Au gymnase Saint-Merri, un buffet géant servi aux mal-logés

Au gymnase Saint-Merri, un buffet géant servi aux mal-logés

    « Moi pour 2009, je voudrais une trottinette et un ordinateur etâ?¦ » La fillette réfléchit avant de tourner les talons. « Et puis c'est tout ! » Tournoyant autour de sa maman, Sénéké, 6 ans, énonce un autre désir : « Moi je voudrais qu'on ait une maison, avec de la lumière et une table décoréeâ?¦ » Sous les banderoles aux murs, l'horloge marque bientôt les douze coups de minuit. « Pour 2009 on veut du neuf. Logement pour tous », clame l'une des bannières. Au final du décompte, un cri retentit : « Olélé, olala ! Solidarité avec les mal-logés ! Boonnne aannnéé ! ». Durant des heures, la fête a battu son plein au gymnase Saint-Merri (Paris IV e ). Une trêve pour la centaine de familles sans logis qui a investi l'endroit à la mi-décembre avec le soutien de l'association Droit au logement (DAL). « Il fait chaud ici ! C'est presque un paradis », sourit une maman.

    « Un toit, c'est un droit !

    DJ Jugurtha est aux manettes musique. Au centre de la salle de sport, un buffet géant a été dressé sur un alignement de tables de ping-pong. Apéro de chips et de bonbons avant le menu réveillon : chorba et mets africains, arrosés de jus de fruits. Les enfants, parés de guirlandes, entament une partie de football. Les parents dégustent et discutent, entament quelques pas de danse, sourires aux lèvres. Un temps, la fête efface les soucis.

    Il y a là Bitou, 28 ans, quatre enfants, logée avec son mari, laveur de carreaux le jour, employé de restaurant la nuit, dans une chambre de 25 m 2 d'un hôtel parisien où elle cuisine « en bas du lit ». Il y a aussi Hanifa, 40 ans, avec sa fille Sophia, 6 ans, qui souffre d'un handicap mental. Baladée d'hôtel en hôtel, cette maman épuisée bataille depuis la naissance de l'enfant pour obtenir un logement. L'allocation qu'elle a enfin décrochée, en avril, couvre 400 des 1 400 â?¬ dus au taulier pour la chambre. « Souvent, l'électricité et l'eau chaude sont coupées. Je mets des cotons dans les oreilles de ma fille pour que les cafards n'y entrent pasâ?¦ Ce que je souhaite ? » Elle fond en larmes. « Un toit pour ma fille. Et puis rendre visite à ma mère, en Algérie. Cela fait si longtempsâ?¦ »

    En début de soirée, des visiteurs de renom ont fait leur apparition : le généticien Albert Jacquard, le porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), Alain Krivine, ainsi que des élus verts et communistes du Conseil de Paris. Et le comique Guy Bedos. « Oh, cela me fait vraiment plaisir ! » s'enthousiasme Aïcha en le saluant. « Je suis avec vous, même quand je ne suis pas là ! » assure-t-il en l'embrassant. Au micro, les voeux se succèdent. « Quelque 6 000 familles ont été déclarées prioritaires à Paris dans le cadre du droit au logement opposable : qu'attend le préfet pour les reloger ? » martèle le porte-parole du DAL Jean-Baptiste Eyraud.

    Une rose à la main, Niele, 51 ans, prend à son tour la parole. Malade du coeur, cette femme compte « huit ans d'hôtels dans le Val-de-Marne », où elle élève seule ses deux enfants. La dernière chambre mesure 9 m 2 . Son aîné, adolescent, « commence à souffrir de dépression ». Niele arbore un grand sourire pour clamer : « Notre souhait le plus ardent est que le président arrive à résoudre le problème des mal-logés.

    Nous, familles immigrées, en souffrons, mais ce problème touche aussi les Français. Que Dieu l'aide pour cela. Pour que plus personne ne meure de froid. Et pour l'avenir de nos enfants. » Un concert d'applaudissements clôt les discours. Le chant des slogans « Un toit, c'est un droit ! » s'apaise, cédant le pas à un ballet de joyeuses danses. Dès dimanche, la lutte reprend, avec une nouvelle marche sur Matignon.