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Uber adore vos ados, mais surtout leurs données

Par Jean-François Gazaille
nrqemi/Shutterstock.com

Avec son service de transport sur mesure pour les adolescents, Uber fait d’une pierre trois coups : elle simplifie votre vie de parent débordé, elle étend son marché… et elle gonfle sa réserve de données personnelles.

À la mi-mai, le géant américain du covoiturage a annoncé l’ajout de la fonctionnalité Uber Teens à son appli mobile, laquelle permet aux jeunes de 13 à 17 ans de se créer un compte passager arrimé au profil familial et de commander des courses « en toute sécurité ».

Le déploiement d’Uber Teens est pour l’instant réservé à l’Amérique du Nord. Chez nous, le service est déjà présent dans les régions de Montréal, de Québec, de Trois-Rivières, de Gatineau, de Sherbrooke, de Saguenay et des Laurentides. Il est également offert dans les principales villes de l’ouest du Canada et dans une douzaine de villes américaines.

Avant l’entrée en vigueur de cette nouvelle fonctionnalité, la politique officielle d’Uber interdisait à toute personne mineure de détenir son propre compte Uber et d’utiliser ses services sans être accompagnée d’un adulte.

Une bonne solution de rechange

Trajectoire Québec accueille favorablement ce qu’elle décrit comme un mode de transport « complémentaire », idéal pour les jeunes qui ont, par exemple, une activité sportive après l’école ou une sortie en soirée le weekend.

« C’est un service bienvenu en dehors des heures classiques, dit la directrice générale Sarah V. Doyon. Mais ça ne doit pas remplacer le transport collectif offert le jour dans les villes bien desservies. »

L’élargissement de l’offre d’Uber ne risque-t-il pas d’accroître la congestion routière, comme semblent le démontrer quelques études ? « Je ne suis pas certaine que ça va changer la donne, précise Sarah V. Doyon. Ça me paraît très ‟ niché ” comme service. »

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Profil familial et suivi parental

Pour se prévaloir d’Uber Teens, votre ado doit d’abord vous demander d’ajouter son nom au profil familial auquel est associé votre carte de crédit ou votre compte PayPal.

Une fois son compte activé, il peut commander ses courses à sa guise. Lorsqu’une commande est validée, les parents reçoivent immédiatement une notification sur leur cellulaire. Avant de monter à bord du véhicule, votre ado doit fournir au chauffeur un code unique confirmant la course.

La destination finale est verrouillée et ne peut être modifiée que par le jeune client. Vous pourrez communiquer en tout temps avec votre enfant et le chauffeur par l’entremise de l’application, qui doit également faire un enregistrement audio de la course.

Uber s’engage à ce que votre ado soit toujours servi par « des chauffeurs très bien évalués et expérimentés ».

Évidemment, « chaque course permet à Uber de récolter quantité de données sur l’utilisateur (votre enfant) et sur le payeur (vous) », rappelle Alexandre Plourde, avocat et analyste chez Option consommateurs.

« Âge, habitudes de déplacement, communications interpersonnelles, montants déboursés : on aimerait bien savoir comment Uber utilise ces renseignements, insiste Me Plourde. Dans certains cas, la voiture du chauffeur est même munie d’une caméra. »

S’il est justifié de recueillir des données auprès des jeunes consommateurs à des fins de sécurité, « ce ne l’est peut-être pas à des fins commerciales », ajoute l’avocat.

En ciblant les jeunes de 13 à 17 ans, Uber s’assure de colliger un maximum de renseignements en prévision du moment où, devenus adultes, les clients seront libres d’utiliser tous les services de la multinationale américaine comme bon leur semble. « Pour Uber, c’est une belle occasion de se constituer une nouvelle clientèle », dit l’avocat.

Les conditions d’utilisation d’Uber Teens (en anglais seulement) statuent que « vous avez obtenu le consentement de votre adolescent pour partager ses données personnelles avec Uber, le cas échéant ». Elles présument aussi que « vous consentez à ce qu’Uber communique directement avec votre adolescent ».

Lors des consultations sur le projet de loi 64 visant à encadrer l’utilisation des renseignements personnels, Option consommateurs avait exigé une meilleure protection pour les jeunes.

Dans le mémoire qu’il avait déposé en septembre 2020, l’organisme suggérait l’ajout d’un amendement interdisant « l’utilisation à des fins commerciales des renseignements personnels des enfants ». Le gouvernement avait rejeté la proposition.

« La nouvelle fonctionnalité d’Uber illustre bien la gravité de l’enjeu », croit M. Plourde.

D’ailleurs, le mémoire d’Option consommateurs prédisait clairement que, faute de prévenir le problème rapidement, il surgirait tôt ou tard. « Manifestement, en l’absence de telles balises, le projet de loi 64 reste une œuvre inachevée, et l’évolution technologique forcera assurément une réflexion plus profonde sur l’encadrement législatif de telles pratiques commerciales. »

Il nous a été impossible de communiquer avec un porte-parole d’Uber.

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