Un refuge contre la solitude

Un refuge contre la solitude

    Au milieu des magasins du géant du commerce, des solitaires errent du matin au soir. « Des gens passent leur journée ici, constate cet agent d'accueil, employé depuis sept ans au centre. Ils vont et ils viennent. Toujours les mêmes. » Certains ont leurs habitudes. Désoeuvrées, Caroline et Elodie, 19 ans, papotent assises sur un banc. A quelques mètres de là, place de l'Agora, d'autres passants, assis sur les chaises des fast-foods, attendent. Parfois un rendez-vous, parfois simplement que le temps passe.
    « Le comportement a muté, constate ce responsable de restauration rapide. Avant les gens se posaient dans les bistrots. Mais les centres-villes disparaissent. Ils viennent là au centre commercial. Il n'y a rien pour s'asseoir. Alors ils s'installent à nos terrasses. On ne va pas les mettre dehors. Ce sont les mêmes qui consommeront un autre jour. »

    « Je n'ai pas d'autre endroit où aller »

    Au même moment, un Africain d'une quarantaine d'années se pose au restaurant KFC. Son quartier général. Il revient là, jour après jour. « Je n'ai pas d'autre endroit où aller », souffle-t-il. Le soir venu, le Malien retourne dans son foyer.
    En plein cœur du centre commercial, Danièle, 47 ans, traîne sa solitude, les épaules basses. Au chômage depuis des mois, sans mari, sans enfants, cette célibataire n'a pour seule compagnie que son chien. Alors, au moins une fois par semaine, elle quitte son appartement et marche plus de vingt minutes avant d'atteindre le centre commercial. « Il n'y a rien d'autre à faire », avoue la solitaire. Ecrasée par le souci, elle déambule.
    Le temps s'écoule. Son refuge contre la solitude lui sert aussi de lieu de rendez-vous. « Ma soeur doit me rejoindre pour une balade », précise-t-elle, en regardant sa montre. Une demi-heure passe. Danièle a changé de coin. Elle est toujours seule.
    Devant les caisses de l'hypermarché Carrefour, sacs de courses aux pieds, Désiré, 52 ans, attend. Il attend l'heure de son bus pour rentrer chez lui. Cet immigré, depuis cinq ans en France, vient au moins trois fois par semaine. Ce jour-là, il est venu acheter de l'eau minérale « à très bas prix ». Il reviendra le lendemain ou le surlendemain. « J'y vais deux fois par semaine pour pouvoir manger équilibré, avec des légumes », explique Désiré, avant de retourner à sa solitude.