«Moi, Tonya» : la patineuse qu’on haïssait

Le film revient sur le destin mouvementé de la patineuse américaine Tonya Harding. Elle avait été accusée d’avoir commandité l’agression de sa rivale, en 1994.

 Tonya Harding (Margot Robbie), patineuse américaine star des années 1990, est la première à réaliser un triple axel en compétition.
Tonya Harding (Margot Robbie), patineuse américaine star des années 1990, est la première à réaliser un triple axel en compétition. MARS FILM

    Ceux qui avaient plus de 10 ans en janvier 1994 s'en souviennent forcément. Les médias du monde entier faisaient alors leurs gros titres sur la championne américaine de patinage artistique Tonya Harding, 23 ans à l'époque. Célèbre pour avoir été la première a réussir un triple axel en compétition trois ans plus tôt, elle était accusée d'avoir fait casser à coups de barre de fer les genoux de sa rivale, Nancy Kerrigan, juste avant les Jeux olympiques d'hiver !

    Si les circonstances de l'affaire étaient troubles, le scandale fut énorme. Harding finit exclue de la Fédération américaine de patinage, et l'opinion publique attribua rapidement le rôle de la méchante à Tonya. Vingt-quatre ans plus tard, la fiction « Moi, Tonya » offre un regard nouveau sur cette sale histoire en déroulant le fil de la vie de l'athlète.

    Battue par sa mère et son mari

    Car pour comprendre ce qui a abouti à cette sinistre affaire, il faut plonger dans l'enfance et la jeunesse de la patineuse. Née et élevée dans l'Oregon, Tonya est issue d'un milieu pauvre. Après le divorce de ses parents, elle est élevée par une mère alcoolique, acariâtre et abusive. Cette dernière va pousser, envers et contre tous, sa fille pour qu'elle réussisse dans le patinage artistique. Quitte à battre la gamine sévèrement et régulièrement, et à la manipuler psychologiquement. D'où le comportement violent et agressif de Tonya, en réaction aux mauvais traitements à répétition, alors qu'elle commence à gagner des compétitions et tombe amoureuse d'un petit gars de l'Oregon, Jeff.

    La romance sera de courte durée : Tonya a remplacé un agresseur, sa mère, par un autre, son futur mari, qui va la frapper régulièrement dès qu'ils seront mariés. Et c'est lui, Jeff qui va organiser le tabassage de Nancy Kerrigan. Deux décennies plus tard, Tonya Harding a révélé qu'elle aurait assisté à des conversations entre son ex-mari et des amis, envisageant de nuire à Kerrigan, mais qu'elle ne les aurait pas prises au sérieux, expliquant alors à Jeff qu'elle était tout à fait capable de battre sa rivale à la loyale, sur la glace. « Personne ne veut me croire », regrette-t-elle, « parce que les médias ont fait de moi la coupable avant même que je ne puisse m'expliquer ».

    Ses tenues bricolées et ses jurons de charretier

    Le film met également en avant un point rarement évoqué dans les médias, et qui pourtant en dit long sur le bannissement rapide de Tonya Harding par le petit monde du patinage artistique : elle ne cadrait pas du tout avec ce milieu. Pauvre, poussée par une mère que rien n'arrêtait, la gamine était la risée de ses camarades de patinage dès son plus jeune âge.

    Car pour briller dans ce sport aux États-Unis, il faut avoir des moyens financiers, sourire à tout bout de champ, faire preuve d'une attitude « convenable ». Tonya, avec ses tenues bricolées, ses jurons de charretier, ses coups de sang, sa résistance face à toute forme d'autorité, ses goûts musicaux – elle préférait patiner, en compétition, sur du ZZ Top plutôt que sur du classique - n'a jamais cessé d'être mal vue par ses pairs, les juges ou les dirigeants du patinage américain.

    Rencontrée à Paris il y a un mois, Margot Robbie, qui incarne – à merveille – la championne dans le film et qui l'a vue plusieurs fois avant le tournage, explique que « Tonya est vraiment comme ça, avec cet accent plouc, ce franc-parler, cette liberté ».

    La « vraie » Tonya réhabilitée

    Après s'être fait un temps oublier, Tonya Harding, toujours bouillonnante, a enchaîné avec une carrière de catcheuse, puis de boxeuse. Remariée, elle vit aujourd'hui avec époux et enfant dont elle dit qu'ils sont « davantage sa préoccupation que l'opinion publique ». Pourtant, le long-métrage qui lui est consacré, en pointant du doigt son douloureux passé et le fait qu'elle n'aurait jamais commandité l'agression de Kerrigan – au contraire, même – pourrait retourner cette opinion publique qui l'a condamnée en 1994.

    « On n'avait pas l'impression, en faisant le film, d'être en mission pour filmer la rédemption de Tonya, souligne pourtant Margot Robbie. Nous racontions son histoire, c'est tout. Mais ce qui est certain, c'est que le film apporte du contexte, des circonstances à cette vilaine affaire, et qu'il aide à mieux comprendre la vraie Tonya. Pour ma part, j'ai marché dans ses pas, et je peux dire aujourd'hui que, même si je n'excuse pas certains de ses comportements, je considère qu'elle a été injustement punie. »

    La bande-annonce du film

    La note de la rédaction : 4/5

    « Moi, Tonya », de Craig Gillespie, avec Margot Robbie, Allison Janney, Sebastian Stan… 2 heures.