«Notre dame» réalisé par Valérie Donzelli : «Des images qui resteront uniques»

La réalisatrice, révélée par «la Guerre est déclarée», signe un long-métrage tourné peu avant l’incendie de l’édifice. Un film qui sort ce mercredi.

 Valérie Donzelli a terminé le tournage de son film en novembre 2018, cinq mois avant l’incendie de la cathédrale.
Valérie Donzelli a terminé le tournage de son film en novembre 2018, cinq mois avant l’incendie de la cathédrale. LP/Philippe Lavieille

    La cathédrale a donné son titre au film, même s'il n'est pas totalement centré sur elle : « Notre dame », de Valérie Donzelli, qui sort en salles ce mercredi, est une comédie se déroulant à Paris dans un avenir très proche. Il raconte les difficultés d'une quadra confrontée aux vicissitudes de la vie parisienne. Une ville noyée sous les intempéries, où les habitants sont très énervés. C'est dans ce cadre que Maud Crayon, architecte et mère célibataire de deux enfants, remporte à la suite d'un quiproquo un concours pour réaménager le parvis de Notre-Dame. La réalisatrice, révélée par son bouleversant « la Guerre est déclarée » en 2011, a filmé sur place avant l'incendie. Elle raconte les coulisses de ce tournage très particulier.

    Pourquoi avoir fait le choix du parvis de Notre-Dame ?

    Valérie Donzelli. J'ai cherché un lieu proche d'un site connu. Notre-Dame est vite devenue une évidence : le parvis est un endroit où il ne se passe pas grand-chose, et qui pourrait très bien faire l'objet d'un réaménagement via un concours d'architecture. Quand j'ai pris la décision, le titre du film est venu tout de suite, en plus j'aimais que dans « Notre-Dame », il y ait « Dame », car c'est un projet remporté par une femme.

    Ensuite, vous avez commencé à écrire ?

    Oui, c'était en 2016, juste après les attentats du Bataclan. Je trouvais Paris triste, j'avais envie de rendre hommage à ma ville, mais sans occulter ce qu'elle est devenue, de plus en plus difficile à vivre. Ensuite, ma grande crainte a été qu'il se passe quelque chose à Notre-Dame. J'ai alors appris qu'il y avait eu 70 projets de tentatives d'attentats sur la cathédrale !

    La bande-annonce

    C'était compliqué de tourner à Notre-Dame ?

    Au contraire, c'était assez simple. Ce n'est pas payant, on peut faire un don si on le souhaite, rien à voir avec la Tour Eiffel. La seule complication vient du fait que Notre-Dame ferme chaque jour de 19 heures à 7 heures du matin. Et quand elle est ouverte, il y a des messes, des touristes… Puis s'est posé le problème d'une scène de baiser : on nous a refusé de la tourner de jour pour ne pas choquer les fidèles. Nous l'avons donc réalisée de nuit, nous étions seuls, c'était fou. Mais de ce fait on ne voit pas les vitraux éclairés par le soleil, alors j'en ai fait une scène un peu rêvée, onirique. Toutes les séquences extérieures, sur le parvis, ont en revanche été tournées de jour, dont celle où je suis seule devant la cathédrale, que nous avons filmée à 7 heures du matin.

    On voit beaucoup Notre-Dame dans le film, une Notre-Dame qui n'existe plus…

    En fait, c'est tout un Paris qui n'existe plus que l'on voit dans le film : juste après le tournage, qui s'est terminé fin novembre 2018, les manifestations des Gilets Jaunes ont commencé, les grands travaux aussi, les plans de circulation ont changé, les trottinettes sont arrivées…

    Et cinq mois après, la cathédrale s'est embrasée…

    Je l'ai vécu comme une catastrophe. J'ai foncé sur place avec mon vélo : je n'en croyais pas mes yeux, j'ai vu les flammes, les gens en pleurs. J'étais sans voix, je n'ai pas pu rester, j'ai vraiment cru qu'on ne pourrait pas éteindre le feu, que Notre-Dame allait totalement disparaître. C'était aussi une catastrophe pour mon film : il est très burlesque, on se moque gentiment de la religion, je ne voyais pas comment il pourrait exister si Notre-Dame disparaissait. Et puis elle a été sauvée…

    VIDÉO. Les photos de l'intérieur de la cathédrale après l'incendie

    Vous avez pensé à changer des scènes ou le montage après ça ?

    Absolument pas, le montage était terminé, il n'y avait pas de morts et la cathédrale avait tenu, j'étais rassurée. Et puis cet incendie a renforcé son image, elle est devenue une icône. Or, on la voit beaucoup à l'écran — et ce alors qu'elle est rarement montrée au cinéma. Si elle n'est pas restaurée à l'identique, les images de Notre-Dame dans le film resteront uniques.

    Au-delà de Notre-Dame, c'est surtout une comédie sur Paris et les Parisiens…

    Oui, j'avais envie de me lâcher avec l'histoire d'une Parisienne quadragénaire, qui a des enfants, qui a du mal à joindre les deux bouts, qui vit dans le tourbillon chaotique qu'est cette ville, où les gens sont à cran et n'ont de temps pour rien. Comment continuer d'avancer, même quand on n'a pas grand-chose, alors que tout est de plus en plus difficile ? C'est du vécu. Je trouve par exemple qu'il pleut plus qu'avant, c'est pour ça qu'il y a des intempéries dans le film, ou cette histoire de bottes distribuées aux Parisiens par la maire. Et je ne voulais pas partir sur de la science-fiction, montrer le Paris que je connais. Le maire se devait d'être une maire, et une femme originale, comme aujourd'hui Anne Hidalgo — qui a lu le scénario et soutenu le film. Elle nous a même piqué une idée en ouvrant les appartements de l'Hôtel de Ville pour les migrants — c'est dans le film. Elle pourrait avoir ce genre d'idées, distribuer des bottes en caoutchouc…

    Il y a tout de même de l'espoir dans votre film ?

    Ah oui, beaucoup ! Je crois que Paris est en train de vivre une mue, ce sont toujours des périodes difficiles, mais après ça va être formidable.

    LA NOTE DE LA RÉDACTION : 4/5

    « Notre dame », de et avec Valérie Donzelli, et avec Pierre Deladonchamps, Bouli Lanners, Isabelle Candelier, Philippe Katherine… En salles mercredi.