Festival de Cannes : le show poétique et malicieux d’Edouard Baer

Maître de cérémonie de la cérémonie d’ouverture du 71e édition du Festival de Cannes, Edouard Baer a été poétique, malicieux, impérial. Quel numéro !

 Edouard Baer a inauguré la 71e édition du Festival de Cannes.
Edouard Baer a inauguré la 71e édition du Festival de Cannes. AFP/Alberto PIZZOLI

    On ne dira jamais assez à quel point réussir à être simple, sans faire surgir des danseurs débarqués de nulle part, ni invoquer avec des trémolos au milieu des strass les déchirements de la planète est le langage idéal pour inaugurer une cérémonie comme celle du Festival de Cannes. Ce qui s'est passé mardi soir par la voix, l'imaginaire et le naturel funambule d'Edouard Baer restera dans les annales.

    Il y a une poignée de jours encore, le comédien, cinéaste, scénariste, animateur de radio et d'émissions télévisées nous avouait n'être que dans l'esquisse de sa prestation. Après le numéro de ce mardi, il y a tout lieu de croire qu'il n'avait même pas commencé. Qu'il attendait l'urgence plus que la bonne idée.

    Résultat, ce fut, accompagné d'un pianiste puis d'un accordéoniste, le plus souple, le plus rêveur des textes d'ouverture qu'on aura jamais entendus.

    Dans la salle, Anna Karina…

    Un papillon sans nœud, une partition pleine de grâce, ouverte sur une scène de « Pierrot le fou », de Jean-Luc Godard, et qui fournit l'affiche de cette 71e édition. Dans la salle, Anna Karina s'y est revue aux côtés de Jean-Paul Belmondo. « Qu'est-ce-que je peux faire, j'sais pas quoi faire… » chantonne-t'elle. « Mais personne ne sait quoi faire, Anna Karina ! s'est exclamé Edouard. On fait du mieux qu'on peut ! Jean-Luc Godard, quand il réalise Pierrot le Fou, est-ce qu'il sait ce qu'il fait ? Non ! Il suit l'inspiration, il trace sa route. Et nous ? Qu'est-ce-qui nous interdit de nous lancer ? On n'a besoin de l'autorisation de personne ! On attend soi-même ! On attend son cœur ! Et simplement de suivre le fil de ses rêves. »

    Un petit salto sur la condition des migrants

    Il a parlé des producteurs, ces « escrocs merveilleux » qui se penchent sur (ton) film « en l'aimant un peu moins que toi ». Il a évoqué dans un anglais précipité la condition des migrants dans les cols des Alpes. Ce petit salto a provoqué des buissons de rires et d'applaudissements gênés. Ce n'est pas dans les fêtes cannoises que l'on pense le plus aux migrants.

    Un peu plus tard, la musique de « la Mémoire et la mer », de Léo Ferré, - encore un signe ? - est venue envelopper l'assistance. Jusqu'à cette dernière flèche : « Le jury est maintenant au complet. Vous n'en faites pas partie. Vous n'êtes pas du bon côté. A quel moment ça a merdé ? »

    La voix claire comme l'aube, les cheveux noirs comme la nuit, Juliette Armanet a chanté « les Moulins de mon cœur » de Michel Legrand, dont les paroles, « Comme un manège de Lune avec ses chevaux d'étoiles… », sont une assez bonne définition du cinéma.

    « Oups ! a conclu Edouard, emboîtant le pas aux jurés : j'ai failli marcher sur les pas d'un jury. Ne le faites pas chez vous. » Quel festival !