

Quant à la manière dont s’est déroulé le ­naufrage lui-même, James Cameron a ­toujours eu un doute. Dans le cadre d’un documentaire pour les 25 ans de son film, il avait consulté la marine américaine pour réaliser une nouvelle simulation informatique. « Je pense que nous pouvons envisager la possibilité d’un naufrage vertical de la poupe, mais probablement exclure celle d’une chute en arrière, suivie d’une position verticale. Je me suis trompé. »

Les 50 000 tonnes de ferraille se dissolvent

Désormais, l’étude des moindres détails de la brisure pourrait permettre aux experts d’expliquer comment le navire s’est posé sur le fond. Le temps presse. Attaquées par la vie microbienne des profondeurs, les 50 000 tonnes de ferraille se dissolvent, transformant certaines parties en fine poudre. ­Resteront les images 3D. Grâce à elles, l’épave du « Titanic » est figée pour l’éternité.

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