Alexandra Lamy : « Les femmes aussi savent se battre »

LE PARISIEN WEEK-END. Conseillère politique sans foi ni loi dans le film de Mathieu Sapin, Alexandra Lamy nous confie avoir campé avec délectation une héroïne ambitieuse.

    Lèvres rouges, sourire carnassier, regard acéré, Alexandra Lamy est Agnès Karadzic, une conseillère en communication politique machiavélique, dans « Le Poulain », le premier long-métrage du dessinateur Mathieu Sapin. La comédienne de 46 ans crève l'écran en incarnant ce personnage de peste. Longtemps cantonnée à jouer les bonnes copines, elle se voit proposer des rôles plus étoffés depuis six ans.

    Mère courage atteinte d'un cancer dans Après moi le bonheur, de Nicolas Cuche, en 2016, avocate engagée contre la traite des femmes dans Par instinct, de Nathalie Marchak, en 2017, elle étoffe sa palette de jeu et compte parmi la poignée de comédiennes capable d'attirer des millions de spectateurs au cinéma.

    A la ville, Alexandra Lamy est en tout point conforme à son image de fille sympa. Simple, franche, sans chichis, elle nous livre sa vision de la politique et des femmes de pouvoir.

    Vous attendiez ce rôle de peste depuis longtemps ?

    ALEXANDRA LAMY. J'ai beaucoup joué les méchantes au théâtre, mais on m'a rarement proposé ce type de rôle au cinéma. Je rêvais de travailler le côté obscur, l'hypocrisie d'un personnage. J'avoue que quand Mathieu Sapin m'a transmis son scénario, je n'étais pas très emballée par le sujet, je pensais qu'un film sur la politique risquait d'être ennuyeux. A la lecture, j'ai changé d'avis. C'est passionnant. Le Poulain nous montre les coulisses du pouvoir, avec des personnages prêts à tout pour réussir. Un vrai théâtre.

    Cela ne risque-t-il pas de renvoyer une image négative de la politique ?

    Pas forcément. C'est un monde où il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus, il faut savoir jouer des coudes. A l'heure des réseaux sociaux, c'est encore plus violent. Une minute vous êtes porté aux nues, la suivante vous êtes ringard et puis tout à coup vous voilà de nouveau à la mode. Je pense que pour faire un métier si difficile, il faut être passionné. Mon personnage est cruel, c'est vrai, mais Agnès n'aurait pas pu arriver là sans un minimum de convictions. C'est aussi une femme qui doit se battre pour se faire une place dans un milieu d'hommes.

    Lors des avant-premières partout en France, les gens étaient perturbés. Ils se disaient : « Je me marre, mais ne suis-je pas en train de rire d'un truc qui est vrai ? Si c'est la vérité c'est horrible. » D'autres, au contraire, y puisaient une nouvelle envie de croire en la politique. Il faut arrêter d'être naïf, les gens savent qu'ils ne vivent pas chez les Bisounours. Ça ne veut pas dire que tous les politiques sont des salauds, qu'ils n'ont aucune éthique, mais ils ont appris qu'il ne suffit pas de dire « Hé les gars, j'ai une super idée » pour y arriver.

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    Vous intéressez-vous à la politique ?

    Oui, comme tout un chacun, mais pas plus. Je suis parfois déçue du décalage entre les promesses faites et les actes des responsables politiques. Mais je crois aux vertus de la démocratie. Pendant la campagne, beaucoup de journalistes me demandaient mon opinion. Devant mon refus de répondre, ils concluaient : « Ça ne vous intéresse pas. » C'est faux ! Mais, en tant qu'actrice , j'estime que je n'ai pas à donner d'avis politique. Ce n'est pas ma place. En revanche, je pense que c'est une chance de pouvoir voter, j'ai même tourné une vidéo pour inciter les gens à se rendre aux urnes. Je ne voudrais pas que notre pays bascule dans les extrêmes.

    Il y a un côté très théâtral, très romanesque parfois dans la politique...

    Pour préparer ce rôle, j'ai regardé beaucoup de documentaires et de débats montrant des femmes politiques, de Ségolène Royal à Marine Le Pen, en passant par Valérie Pécresse ou Christine Lagarde. J'ai pu mesurer à quel point tout était travaillé, réfléchi, théâtralisé. De la coupe de cheveux au choix des tenues, en passant par la silhouette, les lunettes... Comme un acteur, les politiques endossent un rôle. Pour incarner Agnès, j'ai pris une voix un peu plus grave, et accéléré mon débit afin de laisser très peu de blancs. C'est une femme qui en impose et qui ne laisse jamais ses interlocuteurs l'interrompre.

    Le milieu du cinéma est-il aussi macho que le monde politique ?

    C'est pareil. Il y a très peu de femmes dans les hautes sphères de la production ou de la distribution. Et si, à l'époque des Romy Schneider ou Simone Signoret, il y avait de très beaux rôles pour les femmes, c'est devenu une catastrophe dans les années 1980-1990. Elles n'étaient plus là que pour servir de faire-valoir au premier rôle masculin, ou restaient cantonnées aux comédies romantiques.

    Cette situation s'est-elle un peu débloquée ?

    Oui. D'abord, les réalisatrices sont devenues plus nombreuses. Et puis les hommes se sont mis à écrire pour les femmes. Le film de Mathieu Sapin est, à cet égard, très féminin. Il met en scène une présidente de la République et une ancienne ministre du Budget, deux postes qui, en France, sont quasi systématiquement occupés par des hommes. Mais il reste du pain sur la planche. J'ai un projet de série historique sur les camisards dont je souhaite être la réalisatrice. Je ne compte plus les producteurs qui m'ont dit : « Pour filmer les scènes de batailles, ce serait mieux que tu prennes un co-réalisateur. » Je leur ai répondu aussi sec : « Ah bon? Parce que moi je suis plus douée pour filmer les scènes de cuisine? » Les femmes savent aussi se battre. Je pense même qu'elles peuvent être beaucoup plus perverses et violentes que les hommes.

    Est-ce qu'il y a des femmes de pouvoir que vous admirez ?

    Je suis fan de la reine d'Angleterre. C'est une figure féminine extrêmement forte. Alors qu'en France, aucune reine n'a jamais réellement gouverné, Elisabeth II dirige son royaume depuis soixante-six ans. Un pays pour lequel elle a sacrifié sa vie personnelle et qu'elle défend corps et âme. En France, Simone Veil a mené un combat extraordinaire. Indépendamment de son positionnement politique, je trouve chouette qu'une femme comme Angela Merkel soit à la tête d'un gouvernement.