Une folle nuit sur les Champs

Une folle nuit sur les Champs

    Une masse noire, uniforme, à perte de vue. Quelques flashs ou sirènes de police clignotent ici et là, comme des phares au milieu de la mer. Juchée sur les épaules de sa copine Caroline, Lætitia tente d'embrasser la foule du regard. « On ne voit rien. Mais c'est beau. » Malgré le froid polaire, ils étaient 550 000 hier soir à avoir choisi la plus belle avenue du monde et sans doute l'une des plus bruyantes aussi en cette soirée de réveillon pour fêter la Saint-Sylvestre. « C'est difficile d'évaluer le nombre de personnes, mais il y a autant de monde que l'année dernière, estime un policier. Cela dit, c'est plus calme. Pour l'instant. » A quelques minutes du compte à rebours de minuit, la passivité collective qui avait marqué la soirée vole en éclats. Bouteilles de champagne, embrassades appuyées, et fous rires résonnent de toute part.

    « On mourait d'envie d'être à Paris »

    Malgré le froid, la crise financière et autres contrariétés, il en aurait fallu beaucoup plus pour empêcher Maryse de quitter sa Manche natale et d'emmener ses deux filles ici pour le Nouvel An. « C'est mythique le Nouvel An sur les Champs, sourit-elle, les mains collées au fond de sa doudoune. Les illuminations, l'Arc de Triomphe, les gens qui font la fêteâ?¦ Et tant pis pour le froid. » Albane, 14 ans, fait un petit oui de la tête en direction de sa mère.

    La règle est de trouver un moyen pour se réchauffer. Technique privilégiée : stationner sous les parasols chauffants des rares restaurants qui n'ont pas baissé le rideau. Seule mélodie dissonante au milieu du brouhaha ambiant, les talkies-walkies de la police tournent à plein régime. Et viennent rappeler que le lieu est placé sous haute surveillance. « On ne s'attendait pas à voir autant de policiers, s'étonne Vanessa, 25 ans, venue de Limoges accompagnée de son petit ami. En fait, on trouve ça plutôt rassurant. » Karl, originaire de San Francisco, est plus réservé. « Tout à l'heure, j'ai vu des policiers en train de casser des bouteilles qu'ils avaient confisquées. J'ai trouvé que ça n'allait pas vraiment avec l'ambiance de fête. »

    Plus loin, un groupe de jeunes semble attendre quelque chose. « Nous, on est venus pour le feu d'artifice », explique Céline 22 ans, de Sucy-en-Brie (Val-de-Marne). Et quand on lui explique qu'il n'y en aura pasâ?¦ « Hein ? Il est sous la tour Eiffel alors ? » Non plus. « Ah bon ? Mais c'est quoi cette ville de radins ! » Alex et Dima, deux Russes débarqués en France pour les fêtes sont eux aussi déçus. « En fait, on pensait que les gens seraient plus chaleureux, déplore Alex, stationné avec son camarade à la sortie du métro Charles-de-Gaulle-Etoile.

    On va vers les gens pour discuter en anglais, mais ils n'ont pas l'air réceptifs. » Une barrière qui ne fait pas peur à Gunal et Zaour, originaires d'Azerbaïdjan. « On mourait d'envie d'être à Paris pour le Nouvel An, raconte Gunal, presque émue. Même si on a du mal à communiquer, l'esprit de fête est bien là. C'est ce qui compte, non ? »