Après le drame, l'émotion et la colère

Alors que le bilan s'alourdit de jour en jour, avec au moins 29 morts, la polémique enfle sur la dangerosité d'une usine trop proche du centre-ville de Toulouse. Hier, les causes exactes de l'explosion n'étaient toujours pas établies.

Après le drame, l'émotion et la colère

    AU MOINS vingt-neuf morts et 1 170 blessés, dont 30 dans un état très grave. Le bilan de l'explosion qui a ravagé Toulouse vendredi matin ne cesse de s'alourdir. Sur le site même du drame, les sauveteurs ont compté 22 morts et 7 dans les quartiers environnants dont un élève du lycée Gallieni. Parmi les 1 170 blessés pris en charge, 650 étaient encore hospitalisés hier soir. A Toulouse, les questions restent encore nombreuses, et la polémique grandit parmi la population en colère. L'origine de l'explosion toujours inconnue. Plus de 48 heures après le drame, personne ne pouvait hier encore trancher entre une cause accidentelle ou criminelle. Seul le lieu exact de l'explosion est désormais identifié, un silo au nord du complexe de l'usine AZF, un stock qui abritait 200 tonnes de vrac d'ammonitrate en granulés. Le nitrate d'ammonium est un engrais qui n'est pas en soi explosif, sauf s'il est soumis à des températures chaudes et il s'agira, entre autres, de déterminer comment la température du silo a pu éventuellement varier malgré les multiples alarmes prévues. Plusieurs enquêtes sont en cours. L'enquête judiciaire, ouverte par Michel Bréard, le procureur de la République de Toulouse est confiée au SRPJ. D'ores et déjà, les bandes vidéo de surveillance du site ont été saisies et deux experts ont été nommés. L'enquête administrative, lancée par le ministère de l'Environnement, semble privilégier l'existence dans le silo d'un stock de granules d'engrais aux propriétés anormalement explosives, comme nous l'a indiqué Yves Cochet le ministre de l'Environnement, une information cependant démentie par Total Fina-Elf qui a indiqué hier que les granulés stockés là n'étaient pas « plus ou moins explosifs que d'autres », précisant qu'il s'agissait « de granules que l'on ne peut en effet commercialiser car le calibre est trop petit ou trop gros, ces granulés servant alors de matière première dans des procédés de fabrication. »

    10 millions de francs d'aide d'urgence

    L'entreprise a elle-même créé sa propre cellule d'enquête dans laquelle elle a intégré un expert de la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE). Pour l'heure, chacun prend bien soin de ne pas inquiéter les populations. Ainsi, côté police, seul le SRPJ de Toulouse est officiellement saisi, le ministère de l'Intérieur démentant que des services antiterroristes puissent travailler actuellement sur cette explosion. Des milliers de sinistrés. En attendant d'en savoir plus sur les raisons qui les ont plongés dans le drame, les Toulousains ont vécu hier une seconde journée de cauchemar. Dans le hall du parc des Expositions de la ville, une chapelle ardente a été dressée pour permettre le recueillement à la mémoire des disparus. Le Premier ministre a débloqué 10 millions de francs d'aide d'urgence à la Haute-Garonne, tout comme le groupe Total Fina Elf pour aider les victimes. Des milliers de Toulousains ont eu leurs maisons dévastées ou, au mieux, des vitres brisées. Des centaines de logements sont sinistrés pour plusieurs semaines, voire plusieurs mois, les habitants ayant trouvé refuge pour la seconde nuit dans huit gymnases et la mairie continuant de faire appel à ceux qui auraient des logements vacants à prêter. Face aux nombre de blessés et d'habitants choqués ­ le souffle de l'explosion ayant traversé la ville entière ­, la Croix-Rouge a dû renforcer son dispositif de soutien psychologique pour soutenir les familles fragilisées et les proches des victimes. Plus de 120 équipiers restaient mobilisés hier. Pire, la population meurtrie a dû affronter aussi des scènes de pillage de magasins et de maisons, et plus de 700 policiers, gendarmes et soldats de l'armée de terre ont été déployés en renfort dans les quartiers de Toulouse afin de protéger les biens des sinistrés. Hier, les Toulousains ont pris la mesure des jours difficiles qui les attendent encore. Dix lycées publics toulousains seront fermés lundi, dont deux le resteront durablement.