Le camion de l'horreur

Le bilan s'est alourdi hier : soixante et onze corps ont été extraits du camion abandonné sur une route en Autriche, probablement des réfugiés syriens.

Le camion de l'horreur

    Une véritable hécatombe. Soixante et onze migrants ont péri â?? probablement d'asphyxie â?? dans un camion retrouvé jeudi matin sur la bande d'arrêt d'urgence d'une autoroute autrichienne. Il aura fallu toute la nuit pour que les autorités parviennent à ce macabre décompte, l'état de putréfaction des dépouilles enchevêtrées les unes aux autres ayant rendu le travail d'identification particulièrement difficile.

    Le bilan est d'autant plus terrible qu'on compte parmi les victimes 8 femmes mais aussi 4 enfants, 3 garçonnets de 8 ou 9 ans ainsi qu'une fillette âgée de 2 ans tout au plus... Tous s'entassaient dans ce véhicule frigorifique siglé d'une marque de volaille slovaque mais revendu en Hongrie début 2014, et dont on peine même à comprendre comment il a pu contenir autant de personnes.

    D'après les premiers éléments de l'enquête qui avance vite, le camion serait parti de Budapest (Hongrie) mercredi matin et aurait été abandonné par son chauffeur, peut-être à cause d'une panne, avant de rester vingt-quatre heures au soleil près de Parndorf, à moins de 40 km de Vienne.

    C'est un employé de la société d'autoroute, alerté par les fluides corporels et les odeurs pestilentielles qui s'échappaient de la porte arrière, qui a donné l'alerte jeudi. Des documents d'identité, retrouvés dans le poids lourd, laissent à penser que la plupart, sinon la totalité, de ces migrants étaient originaires de Syrie. Les enquêteurs estiment qu'ils étaient probablement morts avant même d'entrer en Autriche. Comble de l'horreur, selon un journaliste local, tout un côté du camion était enfoncé de l'intérieur, preuve que les migrants, pris au piège, se sont battus jusqu'à leur dernier souffle et que les conducteurs sont restés sourds à leurs appels... Quatre personnes ont été interpellées en Hongrie, dont le propriétaire du véhicule, ainsi que les deux chauffeurs. Trois sont bulgares et l'un afghan (porteur d'une carte d'identité hongroise). Tous feraient partie d'un réseau de trafic d'êtres humains établi entre la Bulgarie, porte d'entrée de l'Union européenne, et la Hongrie. Les migrants poursuivent généralement leur route vers l'Allemagne, la France ou la Suède, via l'Autriche.

    Une « route des Balkans » de plus en plus empruntée par les réfugiés qui « s'est ouverte en alternative au point de départ en Libye, devenue plus difficile d'accès et plus dangereuse à cause de la guerre civile. On peut aussi penser que les naufrages en mer Méditerranée ont poussé certains migrants à sécuriser leur route », analyse Olivier Clochard, président du réseau Migreurop, réseau associatif qui travaille sur les migrations en Europe, pour qui cette tragédie « fait tristement écho à la découverte d'un conteneur à Douvres en 2000. Cinquante-huit migrants chinois étaient à l'intérieur, dont la plupart avaient péri asphyxiés », se souvient-il. Des drames similaires, avec des dizaines de migrants retrouvés asphyxiés dans les cales de bateaux au large des côtes libyennes et italiennes se sont produits ces jours derniers, mais c'est la première fois qu'un tel scénario se joue en Europe de l'Est.

    Le renforcement des contrôles en Hongrie dans les trains ou dans les bus vers l'Autriche explique également, selon plusieurs observateurs, le recours à des passeurs, donc à des camions. Ces réseaux sont en pleine croissance : près de 800 passeurs ont été interpellés en Hongrie depuis le début de l'année, contre 600 en 2014.

    Alors que les autopsies des malheureux de Parndorf se poursuivent, les autorités ont décidé d'apposer sur un château de la région une plaque en leur mémoire.