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Sulha

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La sulha est la forme du sulh, un processus traditionnel et islamique de résolution des conflits et de réconciliation, présente au sein des communautés arabes du Moyen-Orient et en particulier dans la société palestinienne. Ce concept, profondément enraciné dans la culture locale, offre une alternative à la justice formelle et vise à restaurer l'harmonie sociale en rétablissant les relations entre les parties en conflit.

Origines et signification

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Sulha en avril 1943.

Le mot sulha (de s-l-h, صُلْح) signifie la réconciliation ou la paix[1]. La sulha repose sur des principes de médiation issus de la tradition islamique et de la coutume locale. Ce processus sert de réponse aux conflits interpersonnels et communautaires, fournissant une approche informelle pour résoudre les différends.

Selon Andrew Fallon, la sulha est pleinement une forme de justice réparatrice, dans laquelle l'islam et la coutume palestinienne s'entremêlent, et qui permet de rendre justice à la fois aux individus et à la société[2]. Cette institution est apparentée aux concepts de tahkim et de wisata[3].

Il y a une très grande diversité dans les manières de pratiquer et d'appliquer la sulha[4]. Les trois piliers de la sulha sont la musamaha (le pardon), la musafaka (la poignée de mains), et la mumalaha (le repas partagé)[1]. Selon Abdallah Rizal Maulana, la sulha s'enracine dans le droit islamique non seulement à travers le principe de pardon, mais aussi à travers les principes d'hospitalité et de repentance[5].

Sulha entre deux familles en 2015.

La sulha implique généralement l'intervention de médiateurs, appelés "sulh". Ces médiateurs sont souvent des figures respectées au sein de la communauté, choisies pour leur impartialité et leur capacité à faciliter la réconciliation. Le processus commence par la convocation des parties en conflit devant les médiateurs, qui cherchent à comprendre les causes profondes du différend[6].

La discussion, principalement menée en arabe bédouin[7], se déroule dans un cadre informel, parfois au sein d'une mosquée, d'une maison communautaire ou d'un lieu neutre. Les médiateurs encouragent un dialogue ouvert, cherchant à identifier les griefs et à faciliter une compréhension mutuelle entre les parties. Des réparations matérielles ou symboliques peuvent être suggérées, telles que des compensations financières, des excuses publiques ou des actes de bienfaisance.

Comparaison avec la justice à l'occidentale

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La sulha est relativement différente de la justice à l'occidentale, bien qu'il y ait des similitudes[8]. Selon Kritz, la sulha satisfait le standard international de la rule of law[1].

Importance culturelle et sociale

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Sulha pour la réconciliation en Palestine: la sulha peut aussi être étendue aux conflits internationaux[9].

La sulha a souvent été préféré à la justice étatique formelle en raison de sa rapidité et de son accessibilité[10]. Les enjeux politiques d'alignement avec les pouvoirs en place sont fortement présents dans les pratiques de la sulha, mais de manière extrêmement diverse et en interconnexion avec beaucoup d'autres questions sociales : la sulha peut être une forme de soutien au pouvoir tout comme une forme de résistance[11].

Selon Doron Pely, la sulha fait beaucoup appel à des notions d'honneur, qui est plus important dans la culture traditionnelle palestinienne que la notion d'intérêt personnel, et qui entremêle les dimensions émotionnelles et rituelles avec la dimension judiciaire[12].

Bien que la sulha soit ancrée dans la tradition, elle évolue constamment pour s'adapter aux réalités contemporaines. Des organisations non gouvernementales et des institutions ont cherché à formaliser et à promouvoir ce processus de résolution des conflits en fournissant une formation aux médiateurs et en sensibilisant à son importance, y compris dans le domaine environnemental[13]. Les tribunaux israéliens ont aussi un rapport complexe à la sulha[14].

Références

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  1. a b et c Brian A. Kritz, « Palestinian Sulha and the Rule of Law », Arab Law Quarterly, vol. 27, no 2,‎ , p. 151–170 (lire en ligne, consulté le )
  2. Andrew Fallon, « Restoration as the spirit of Islamic justice », Contemporary Justice Review, vol. 23, no 4,‎ , p. 430–443 (ISSN 1028-2580, DOI 10.1080/10282580.2019.1700370)
  3. Sezai Özçeli̇K, « Islamic/Middle Eastern Conflict Resolution for Interpersonal and Intergroup Conflicts: Wisata, Sulha and Third-Party », Uluslararası İlişkiler / International Relations, vol. 3, no 12,‎ , p. 3–17 (ISSN 1304-7310, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Ido Shahar, « Diversity in sulha practices among Arab-Palestinians in Israel and its implications for state–minority relations: a pluri-legal perspective », The Journal of Legal Pluralism and Unofficial Law, vol. 53, no 2,‎ , p. 227–245 (ISSN 0732-9113 et 2305-9931, DOI 10.1080/07329113.2021.1925459, lire en ligne, consulté le )
  5. Abdullah Rizal Maulana, « Sulha Theological Foundation: Tracing Key Concepts of Reconciliation in Worldview of Islam », Dauliyah, vol. 4, no 1,‎ (ISSN 2477-5460, DOI 10.21111/dauliyah.v4i1.2931, lire en ligne, consulté le )
  6. Sharon Lang, « Sulha Peacemaking and the Politics of Persuasion », Journal of Palestine Studies, vol. 31, no 3,‎ , p. 52–66 (ISSN 0377-919X, DOI 10.1525/jps.2002.31.3.52, lire en ligne, consulté le )
  7. Mohamed Ayed Ibrahim Ayassrah et Ali Odeh Alidmat, « Trends in the use of commissives in the informal judicial system of Sulha », Studies in English Language and Education, vol. 10, no 1,‎ , p. 388–402 (ISSN 2461-0275, DOI 10.24815/siele.v10i1.20995, lire en ligne, consulté le )
  8. Doron Pely, « Where East not always meets West: Comparing the Sulha process to Western-style mediation and arbitration », Conflict Resolution Quarterly, vol. 28, no 4,‎ , p. 427–440 (ISSN 1541-1508, DOI 10.1002/crq.20028, lire en ligne, consulté le )
  9. Mneesha Gellman et Mandi Vuinovich, « From Sulha to Salaam: Connecting local knowledge with international negotiations for lasting peace in Palestine/Israel », Conflict Resolution Quarterly, vol. 26,‎ , p. 127–148 (DOI 10.1002/crq.227)
  10. Samer Fares, Feras Milhem et Dima Khalidi, « The Sulha System in Palestine: Between Justice and Social Order », Practicing Anthropology, vol. 28, no 1,‎ , p. 21–27 (ISSN 0888-4552, lire en ligne, consulté le )
  11. Jessica Watkins, « Seeking Justice: Tribal Dispute Resolution and Societal Transformation in Jordan », International Journal of Middle East Studies, vol. 46, no 1,‎ , p. 31–49 (ISSN 0020-7438, lire en ligne, consulté le )
  12. Doron Pely, Honor: The Sulha's Main Dispute Resolution Tool, Rochester, NY, (lire en ligne)
  13. Hussein Tarabeih, Deborah Shmueli et Rassem Khamaisi, « Towards the Implementation of Sulha as a Cultural Peacemaking Method for Managing and Resolving Environmental Conflicts Among Arab Palestinians in Israel », Journal of Peacebuilding & Development, vol. 5, no 1,‎ , p. 50–64 (ISSN 1542-3166, lire en ligne, consulté le )
  14. Nurit Tsafrir, « Arab Customary Law in Israel: Ṣulḥa Agreements and Israeli Courts », Islamic Law and Society, vol. 13, no 1,‎ , p. 76–98 (ISSN 0928-9380, lire en ligne, consulté le )

Bibliographie

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