"Si tu es ma maîtresse, toi et tes enfants n’auront plus de soucis d’argent…" la personnalité "multiple" de l’ex-cadre du RN 12, Bruno Leleu

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  • Bruno Leleu lors de son arrivée au tribunal de Rodez, hier.
    Bruno Leleu lors de son arrivée au tribunal de Rodez, hier. Mathieu Roualdès
Publié le , mis à jour
Mathieu Roualdès

l'essentiel Le Decazevillois, conseiller régional, était jugé hier pour harcèlement sexuel et moral.

On connaissait Bruno Leleu comme figure du Rassemblement national, à Decazeville et plus généralement dans le département. Durant plus de dix ans, il a présidé le parti localement. Il a, également, soutenu le développement du parti d’extrême droite dans le Lot, devenant directeur de compagne de la candidate Armelle Le Gloanec lors des élections législatives de 2022. Dans nos colonnes, il se félicitait régulièrement, dans sa gouaille si particulière d’un enfant de Tourcoing, d’avoir fait grimper son score sur un territoire qui, jadis, ne portait guère attention à l’extrême droite… Depuis 2016, il siégeait aussi au conseil régional au sein du groupe RN. Jusqu’aux accusations révélées en novembre 2023 de harcèlement moral et sexuel sur l’une de ses anciennes salariées, au sein de son entreprise Iso d’Oc, basée à Decazeville et liquidée cet été.

Hier, celui qui dit désormais avoir « tout perdu de sa place publique à cause du tribunal médiatique », avait rendez-vous avec les magistrats ruthénois. Après plusieurs renvois et sorties dans la presse où il a clamé son innocence, ses explications étaient particulièrement attendues. Tout comme le délibéré et une potentielle peine pouvant l’écarter définitivement du paysage politique… Mais la décision n’a pas été rendue, les juges aveyronnais la renvoyant au 16 octobre.

« En as-tu autant envie que moi ? »

En attendant, le tribunal s’est penché durant plusieurs heures sur la personnalité « multiple » de l’homme politique, comme décrite par la procureure du jour, Esther Paillette. Elle a requis huit mois de prison avec sursis à l’encontre du prévenu et une obligation de soins durant deux ans. Lors de ses réquisitions, elle a notamment repris les nombreux SMS envoyés par le patron à son ancienne commerciale, une mère de trois enfants. Elle s’était engagée chez Iso d’Oc durant la période Covid, en 2020, après un divorce dans le Sud de la France. Le début d’une nouvelle vie au sein d’une entreprise alors florissante avec la fameuse isolation à 1 €. Très rapidement et dès sa période d’essai, la salariée reçoit plusieurs textos de son patron. La présidente Blandine Arrial en a fait la lecture. Extraits : « En as-tu envie autant que moi ? Moi tu sais, c’est depuis le début ! », « Qu’est-ce qui nous empêche de se lâcher », « Si tu es ma maîtresse, toi et tes enfants n’auront plus de soucis d’argent », « t’es mal baisée, je peux m’occuper de toi », « un coup de langue gourmande sur un petit bouton de rose »…

Les avances s’accumulent et la jeune femme, née en 1987, refuse de poursuivre l’aventure au sein de l’entreprise. Elle s’en va mais reviendra plusieurs mois après, pour un CDI cette fois. « J’avais besoin de ce boulot et j’avais mis des conditions, je lui avais bien dit qu’il était marié et que je ne voulais pas », a-t-elle témoigné devant les juges. En 2022, elle dépose plainte, huit mois après son départ, cette fois définitif, de l’entreprise. « J’ai hésité car c’était un homme politique fort. Il disait qu’il avait le temps et l’argent, que ce serait classé », raconte-t-elle, faisant référence à une précédente plainte visant Bruno Leleu, en 2018, pour agression sexuelle. Celle-ci avait été classée.

Devant les enquêteurs, la mère de famille décriera aussi une scène durant laquelle l’homme politique s’est mis à nu et a frotté son sexe contre sa jambe dans un bar… Elle évoquera aussi un harcèlement moral, des propos rabaissant, des ordres « d’aller chercher de la cocaïne à Toulouse » durant ses heures de travail, des passages devant son domicile. Plusieurs de ses anciens collègues décrieront aussi la façon peu délicate avec laquelle Bruno Leleu l’évoquait devant eux. Ils décrivent « un personnage vulgaire, salace », un homme qui a « un problème avec la gent féminine et ne parle que de sexe », une sorte de « Dieu tout-puissant, se permettant tout car il est politique »…

«Bientôt, on va m’accuser de manger des enfants ! »

« Je réfute tout », s’est défendu Bruno Leleu à la barre. Sur les SMS, il indique que s’ils ont bien été envoyés de son téléphone portable, celui-ci « était à la disposition de plusieurs personnes ». Jusqu’à sous-entendre qu’il n’en ait pas à l’origine ? « Je n’ai pas souvenir d’avoir envoyé cela et le problème avec l’iPhone, c’est qu’on peut s’en servir et effacer ensuite les messages… »

Sur les témoignages, ils « sont bidons et proviennent tous de la troupe de Madame », assure encore l’ex-cadre du RN. Mains dans les poches, il déclenchera même la colère de la présidente le réprimandant pour son « arrogance », lorsqu’il la coupe et lance : « Bientôt, on va m’accuser de manger des enfants ! »

Son conseil, Me Cécilia Fraudet, s’est, elle, interrogée sur le fait que la plaignante « était revenue au sein de l’entreprise après sa période d’essai alors qu’elle disait être harcelée ». « Peut-on condamner quelqu’un sur la base de témoignages à son encontre où l’on décrit sa personnalité ? », a-t-elle encore plaidé, avant de demander la relaxe pour son client. En face, Me Sébastien Leblond a demandé une réparation du préjudice à hauteur de 15 000 € pour sa cliente. Décision le 16 octobre.

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