Le Stade Toulousain rit jaune
Non, Jean-Baptiste Elissalde, bien qu'encore en cannes et soucieux de sa ligne, ne s'est pas imposé une séance de fractionnés en plein match. S'il a monté et descendu constamment les marches de la vieille tribune de presse de Colombes, avec le visage et la voix déformés par la colère, c'est juste pour évacuer sa frustration. L'ancien demi de mêlée a très peu goûté l'arbitrage de Cyril Lafon. Difficile de lui donner complètement tort sur les faits. Pas de vidéo sur le carton jaune sévère de Maestri qui plombe les Toulousains au cœur du second acte (voir ci-contre), toujours pas de vidéo sur le tampon pris par Fickou juste avant l'essai de Bonneval (l'un n'empêche jamais l'autre sur la scène européenne), deux faits de jeu majeurs.
Match en bois ? Surtout pas
S'abriter derrière les coups de sifflet pour expliquer ce revers serait toutefois un peu excessif. Ce n'est pas M. Lafon qui a perdu les six ballons en touche et ce n'est pas lui, non plus, qui est monté au contre alors qu'il manquait un joueur dans l'alignement toulousain sur le lancement qui a amené l'essai du break de Masoe. Le même pêché avait accouché de la même sanction, ici même, l'an dernier ! Sur la première période, on pourrait aussi évoquer la possession stérile, les ballons tombés, beaucoup de passes après contact n'étant jamais arrivées à destination, et les difficultés dans le combat au sol. Il y aurait enfin de quoi pester sur cette munition échappée par Tekori, à quelques mètres de sa ligne et secondes du repos, qui a permis à Chavancy d'aller à dame et au Racing de virer avec un avantage flatteur (13-3) alors qu'il avait le vent de face pendant 40 minutes.
94 essais pour Clerc
Match en bois des protégés d'Ugo Mola ? Surtout pas, même s'ils ont effectué leur premier voyage à vide de la saison en championnat devant un Racing qui a bien tenu le ballon, maîtrisé les airs (100 % sur ses lancers), affiché un réalisme glacial et poursuivi son sans-faute à domicile (5 victoires) avec un Machenaud tranchant et précis (5/6 au pied). Malgré la perte prématurée de Médard (adducteurs), le Stade a beaucoup produit et pris le dessus en mêlée après le coaching de la première ligne. D'où le sentiment d'inachevé de Vincent Clerc, qui a rebondi sur quatre locaux (Imhoff, Machenaud, Tameifuna et Van der Merwe) pour planter le 94e essai de sa carrière en championnat : «Le Racing fait une passe pour marquer trois essais. Nous, on a montré beaucoup de choses intéressantes. On a manqué de précision. Mais on n'est pas du tout payés de nos efforts.» Avis partagé par Yoan Maestri : «On a été enthousiastes, joueurs, mais impatients et approximatifs. Au-delà de la discipline, on a manqué de rigueur au sens large. Mais ça n'avait rien à voir avec notre sortie aux Saracens. Cette fois, on y était.» Sur le podium, les Toulousains y sont toujours. Mais le Racing leur est passé devant.
Racing 28 Stade Toulousain 13
MT : 13-3 ; 11 689 spectateurs ; arbitre : M. Lafon (Lyonnais)
Vainqueurs : 3E Chavancy (40), Szarzewski (60), Masoe (70) ; 3P (22, 29, 75), 2T (40, 75) Machenaud
Vaincus : 2E Clerc (54), Bonneval (62) ; 1P Flood (24)
Evolution du score : 3-0, 3-3, 6-3, 13-3/13-8, 18-8, 18-13, 25-13, 28-13
Racing 92 : Goosen (Dulin, 76) ; Rokocoko, Chavancy, Dumoulin (Laulala, 63), Imhoff (o) Tales (Goosen, 76), (m) Machenaud (Phillips, 76) ; Nyanga, Masoe (Claassen, 76), Lauret ; Fr. Van der Merwe (Carizza, 61), Charteris ; Tameifuna (Gomes Sa, 55), Szarzewski (cap., Chat, 61), Ben Arous (Brugnaut, 55)
Stade Toulousain : Médard (McAlister, 10 puis A. Bonneval, 60) ; Clerc, Fickou, David (McAlister, 60), Matanavou (o) Flood, (m) Doussain (S. Bezy, 51) ; Gray, Picamoles, Camara (Lamboley, 74) ; Tekori (Maka, 60), Maestri (cap.) ; Tialata (Johnston, 47), Flynn (Marchand, 47), Steenkamp (Baille, 47)-Rempl. tempo. : Flynn par Marchand (18-26), Doussain par Bezy (32-38)
Exclu. tempo. : Maestri (59, plaquage haut)
La note du match : 13/20 - Les hommes du match : Yannick Nyanga (Racing 92) et Vincent Clerc (Toulouse)
Un carton et des ballons portés qui coûtent cher
D'un regard désabusé, Iosefa Tekori, encore solidement arrimé aux jambes de Joe Rokocoko, interroge Yoan Maestri, son acolyte de la deuxième ligne, sur le bien-fondé de son intervention sur l'ailier néo-zélandais (59). Venu lui prêter renfort, l'international français, à qui le staff avait confié le brassard de capitaine pour la deuxième fois consécutive en l'absence de Thierry Dusautoir, Patricio Albacete et Florian Fritz, s'est laissé emporter par sa générosité habituelle au combat.
Décision hâtive et manque de cohérence
Une envie assurément décuplée par des nouveaux galons pris très au sérieux, apportant un côté formel à un statut de cadre et de leader de jeu avéré depuis bien longtemps. Seulement, l'avancée du chronomètre aidant, l'intervention sur le Racingman a manqué de justesse, un peu haute, toutefois plus maladroite que méchante, avec un bras replié aussi vite qu'il avait été tendu. Mais le mal était fait. Cyril Lafon, qui avait laissé l'action se poursuivre jusqu'à un en-avant volontaire de Timoci Matanavou une vingtaine de mètres plus loin, s'est empressé d'envoyer «Mama» dix minutes sur le banc, sans même faire appel à la vidéo. Peut-être a-t-il considéré qu'il fallait monter dans l'échelle des sanctions après avoir «gracié» Alexandre Dumoulin (25) et Vincent Clerc (28), punis d'une simple pénalité pour des gestes similaires. Mais à ce compte-là, il fallait aussi sanctionner dans la foulée Casey Laulala et/ou Yohan Goosen, pas vraiment dans la règle pour stopper Gaël Fickou (63) et Arthur Bonneval (64)…
Il y a un mois, à Montpellier…
Toujours est-il que ce mauvais réflexe, assorti d'un carton jaune hâtif sinon sévère, a coûté très cher aux Toulousains qui ont payé un lourd tribut aux dix minutes d'absence de Maestri. Elles ont en effet mis en exergue un des secteurs sur lequel les «rouge et noir» sont en difficulté depuis le démarrage de la saison : les pénaltouches. Confortés par une sécurité aérienne infaillible jusqu'alors (5/5), les Franciliens ont décidé de mettre à profit à deux reprises leur supériorité numérique plutôt que de tenter des pénalités. Une option payante, c'est le moins que l'on puisse dire. Dans le coup à ce moment-là (8-13), le Stade Toulousain a encaissé deux essais (12 points) sur des ballons portés parfaitement conduits (Szarzewski, 60 ; Masoe, 69). Comme à Montpellier il y a un mois, où ils avaient compensé en faisant feu de tout bois (33-25). Sauf qu'hier, les Franciliens avaient d'autres atouts défensifs à proposer…
Ils ont dit
Laurent Labit (entraîneur des arrières du Racing 92) : «Avec cette fin de semaine particulière où tous les sujets de conversation tournaient autour de l'arrivée de Dan Carter, on se demandait si le groupe, excité, allait être perturbé ou au contraire dynamisé. Voilà pourquoi cette victoire est très satisfaisante face à un adversaire direct pour la qualification. Quatre points à zéro, c'est bon pour nous. La défense a été un secteur fort, comme d'habitude chez nous... à part à Castres (8-34 il y a trois semaines). Les deux essais marqués sur ballons portés ? Il faut aussi s'adapter aux conditions et à ce rugby d'hiver dans lequel on entre.»
Rémi Tales (ouvreur du Racing 92) : «On a proposéune bonne défense; on s'est montrés solides et marqué quasiment à chaque occasion.»
Yoan Maestri (capitaine de Toulouse) : «Vu notre entame et notre première période, on espérait beaucoup mieux. Malheureusement mon carton jaune pèse lourd. On a manqué de discipline et moi le premier : si on reste à quinze contre quinze, peut-être qu'on a l'opportunité de leur faire mal. Sur l'action, je n'ai pas l'impression de le prendre haut. Mais on est deux à le plaquer, et Joe Tekori qui le prend derrière ‘' l'abaisse ‘'. L'arbitre a pris sa décision donc c'est qu'il devait y avoir faute. Mais sur le moment je trouve ça sévère, et je lui demande de revoir l'action vidéo. Ce n'est pas dans ma nature de polémiquer, mais ensuite il y a Gaël Fickou qui est pris haut puis Arthur Bonneval est ‘' décapité ‘' en marquant son essai. On le sait, à l'extérieur c'est compliqué.»
Gaël Fickou ( Toulouse) : «On a été bons défensivement... à part sur les deux ballons portés où on prend des essais, alors qu'on est à quatorze. On a produit du jeu même si tout n'est pas parfait. On repart avec zéro point, il y a de la frustration, mais aussi des certitudes. Des faits de jeu n'ont pas tourné en notre faveur. Cette défaite va nous apprendre beaucoup de choses.»
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