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Élections législatives turques de juin 2015

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Élections législatives turques de juin 2015
550 sièges de la Grande Assemblée nationale
(Majorité absolue : 276 sièges)
Corps électoral et résultats
Inscrits 56 608 817
Votants 47 507 467
83,92 % en augmentation 0,8
Blancs et nuls 1 344 224
AKP – Ahmet Davutoğlu
Voix 18 867 411
40,87 %
en diminution 9
Sièges obtenus 258 en diminution 69
CHP – Kemal Kılıçdaroğlu
Voix 11 518 139
24,95 %
en diminution 1
Sièges obtenus 132 en diminution 3
MHP – Devlet Bahçeli
Voix 7 520 006
16,29 %
en augmentation 3,3
Sièges obtenus 80 en augmentation 27
HDP – Selahattin Demirtaş et Figen Yüksekdağ
Voix 6 058 489
13,12 %
en augmentation 13,1
Sièges obtenus 80 en augmentation 80
Parti en tête par province et district
Carte
Composition de l'assemblée
Diagramme
Premier ministre
Sortant Élu
Ahmet Davutoğlu
AKP
Retour aux urnes

Les élections législatives turques de (en turc : 2015 Türkiye genel seçimleri) se sont tenues le dimanche , afin d'élire les cinq cent cinquante députés de la Grande Assemblée nationale de Turquie, pour un mandat de quatre ans. Ces élections ont constitué la 25e législature.

Contexte : treize ans de domination de l'AKP

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Le Parti de la justice et du développement (AKP) est au pouvoir depuis les élections législatives de 2002. À l'occasion des élections du 12 juin 2011, il a totalisé 49,8 % des voix et 327 députés (à trois sièges de la majorité des trois-cinquièmes nécessaire pour engager une réforme constitutionnelle).

Reconduit pour un troisième — et dernier selon les statuts de l'AKP — mandat, le Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan a présenté sa candidature à l'élection présidentielle du 10 août 2014. Pour la première fois, celle-ci se tenait au suffrage universel direct. Avec 51,8 %, il s'impose dès le premier tour face aux deux candidats de l'opposition. Il a alors choisi le ministre des Affaires étrangères, Ahmet Davutoğlu, précédemment conseiller diplomatique et député depuis 2011, pour prendre sa suite au poste de Premier ministre.

Le scrutin est marqué par une situation économique en berne (baisse de la croissance, progression du chômage et de l'endettement des particuliers). Le président Recep Tayyip Erdoğan, qui souhaite mener une réforme constitutionnelle afin de présidentialiser le régime, a besoin des trois cinquièmes des sièges au Parlement pour faire passer ce projet[1],[2].

Résultats des élections précédentes

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Résultats des principaux partis lors des quatre dernières élections :

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10
20
30
40
50
60
2009
(municipales)
2011
(législatives)
2014
(municipales)
2014
(présidentielle)

À la présidentielle de 2014 le CHP et le MHP présentent un candidat commun.

Mode de scrutin

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Nombre de sièges par province.

La Grande Assemblée nationale de Turquie est le parlement unicaméral de la Turquie. Elle compte 550 députés, élus pour cinq ans au scrutin proportionnel, chacune des soixante-dix neuf provinces constituant une circonscription électorale. Les candidats présents sur la liste d'un parti politique ne sont élus que si leur formation a obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au niveau national, si elle a présenté deux candidats à chaque siège de député dans au moins la moitié des provinces, et si elle est bien implantée dans la moitié des provinces et un tiers des arrondissements provinciaux[3].

Au seuil électoral s'ajoutent plusieurs conditions supplémentaires auxquelles un parti doit se soumettre pour pouvoir bénéficier de sièges. Ils doivent avoir une présence dans un minimum d'un tiers des districts d'au moins 40 provinces, dans lesquelles ils doivent présenter au moins deux candidats.

Le seuil électoral turc de 10 % des suffrages, très élevé, a par le passé poussé au regroupement des formations et au vote tactique de la part des électeurs afin d'éviter que leur vote ne soit « perdu »[3].

Bulletin vierge avec l'enveloppe et un tampon « oui ».

Faits marquants

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Le , des permanences du Parti démocratique des peuples (HDP) sont les cibles d'attaques à la bombe à Adana et à Mersin. L'explosion à Adana fait six blessés et aucun à Mersin[4].

Le , Eli Dogan Türkmen, une avocate et candidate du Parti républicain du peuple (CHP), est blessée dans une attaque à main armée dans la circonscription d'Adana[5].

Le , le journal d'opposition Cumhuriyet publie des photos et une vidéo qui démontrent que les services secrets turcs ont livré des armes aux rebelles islamistes syriens en .

Le , deux explosions à Diyarbakır font deux morts et plus de 130 blessés dont 25 sont hospitalisés « dans un état jugé très sérieux »[6].

Résultats des législatives turques de [7],[8]
Partis Voix % +/- Sièges +/-
Parti de la justice et du développement AKP 18 867 411 40,87 en diminution 8,96 258 en diminution 69
Parti républicain du peuple CHP 11 518 139 24,95 en diminution 1,03 132 en diminution 3
Parti d'action nationaliste MHP 7 520 006 16,29 en augmentation 3,28 80 en augmentation 27
Parti démocratique des peuples HDP 6 058 489 13,12 Nv. 80 en augmentation 80
Parti de la félicité SP 949 178 2,06 en augmentation 0,82 0 en stagnation
Parti patriote VATAN 161 674 0,35 Nv. 0 en stagnation
Parti pour une Turquie indépendante BTP 96 475 0,21 Nv. 0 en stagnation
Parti de la gauche démocratique DSP 85 810 0,19 en diminution 0,06 0 en stagnation
Parti démocrate DP 75 784 0,16 en diminution 0,49 0 en stagnation
Réforme, réconciliation et développement TUP 72 701 0,16 Nv. 0 en stagnation
Parti de libération du peuple HKP 60 396 0,13 Nv. 0 en stagnation
Parti des droits et libertés HAK 58 716 0,13 Nv. 0 en stagnation
Parti de la juste voie DYP 28 852 0,06 en diminution 0,09 0 en stagnation
Parti anatolie ANA 27 688 0,06 Nv. 0 en stagnation
Parti libéral-démocrate LDP 26 500 0,06 en augmentation 0,02 0 en stagnation
Parti du centre MEP 20 945 0,05 Nv. 0 en stagnation
Parti de la nation MP 17 473 0,04 en diminution 0,10 0 en stagnation
Parti communiste KP 13 780 0,03 Nv. 0 en stagnation
Parti de la patrie YUR 9 289 0,02 Nv. 0 en stagnation
Parti droits et justice HAP 5 711 0,01 Nv. 0 en stagnation
Indépendants Ind. 488 226 1,06 en diminution 5,51 0 en diminution 35
Votes valides 46 163 243 97,09
Votes blancs et invalides 1 344 224 2,91
Total 47 507 467 100 550 en stagnation
Abstention 9 101 350 16,08
Nombre d'inscrits / participation 56 608 817 83,92

Le soir de l'élection, le président de la République Recep Tayyip Erdoğan, attendu pour une déclaration au balcon du palais présidentiel, n'apparaît pas et émet seulement un communiqué[9]. Le Premier ministre Ahmet Davutoğlu déclare le lendemain « Nous sommes le premier parti, nous sommes les vainqueurs de cette élection et nous allons poursuivre notre route sacrée. »[10],[11].

Le quotidien turc de centre gauche Cumhuriyet, proche du CHP[12],[13], titre Al sana Yeni Türkiye[14], « La voilà, ta Nouvelle Turquie ! »[10] (La « Nouvelle Turquie » désigne les institutions politiques et la société turques telles que les défend l'AKP)[15].

The New York Times émet un éditorial titré « La démocratie gagne en Turquie ». Erdoğan est dépeint comme le premier perdant de l'élection et la perte de la majorité de l'AKP, après 13 ans de domination, est interprétée comme la conséquence de la dérive autoritaire d'un régime accablé par des scandales de corruption et rendu impopulaire par une partie de l'opinion après la violente répression du mouvement protestataire de 2013[16].

Au Frankfurter Allgemeine Zeitung (situé politiquement à droite) on relève que même si les résultats de l'élection sont bien en deçà de l'objectif de la majorité des trois-cinquièmes que s'était fixée l'AKP, ce parti reste tout de même le plus puissant à côté des trois autres forces politiques qui sont qualifiés de « partis régionaux » (le CHP sur la partie ouest et nord-ouest, le HDP dans le sud-est et le MHP majoritaire dans une seule province sur 81)[17]. Erdoğan perd son rôle central dans les institutions politiques mais reste une « popstar »[17].

La bourse de Turquie perd près de 8 % et la livre turque atteint son niveau le plus bas enregistré. Les marchés sanctionnent la perte de la majorité absolue du gouvernement sortant et la situation d'incertitude qu'implique la nouvelle composition de l'assemblée[18].

17,6 % des sièges sont occupés par des femmes[19].

Conséquences

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À partir de la proclamation des résultats, la Grande Assemblée nationale de Turquie dispose de 45 jours pour constituer un nouveau gouvernement[20]. Ce dernier doit reposer sur une coalition, aucun des groupes parlementaires ne disposant d'une majorité absolue. À l'issue de ces 45 jours le président de la République peut dissoudre l'assemblée et convoquer de nouvelles élections[20].

Le le président du CHP Kemal Kılıçdaroğlu considère que des élections anticipées seraient « du temps perdu » et « un manque de respect envers le peuple »[21]. Une coalition à deux partis (AKP islamo-conservateur et le CHP laïc et social-démocrate)[22] ou à trois partis (le CHP, le MHP nationaliste et le HDP de gauche et défendant les minorités)[23] est évoquée.

Le , des élections législatives anticipées sont convoquées pour le [24]. Elles aboutissent à la reprise de la majorité absolue de l'AKP.

Notes et références

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  1. « Les ambitions d’Erdogan à l’épreuve des urnes en Turquie », sur lesechos.fr, (consulté le ).
  2. Samuel Forey, « Elections en Turquie : Erdogan va-t-il inaugurer les chrysanthèmes? », lejdd.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. a et b « IPU PARLINE database: TURQUIE (Türkiye Büyük Millet Meclisi (T.B.M.M)), Texte intégral », sur archive.ipu.org (consulté le ).
  4. « Turquie : attentat contre le parti pro-kurde », Le Figaro, 18 mai 2015.
  5. « Turquie : une candidate aux législatives blessée », Le Figaro, 26 mai 2015.
  6. AFP, « Turquie: explosions mortelles à un meeting du parti kurde à la veille des élections », sur afp.com, (consulté le ).
  7. (tr) « Yüksek seçi̇m kurulundan duyuru », sur ysk.gov.tr, .
  8. (tr) Yüksek Seçim Kurulu (Haut-comité électoral), « Résultats définitifs », sur ysk.gov.tr, (consulté le ).
  9. (tr) « Erdoğan balkona çıkamadı yazılı açıklama yaptı », sur cumhuriyet.com.tr, (consulté le ).
  10. a et b Ragip Duran, « En Turquie, les journaux d'opposition célèbrent «la fin du règne du parti unique» », sur Libération.fr, (consulté le ).
  11. (tr) « Başbakan Ahmet Davutoğlu'ndan balkon konuşması », sur hurriyet.com.tr, (consulté le ).
  12. Ragip Duran, « Erdogan, ce «héros de la démocratie» », sur liberation.fr, (consulté le ).
  13. Nicolas Cheviron, « Un islamiste tue un juge à Ankara », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
  14. (tr) Ayşe Şahin, « Al sana Yeni Türkiye », sur cumhuriyet.com.tr, (consulté le ).
  15. Mümtazer Türköne, « Quand la nouvelle Turquie devient l'ancienne Turquie », sur zamanfrance.fr, (consulté le ).
  16. (en) « Democracy Wins in Turkey », sur nytimes.com, (consulté le ).
  17. a et b (de) Michael Martens, « Erdogans Niederlage », sur faz.net, (consulté le ).
  18. (de) « Kursrutsch an türkischer Börse », sur faz.net, (consulté le ).
  19. Hazal Atay, « En Turquie, « la politique porte toujours la moustache » », sur Orient XXI, (consulté le ).
  20. a et b AFP, « La Turquie entre dans l’instabilité après l’échec du parti d’Erdogan aux législatives », sur liberation.fr, (consulté le ).
  21. (tr) « CHP lideri Kemal Kılıçdaroğlu: Erken seçim zaman kaybı », sur hurriyet.com.tr, (consulté le ).
  22. (tr) Baskın Oran, « Tahribat Tespit ve Onarım Komitesi », sur radikal.com.tr, (consulté le ).
  23. (tr) Nuray Babacan, « Koalisyon için sessiz diyalog », sur hurriyet.com.tr, (consulté le ).
  24. « Turquie : élections anticipées le 1er novembre », sur Le Figaro, (consulté le ).

Articles connexes

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