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« Anguille électrique » : différence entre les versions

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== Trois espèces plutôt qu'une... ==
== Trois espèces plutôt qu'une... ==
Après l'étude de 100 spécimens, une seconde étude (publiée en 2019 dans [[Nature (revue)|Nature]]) a porté sur 107 anguilles venant du Brésil, du Suriname, du Guyana et de Guyane. Outre des analyses d'ADN les structures internes, corporelles et osseuses ont été examinées. En croisant ces données à la cartographie de leurs provenances, trois groupes génétiquement différents, correspondant à trois régions géographiques différentes ont été identifiés<ref name=Science2019>Eva Frederick (2019) [https://www.sciencemag.org/news/2019/09/newly-discovered-eel-delivers-strongest-electric-jolt-record ''Newly discovered eel delivers the strongest electric jolt on record''], Science News, 10 Septembre 2019</ref> :
Après l'étude de 100 spécimens, une seconde étude (publiée en 2019 dans [[Nature Communications]]) a porté sur 107 anguilles venant du Brésil, du Suriname, du Guyana et de Guyane. Outre des analyses d'ADN les structures internes, corporelles et osseuses ont été examinées. En croisant ces données à la cartographie de leurs provenances, trois groupes génétiquement différents, correspondant à trois régions géographiques différentes ont été identifiés<ref name=Science2019>Eva Frederick (2019) [https://www.sciencemag.org/news/2019/09/newly-discovered-eel-delivers-strongest-electric-jolt-record ''Newly discovered eel delivers the strongest electric jolt on record''], Science News, 10 Septembre 2019</ref> :
* ''Electrophorus electricus'', dont les habitats sont situés au nord (Guyane et Suriname essentiellement) ;
* ''Electrophorus electricus'', dont les habitats sont situés au nord (Guyane et Suriname essentiellement) ;
* ''Electrophorus varii'', trouvées dans divers zones des basses terres du bassin amazonien (nord du Brésil surtout) ;
* ''Electrophorus varii'', trouvées dans divers zones des basses terres du bassin amazonien (nord du Brésil surtout) ;

Version du 13 septembre 2019 à 12:05

Electrophorus electricus

L'anguille électrique (Electrophorus electricus) est une espèce de poissons d'eau douce rencontré dans le nord de l'Amérique du Sud, du bassin de l'Orénoque à celui de l'Amazone. Malgré son nom et en dépit de sa ressemblance aux vraies anguilles, il n'appartient pas à la famille des anguilliformes mais aux Gymnoptidae (certains le classent dans une famille à part : les Electrophoridae). Longtemps considérée comme seule espèce du genre Electrophorus, une étude publiée en 2019 révèle l'existence de deux autres espèces décrites sous les noms d'E. voltai et E. varii. Ce poisson peut atteindre jusqu'à 2,5 m de long et peser 20 kg.

Récemment, au vu de différences physiques discrètes mais importantes, on a pensé qu'il existe en fait deux espèces distinctes d'anguilles électriques : l'une a une tête et un corps massifs, l'autre a une tête fine et un corps fuselé (l'anguille électrique géante, qui vit dans le fleuve du Coppename au Suriname).

Le biologistes Brady Barr a découvert[réf. nécessaire] que ces différents spécimens ont en plus des impulsions électriques différentes. Puis, après l'étude attentive de plus de 100 spécimens capturés dans le bassin amazonien ce sont trois espèces qui ont été définies, la troisièmes et dernière découverte à cette occasion génère des chocs électriques encore plus intenses que ceux de ses cousines, et le plus puissant jamais mesuré chez un être vivant[1].

Ces espèces pourraient avoir divergé il y a plus de 3 millions d'années lors de l'apparition de la grande plaine inondable qui donnera l'Amazonie. En 2019 on ignore si ces groupes sont encore capables ou non de produire des hybrides si on leur en donnait l’occasion[1].

Trois espèces plutôt qu'une...

Après l'étude de 100 spécimens, une seconde étude (publiée en 2019 dans Nature Communications) a porté sur 107 anguilles venant du Brésil, du Suriname, du Guyana et de Guyane. Outre des analyses d'ADN les structures internes, corporelles et osseuses ont été examinées. En croisant ces données à la cartographie de leurs provenances, trois groupes génétiquement différents, correspondant à trois régions géographiques différentes ont été identifiés[1] :

  • Electrophorus electricus, dont les habitats sont situés au nord (Guyane et Suriname essentiellement) ;
  • Electrophorus varii, trouvées dans divers zones des basses terres du bassin amazonien (nord du Brésil surtout) ;
  • Electrophorus voltai, qui vit plus au sud (au Brésil), dont le crâne est moins aplati.

La force des chocs électriques de ces 3 espèces a été mesurée, montrant que E. voltai délivre des chocs atteignant 860 volts, soit beaucoup plus que le record précédent de 650 volts[1].

Organe électrique

Les poissons « électriques » intriguent les biologistes et certains physiciens depuis longtemps : les médecins égyptiens utilisaient une raie électrique pour soigner l'épilepsie ; Faraday a utilisé des anguilles pour étudier la nature de l'électricité ; l'étude anatomique d'anguilles a contribué à aider Volta à créer sa première batterie ; c'est l'une des motivations du séquençage complet du génome de l'anguille électrique par l'Université de Wisconsin-Madison, qui a été achevé l'été 2014[2].

L'anguille électrique présente la particularité de posséder des organes électriques (plaque électrique) dans la partie postérieure de son corps. Ces derniers peuvent atteindre 80 % de sa masse. Elle est capable d'envoyer des décharges électriques d'une tension allant de 50 millivolts à 860 volts, le champ électrique est d'environ 200 V par 30 cm (c'est-à-dire 600 V m−1) qui peuvent paralyser un cheval (qui peut alors se noyer) ou tuer un être humain (électrocution)[3],[4]. Certaines de ces décharges ont atteint un record de plus de 860 V[5] pour un courant de 2 A. Sa peau forme une couche protectrice contre ses propres décharges. Elles utilisent ces décharges pour se défendre ou comme moyen de prédation. Une anguille électrique de 2 m peut produire un courant dont la tension peut atteindre 860 volts, soit près de quatre fois celle d'une prise de courant[2].

Trois types de décharges électriques existent[2] :

  1. des impulsions basse tension ; elles servent à la détection de l'environnement proche ;
  2. de courtes séquences, de deux ou trois impulsions à haut voltage durant chacune quelques millisecondes (appelés doublets ou triplets), durant le comportement de chasse ;
  3. des salves de haute tension, des impulsions à haute fréquence au moment de la capture d'une proie ou de défense contre un animal ou objet jugé menaçant.

Selon Kenneth Catania (après 9 mois d'étude sur décharges électriques à haute tension), le système qui délivre des électrochocs est « étrangement similaire à un Taser »[2].

Elles utilisent aussi des décharges électriques continues d'une plus faible tension (environ 10 V) pour s'orienter dans l'eau boueuse, localiser et/ou neutraliser des proies ou prédateurs ainsi que pour trouver des partenaires sexuels.

Les mouvements de cette espèce sont très rapides (il suffit d'environ un dixième de seconde pour qu'un ver ou un petit poisson, lui-même paralysé en quelques dixièmes de seconde soit gobé)[2].

Reproduction

La période de reproduction a lieu entre septembre et décembre.

Les mâles construisent des nids avec leur salive à base de plantes aquatiques et protègent les œufs, puis les alevins. Ces derniers ont une taille d'environ 10 cm après l'éclosion. L'anguille électrique peut pondre jusqu'à 17 000 œufs.

Physiologie

Electrophorus electricus - squelette conservé au MNHN de Paris

L'anguille électrique ne possède pas de nageoires dorsale, caudale ou pelviennes. Toutefois, elle possède une longue nageoire anale.

Tête de Electrophorus electricus - squelette conservé au MNHN de Paris

Bien qu'elle possède des branchies, elle doit remonter périodiquement à la surface pour gober de l'air et c'est dans sa bouche richement vascularisée que se font les échanges gazeux. Ces caractéristiques lui permettent de réaliser des trajets sur la terre ferme et de se contenter d'eaux pauvres en oxygène.

Elle n'a guère de prédateurs et n'est pas d'un grand intérêt pour les populations, les chocs électriques pouvant survenir jusqu'à 8 heures après sa mort.

C'est la seule espèce du genre Electrophorus. Bien que de la même famille que les gymnotes, l'anguille électrique est classée dans un autre genre. Certains auteurs classent l'anguille électrique dans une famille à part, les Electrophoridae.

Descriptions historiques

Gymnote

Alexander von Humboldt fit une description saisissante de sa rencontre avec des Gymnotes lors de sa célèbre expédition en Amérique du Sud, au début du XIXe siècle[6] :

« La crainte des décharges d'anguille électrique est si exagérée dans la population que nous ne pûmes en obtenir aucune en trois jours. Notre guide emmena chevaux et mulets et les fit entrer dans l'eau. En cinq minutes environ deux chevaux se noyèrent. L'anguille d'un mètre soixante de long se frottait au ventre du cheval et lui donnait un choc. Mais lentement la violence du combat inégal se calma et les anguilles épuisées se dispersèrent. En un rien de temps nous eûmes cinq grandes anguilles. Après les avoir étudiées pendant quatre heures, nous eûmes jusqu'au lendemain des crampes, des douleurs aux articulations et une nausée générale ».

Éthologie

Un comportement d'attaque avec saut hors de l'eau est parfois observé ; il a été accidentellement observé par Kenneth Catania de l'université Vanderbilt qui a noté que ces animaux se jetaient parfois hors de l'eau pour "attaquer" la jante des épuisettes utilisées pour les capturer[7]. Une étude publiée mi-2016 dans les Actes de l'Académie américaine des sciences[8],[9] a montré que ces anguilles peuvent effectivement sauter hors de l'eau pour attaquer un autre animal, et que ce saut augmentait la tension électrique, rendant l'attaque nettement plus efficace. (vidéo en ligne sur le site). Plus l'anguille sort de l'eau, plus la décharge est violente ; dans un cas le voltage est passé de 10 à 300 volts[7]. Ce comportement pourrait avoir été acquis au cours de l'évolution comme solution adaptative permettant à cette anguille de mieux se défendre durant la saison sèche amazonienne, quand elle est piégée face un prédateur dans des zones résiduelles de faible profondeur[9].

Culture populaire

Dans "Tintin et les Picaros", le capitaine Haddock est attaqué par une gymnote.

Recherche

Environnement

Le Museum Aquarium de Nancy mène des recherches sur l'utilisation de gymnotes pour examiner la qualité de l'eau. En effet, la fréquence des impulsions électriques émises par un gymnote sain en milieu propre est d'une étonnante régularité. Cependant, dès que l'eau est polluée, par des résidus de pétrole par exemple, le signal se trouve perturbé.

Technologies bioinspirées

En 2017, une équipe de chercheurs américains a élaboré des hydrogels permettant de reproduire la structure et le fonctionnement des électrocytes de l'anguille électrique. En dépit de difficultés techniques (recharge du dispositif ou faiblesse de la densité énergétique produite), ces hydrogels pourraient à terme être utilisés dans des dispositifs médicaux tels que les pacemakers[10].

Annexes

Sur les autres projets Wikimedia :

Liens externes

Notes et références

  1. a b c et d Eva Frederick (2019) Newly discovered eel delivers the strongest electric jolt on record, Science News, 10 Septembre 2019
  2. a b c d et e Electric eels deliver taser-like shocks Vanderbilt University, 4 dec 2014, from : K. Catania. The shocking predatory strike of the electric eel. Science, 2014; 346 (6214): 1231 DOI: 10.1126/science.1260807
  3. « 12 animaux aux superpouvoirs hallucinants », sur nationalgeographic.fr, (consulté le )
  4. « How Evolution Gave Some Fish Their Electric Powers », Wired,‎ (lire en ligne)
  5. [ http://www.nationalgeographic.fr/video/tv/languille-electrique-de-lamazone]
  6. (de) Alexander von Humboldt, Jagd und Kampf der electrischen Aale mit Pferden, Annalen der Physik , (DOI 10.1002/andp.18070250103, lire en ligne), p. 34–43
  7. a et b Shultz, David (2016) Video: Jumping electric eels pack more zap, 6 juin 2016 ; Science, Plants & Animals DOI:10.1126/science.aaf5767
  8. Kenneth C. Catania. Leaping eels electrify threats, supporting Humboldt’s account of a battle with horses. PNAS, June 6, 2016 DOI: 10.1073/pnas.1604009113
  9. a et b Kenneth C. Catania (2016) Leaping eels electrify threats, supporting Humboldt’s account of a battle with horses
  10. Hugo Jalinière, « L’anguille électrique au secours des pacemakers », Sciences & Avenir,‎ (lire en ligne)