Aller au contenu

Théorie cinétique des gaz

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

La théorie cinétique des gaz a pour objet d'expliquer le comportement macroscopique d'un gaz à partir des caractéristiques des mouvements des particules qui le composent. Elle permet notamment de donner une interprétation microscopique aux notions de :

La théorie cinétique des gaz a été développée à partir du XVIIIe siècle. Elle est fondée sur les idées de Daniel Bernoulli, John James Waterston, August Karl Krönig et Rudolf Clausius. James Clerk Maxwell et Ludwig Boltzmann ont formalisé son expression mathématique[1]. Les succès de la théorie cinétique des gaz ont constitué un argument fondamental à l'appui de la théorie atomique de la matière. En effet, en prenant en compte les effets des collisions entre les molécules, on a accès aux propriétés de transport (viscosité, diffusion de la matière, conductivité thermique).

Description

[modifier | modifier le code]
La température d'un gaz parfait monoatomique est une mesure de l'énergie cinétique moyenne des particules qui le constituent. Cette animation montre le mouvement d'atomes d'hélium à 5 000 K, sous une pression de 1 950 atm ; la taille des atomes d'hélium et leur distances sont à l'échelle et la vitesse de déplacement des particules a été ralentie deux milliards de fois. Cinq atomes sont de couleur rouge pour faciliter le suivi de leurs mouvements.

Un gaz est un ensemble d'atomes ou de molécules subissant certaines interactions, notamment les chocs entre particules et avec la paroi du récipient qui les contient. Ces interactions sont caractérisées par un potentiel comme le potentiel de Lennard-Jones.

Les molécules poly-atomiques sont l'objet de mouvements de rotation ou de vibration qui interviennent dans la capacité thermique des corps.

Dans le cadre de la théorie cinétique, on fait les approximations suivantes :

  • le volume des molécules est négligeable ;
  • seuls les chocs ont une influence, les autres interactions sont négligeables.

La trajectoire des molécules peut se modéliser avec le mouvement brownien.

Approche intuitive du mouvement des molécules

[modifier | modifier le code]

Supposons que dans un récipient, toutes les molécules aient la même vitesse et la même direction. Ce système est instable parce que la moindre modification de trajectoire d'une seule molécule provoquera le heurt sur une autre molécule qui déviera et heurtera encore une autre avec un effet en chaîne qui établira le chaos donc le mouvement brownien.

Dans la suite,

  • P, désigne la pression du gaz,
  • V, son volume,
  • T, sa température thermodynamique, et
  • N, le nombre de molécules.

Vitesse et pression

[modifier | modifier le code]

Statistiques sur les vitesses

[modifier | modifier le code]

Considérons une molécule ayant une vitesse de norme[2] v et frappant une surface. Elle subit un choc élastique, c'est-à-dire qu'elle repart en faisant un même angle avec la surface et avec une vitesse de même norme v[3]. Si l'on choisit un repère orthonormé[4] e1, e2, e3, avec e1 perpendiculaire à la surface, alors cette vitesse se décompose selon les trois axes :

On appelle c(v) d3v le nombre de molécules par unité de volume (la concentration) dont la vitesse est comprise dans un volume infinitésimal d3v autour de la valeur v. La concentration globale est donc :

La répartition statistique des vitesses étant isotrope, la moyenne des composantes de la vitesse est nulle :

[5]

Les moyennes quadratiques ne sont par contre pas nulles[6], et elles sont égales entre elles par symétrie de rotation. Comme on a toujours, d'après le théorème de Pythagore

on a en moyenne

avec

et

On appelle u la vitesse quadratique moyenne, telle que :

.

La loi de distribution des vitesses de Maxwell indique que plus le gaz a une température élevée , plus u est grande :

k étant la constante de Boltzmann

Impact d'une molécule

[modifier | modifier le code]

On fait l'hypothèse d'une paroi sur laquelle se produisent des chocs parfaitement élastiques. Lorsqu'une molécule de masse m rebondit sur cette surface, la composante mv1 normale à la surface de sa quantité de mouvement varie de[7] :

D'après les lois de Newton (principe fondamental de la dynamique et théorème des actions réciproques), l'intégrale en temps de la force qu'elle imprime sur la surface est donc :

Impact de toutes les molécules

[modifier | modifier le code]

On cherche maintenant, v étant fixé à d3v près, à savoir combien de molécules frappent une petite surface d'aire S durant une durée τ.

Les molécules frappant la surface entre l'instant 0 et l'instant τ sont nécessairement dans un cylindre de base S et de hauteur v1τ — les autres molécules sont trop loin ou frappent à côté. Ce cylindre d'axe v a un volume de S v1 τ. La force d3F créée par toutes les molécules considérées est donc :

La force F créée par toutes les molécules s'obtient en intégrant sur v1 > 0 si l'on oriente e1 du gaz vers l'extérieur (on ne considère que les molécules allant vers la surface, pas celles s'en éloignant). Ceci revient à diviser par deux, en raison de la symétrie de la distribution c(v) :

En négligeant les fluctuations dans le temps de F, on peut intégrer sur t et simplifier par τ :

ou

La pression étant la force divisée par la surface, on obtient

ou encore, par définition de C = N / V :

Critique de l'approche

[modifier | modifier le code]

L'impact que l'on a supposé purement élastique sur une surface définit celle-ci comme un plan de symétrie pour le milieu, ce qui permet de ne pas modifier celui-ci. Ce n'est pas le cas des surfaces réelles pour lesquelles la distribution des vitesses du milieu n'est plus maxwellienne sur une distance de quelques libres parcours moyens l, région que l'on appelle couche de Knudsen. L'expression ci-dessus de la pression doit être prise comme une simple définition de la pression thermodynamique pour le milieu situé « loin » de la paroi, c'est-à-dire à une distance . Le calcul de l'effort pariétal passe par la connaissance de la contrainte du tenseur des contraintes dans la couche de Knudsen. On montre[8] que la dérivée de cette quantité varie en . Pour un milieu suffisamment dense, cette variation est très faible et on pourra donc calculer l'effort sur la paroi à partir de la pression dans le milieu non perturbé. Cette évaluation constitue donc une approximation physique.

Pression et énergie cinétique

[modifier | modifier le code]

Si une molécule de masse m se déplace à une vitesse v, son énergie cinétique vaut et l'énergie cinétique totale des molécules du gaz vaut, par définition de la température absolue :

Où kB est la constante de Boltzmann, N le nombre de particules et T la température (en kelvins).

Le lien de cette quantité avec la température thermodynamique se fait par l'intermédiaire de l'entropie[9].

Gaz parfait monoatomique

[modifier | modifier le code]

Dans le cas d'un gaz parfait monoatomique, on suppose que la totalité de l'énergie est sous forme d'énergie cinétique des molécules (énergie thermique), donc l'énergie interne U du système vaut :

On a donc

Gaz parfait de Laplace

[modifier | modifier le code]

Dans le cas plus général du gaz parfait de Laplace, on suppose que les molécules ont une énergie interne de rotation ou d'oscillation, proportionnelle à . Le nombre de degrés de liberté passe de 3 à et dans l'hypothèse d'équipartition, on a , et donc

En modifiant adiabatiquement le volume du gaz, on fournit un travail égal à la variation d'énergie interne . Donc on a ou . Traditionnellement, pour retrouver la loi de Laplace du gaz parfait en régime adiabatique , on introduit

Pour le gaz parfait de Laplace, on a donc

  • Pour un gaz réel monoatomique, ou même l'hydrogène à très basse température et
  • Pour un gaz réel diatomique à température intermédiaire (azote, hydrogène, oxygène autour de 300 K), on a deux degrés de rotation possible et
  • Pour un gaz réel diatomique à très haute température, l'oscillation longitudinale devient possible, et tend vers 7 et tend vers

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. (en) Samuel Glasstone, Textbook of Physical Chemistry, 2e édition, p. 248.
  2. Dans le cas présent, une vitesse de grandeur et de direction définie.
  3. C’est-à-dire avec la même vitesse numérique.
  4. C’est-à-dire, ici, un trièdre rectangle.
  5. La vitesse isotrope prend la même valeur dans toutes les directions et toutes les directions sont également probables.
  6. Une vitesse dans une direction et la même dans la direction opposée ont le même carré.
  7. À l'arrivée, elle a une quantité de mouvement de mv1 ; au retour sa quantité de mouvement est -mv1. Les composantes tangentes à la paroi sont supposées ne pas varier. La différence est donc 2mv1.
  8. (en) Mikhail Kogan, Rarefied Gas Dynamics, Springer, (ISBN 978-1-4899-6189-1).
  9. (en) Lev Landau et Evgueni Lifchits, Statistical Physics, Pergamon Press, (lire en ligne).

Sur les autres projets Wikimedia :

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • Ludwig Boltzmann (trad. A. Gallotti, préf. M. Brillouin), Leçons sur la théorie de gaz, Sceaux, J. Gabay, coll. « Grands classiques Gauthier-Villars », (1re éd. 1902) (ISBN 978-2-87647-004-0)
  • (en) Carlo Cercignani, Ludwig Boltzmann : the man who trusted atoms, Oxford New York, Oxford University Press, , 329 p. (ISBN 978-0-19-850154-1 et 978-0-198-57064-6, OCLC 38910156, lire en ligne)
    Biographie scientifique du grand professeur Boltzmann, qui a porté la théorie cinétique des gaz à son acmée. Par un professeur de Physique Mathématique de l'Université de Milan (Italie), spécialiste de l'équation de Boltzmann. Niveau plutôt second cycle universitaire
  • Yves Rocard, L'Hydrodynamique et la théorie cinétique des gaz (thèse), Masson et Cie, , 128 p. [(fr) lire en ligne]

Lien externe

[modifier | modifier le code]