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L’intelligence artificielle va-t-elle mettre nos enfants en danger ?

Par Jean-François Gazaille
Dragana Gordic/Shutterstock.com

L’intelligence artificielle générative se nourrit de tout ce qu’elle trouve sur la Toile, y compris les voix et les visages de nos proches qu’elle peut transformer à sa guise. Quelles mesures pouvez-vous prendre pour préserver vos enfants de son appétit ?

Tout le monde le fait et depuis longtemps déjà. Même les plus réfractaires finissent tôt ou tard par consentir à ce que soit publiée sur Facebook, Instagram ou toute autre plateforme la binette du petit dernier ou de la plus grande, photographiée par un proche ou par le moniteur d’un camp de jour.

Or, si, pour vous, il n’y a là que d’agréables souvenirs, d’autres y voient une mine de données à exploiter.

On est, en effet, loin de l’époque où les menaces en ligne se résumaient surtout à la dissémination de virus informatiques ! Avec l’essor récent de l’intelligence artificielle générative (IA), le détournement d’informations numériques vient d’élargir grandement les risques de toutes sortes.

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Les dangers de l’hypertrucage

Les cyberpirates utilisent déjà l’IA pour décrypter les mots de passe et identifier plus facilement des cibles à attaquer. Mais c’est surtout l’hypertrucage (deepfake) qui retient maintenant l’attention. Le principe existe depuis longtemps, mais une pléthore d’outils de clonage de voix et de manipulation d’images sont désormais disponibles en ligne.

Le plagiat vocal est donc un jeu d’enfant, comme l’a démontré la diffusion, sur YouTube, d’un dialogue truqué entre le premier ministre canadien Justin Trudeau et l’animateur américain de balado Joe Rogan.

En juillet dernier, un faux segment de l’émission 24/60 circulant sur Facebook faisait entendre la voix contrefaite de l’animatrice Anne-Marie Dussault vantant une application de jeux de hasard.

Les images mettent nos enfants en danger

Là où cette révolution sombre carrément dans l’horreur, c’est que certaines plateformes permettent, à partir d’une simple commande vocale ou textuelle, de générer toutes sortes de contenus, dont de la pédopornographie, en repiquant des images sur les réseaux sociaux.

Et pas besoin de scruter par-delà les frontières pour prendre la mesure du phénomène. Condamné en avril dernier à huit ans de prison après avoir plaidé coupable de possession, production et distribution de pornographie juvénile, Steven Larouche, un Sherbrookois de 61 ans, a reconnu avoir créé plus de 86 000 images à partir d’authentiques photos d’enfants.

Le surpartage d’images

Des images à la disposition des criminels de toutes sortes, il n’en manque pas.

Près de la moitié (44 %) des parents québécois estiment assez ou très probable le risque que leur enfant âgé entre 6 et 17 ans soit victime d’intimidation sur Internet. Pourtant, les adultes peinent à réfréner leur besoin de mettre en ligne les faits et gestes de leurs rejetons, selon une enquête du Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations (CEFRIO), publiée en février 2020.

Le réflexe du surpartage parental (sharenting) fait en sorte que 84 % des jeunes affichent une empreinte numérique avant l’âge de 2 ans, et 37 % avant même leur naissance!

Les jeunes Québécois âgés de 6 à 17 ans disséminent eux-mêmes leurs traces numériques : 39 % disposent déjà de leur propre page de profil sur un réseau social, sans toujours avoir l’âge requis.

La situation est comparable à l’étranger. Déjà en 2018, un rapport du Commissaire à l’enfance pour l’Angleterre indiquait que les parents affichaient en ligne près de 1 300 photos de chacun de leurs enfants avant ses 13 ans. L’organisme rapportait aussi qu’entre 11 et 16 ans, chaque jeune Anglais publiait de son côté une moyenne de 26 photos ou commentaires chaque jour sur les réseaux sociaux. La tendance, on le voit, est bien ancrée.

Technoférence : l’interférence techno dans la vie courante

« Les débats sur l’impact social du numérique ciblent souvent les enfants, mais on se concentre rarement sur le comportement des parents », remarque Marie-Pier Jolicœur, doctorante en droit à l’Université Laval.

Récemment, le géant allemand Deutsche Telekom a mis en ligne une publicité choc mettant en scène des parents qui, au cinéma, voient sur grand écran leur fille, vieillie de quelques années par l’intelligence artificielle. Elle les implore de « protéger sa vie privée virtuelle »... Un message glaçant, mais on ne peut plus clair.

Au Canada, il y a peu d’études sur le sujet et pas de jurisprudence en la matière. « Tous ces outils numériques ont débarqué dans nos foyers au tournant des années 2010, on n’a pas encore beaucoup de recul », dit la doctorante spécialisée en droit des enfants et en environnement numérique.

Une chose est sûre, selon elle, la généralisation de l’usage du téléphone intelligent et des réseaux sociaux affecte déjà concrètement les interactions en famille. « On parle de plus en plus de technoférence, souligne Marie-Pier Jolicœur, c’est-à-dire le fait qu’un outil numérique crée une interférence entre parents et enfants. Par exemple, quand, lors d’un pique-nique en famille, une mère interrompt l’activité pour prendre une photo et ensuite en faire une publication léchée sur Instagram. »

Difficile d’exiger d’un enfant qu’il lâche son portable pendant le repas ou qu’il s’autocensure sur les réseaux… si les parents n’en font pas autant.

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Limiter la diffusion des contenus

Pourtant, il faudra bien s’y mettre, si on veut limiter le risque de voir la voix ou l’image de nos proches détournées pour des usages douteux à cause de ces nouveaux outils d’intelligence artificielle.

Et la première étape, pour y arriver, est de resserrer les paramètres de confidentialité de vos réseaux sociaux de prédilection.

Si vous décidez, malgré tout, de publier des images de votre enfant, assurez-vous qu’elles sont destinées à un public restreint (en mode privé, accès à des personnes ciblées, etc.) et qu’elles ne le montrent pas dans une situation embarrassante (colère, maladresse, nudité, etc.).

Rappelez-vous qu’une fois des images ou des informations publiées, elles échappent à votre contrôle, et ce, même après avoir été supprimées : n’importe qui peut avoir téléchargé une image ou en avoir fait une saisie d’écran, et l’avoir repartagée à votre insu.

Ne taisez pas seulement le nom et le prénom de l’enfant : l’identité ne se résume pas à ça ! Évitez de diffuser à tout venant sa date de naissance, son adresse, ses préférences, son état de santé, le nom de ses proches, etc.

Par ailleurs, n’hésitez pas à exiger de vos proches et amis qu’ils s’abstiennent eux aussi de diffuser sans votre consentement des images d’un enfant ou des informations précises à son sujet.

Dans tous les cas, demandez-vous si la mise en ligne d’une photo ou d’une vidéo de votre enfant ne porte pas atteinte à sa vie privée, ou si cela ne risque pas de le faire à plus long terme. Par exemple, cela pourrait-il lui valoir à l’âge adulte de se voir refuser une police d’assurance vie ou un emploi ? Ou encore, un fraudeur pourrait-il se saisir des informations pour obtenir un prêt bancaire en usurpant son identité ? Évidemment, il serait sage que votre enfant suive lui aussi les conseils de prudence.

Votre image vous appartient

« Personne ne peut utiliser une photo de vous à moins que vous ne lui permettiez de le faire, rappelle le site d’Éducaloi. C’est votre droit à l’image et c’est à vous de décider l’utilisation qui peut être faite de cette image. Vous pouvez donc vous opposer à sa reproduction ou à sa diffusion. »

Si, par malheur, des images ont déjà quitté le cercle restreint des proches ou que des images trafiquées circulent, sachez qu’il existe des sites qui accompagnent des parents ou des jeunes pour tenter de faire retirer ces images des réseaux. Le site canadien AidezMoiSVP. Ca, par exemple, recense les manières de signaler les contenus douteux sur de nombreuses plateformes (Facebook, TikTok, Instagram, Snapchat, YouTube, etc.). D’autres comme ParentsCyberAvertis.ca, Éducaloi ou Option Consommateurs.

Sur leurs sites, Facebook, Instagram, TikTok ou YouTube proposent tous des pages explicatives pour restreindre les paramètres de confidentialité de vos publications.

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