LES PLUS LUS
Publicité
Politique

Vers la fin de la «gauche d’État» ? Les fonctionnaires votent de plus en plus à droite

Les fonctionnaires ont longtemps été un bastion de la gauche, mais les élections de 2024 révèlent un basculement notable vers la droite, notamment en faveur du Rassemblement national, analyse Luc Rouban dans une étude sur le vote des fonctionnaires.

Alix Avril
Au premier tour des législatives de 2024, 31 % des fonctionnaires d’État ont voté pour l’ensemble des droites radicales.
Au premier tour des législatives de 2024, 31 % des fonctionnaires d’État ont voté pour l’ensemble des droites radicales. © SIPA

Les fonctionnaires votent-ils toujours à gauche ? Luc Rouban, politologue et directeur de recherche au CNRS, observe un basculement progressif vers la droite, amorcé sous le quinquennat de François Hollande. Depuis, « le vote de gauche a progressivement décliné au profit du centre et des droites, notamment du Front national puis du Rassemblement national, dont l’influence n’a cessé de croître ». Une vaste enquête électorale menée en 2024 par le Cevipof, la Fondation Jean-Jaurès, l’Institut Montaigne, Le Monde et Ipsos, confirme cette tendance.

Publicité
La suite après cette publicité

Les chiffres sont éloquents. Au premier tour des législatives de 2024, 31 % des fonctionnaires d’État, 33 % des fonctionnaires territoriaux et 35 % des agents de la fonction publique hospitalière ont voté pour l’ensemble des droites radicales (soit le RN, LR allié au RN et Reconquête !). Le vote RN est particulièrement ancré chez les policiers (52 %). Fait nouveau en 2024 par rapport aux élections précédentes, ce vote a même progressé au sein des postes de « catégorie A, et dans l’ensemble des professions de l’enseignement et de la recherche ». Si au premier tour de la présidentielle de 2022, les agents de catégorie A avaient voté à 9 % pour Marine Le Pen, ils ont été 22 % à voter pour un candidat RN au premier tour des élections législatives.

Par ailleurs, Luc Rouban remarque à l’occasion des élections européennes un retour sur la scène de la gauche modérée, socialiste et écologiste, au détriment des gauches radicales (réunissant l’extrême-gauche, le PCF et LFI). Une dynamique qui se construit au détriment du vote macroniste qui s’est étiolé, perdant ses électeurs de gauche. Cette résurrection électorale s’arrête avec les élections législatives où la gauche, réunie à quelques exceptions près dans le Nouveau Front populaire (NFP), va obtenir au premier tour un score plus bas que celui obtenu un mois plus tôt dans le cadre des européennes. L’auteur émet l’hypothèse que « l’alignement des gauches sur le leadership de LFI au sein du NFP a pu rebuter un électorat social-démocrate préférant voter pour des candidats macronistes », pointant une « occasion ratée pour la gauche social-démocrate ».

La fin de la « gauche d'État » ?

Si le front républicain mis en place au second tour des élections législatives a bien fonctionné, « l’étude du second tour en termes de voix montre que le RN a néanmoins attiré à lui une part importante d’électeurs, y compris au sein des fonctions publiques, où son résultat électoral est historique : 36 % des suffrages exprimés dans la FPE, 39 % dans la FPT et 41 % dans la FPH. Cela place le vote RN dans les fonctions publiques au même niveau que chez les salariés du privé (42 %) ». L’évolution du vote des fonctionnaires, de plus en plus à droite et se distinguant de moins en moins de celui des salariés du secteur privé, marque selon le politologue la fin de la « gauche d’État ».


Luc Rouban, « Le vote des fonctionnaires aux élections de 2024 ou la fin de la gauche d’État », Note de recherche, Élections européennes et élections législatives 2024, vague 3 de l’enquête électorale, note 19, septembre 2024, 8 pages.

Contenus sponsorisés

Sur le même sujet
Publicité