Laura Laune, drôle en diable

LE PARISIEN WEEK-END. Trois mois après sa victoire à l’émission « La France a un incroyable talent », son spectacle affiche complet... jusqu’en mai 2019 ! L’humour acerbe et irrévérencieux de cette Belge timide a conquis l’Hexagone.

    « Papa, il me reste encore une chance pour que les gens votent pour moi. Suicide-toi, papa! Imagine le buzz que je ferais! » Le père de Laura Laune n'aura pas eu besoin d'exaucer la prière un brin cynique de sa fille, pour la voir remporter, le 14 décembre 2017, la finale de l'émission « La France a un incroyable talent », sur M6. Pourtant, rares sont ceux qui prédisaient un tel destin à la blondinette au visage angélique et aux textes licencieux. A commencer par elle-même. « Trois mois avant, je n'avais jamais joué de guitare, et je n'ai jamais su chanter, admet la jeune Belge de 31 ans, née à La Bouverie, près de Mons. Je voulais juste faire un bon passage, le diffuser sur Internet et me faire connaître. Je n'imaginais pas qu'un public si familial adhérerait à mon humour. »

    « Personne ne m'obligera à édulcorer mes propos »

    Son humour ? Cash, trash et surtout sans concession. Un extrait de son spectacle Le diable est une gentille petite fille, diffusé sur France 2, un mois après sa victoire, a provoqué un véritable tollé. « Quel est le point commun entre les Juifs et les baskets ? » interrogeait-elle. Et de répondre : « On en trouve plus en 39 qu'en 45. »

    Malgré le scandale, son one-woman show affiche souvent complet. Un succès qu'elle explique : « Je pense qu'en ce moment, on a besoin d'une certaine liberté de ton. » Et des libertés, Laura s'en autorise. Comparer le Jamel Comedy Club, la troupe d'humoristes créée par Jamel Debbouze, à un camp d'entraînement de Daech ; demander à un spectateur d'interpréter un Jacques Martin pervers ; douter de la vigueur sexuelle de Michel Drucker... Qu'importe si certains se sentent blessés. L'humoriste n'a qu'un seul interdit, « les vannes qui ne font pas rire ». Voilà comment, avec ses allures de première de la classe, le 17 février 2018, elle s'attaque aux tauliers du PAF Laurent Baffie et Thierry Ardisson dans l'émission « Salut les Terriens ! », sur C8, en les traitant de vieux réacs. « Pour moi, c'est évident qu'ils ont compris le second degré », commente-t-elle.

    Tout le monde n'a pas ce recul, visiblement. Pour preuve, les menaces de mort qui prolifèrent sur les réseaux sociaux. Pourtant, elle soutient mordicus que personne ne l'obligera à édulcorer ses propos. « J'ai accepté de participer à "La France a un incroyable talent" uniquement parce que M6 m'avait assuré qu'ils ne couperaient rien. » Sa famille lui témoigne un soutien sans faille. « Mon père s'obstine à m'écrire des sketchs, mais ils sont vraiment trop ringards. Et mon grand-père de 85 ans connaît mon spectacle par coeur. »

    Alors que sa mère pharmacienne et son père médecin rêvaient pour elle d'un « vrai métier », c'est eux qui, sans le vouloir, lui font découvrir le théâtre. « Quand j'avais 10 ans, ils m'ont inscrite à un cours d'art dramatique pour m'aider à vaincre ma timidité. » La jeune Laura y contracte le virus de la scène, mais reste introvertie dans la vie quotidienne. « C'est toujours difficile pour moi de parler aux gens, mais, comme j'y suis obligée par mon métier, je m'y mets peu à peu. »

    Déjà lancée dans l'écriture d'un film

    A 18 ans, elle s'inscrit en architecture. Suivront sept années de brillantes études au cours desquelles l'élève consciencieuse écume en parallèle les castings. Sans succès. Une fois diplômée, elle remplace, pendant six mois, un professeur en maçonnerie dans l'école dirigée par son grand-père. Puis elle décroche le rôle principal de la pièce Couscous aux lardons, à Paris. Et lâche tout le reste, sans l'ombre d'une hésitation. « L'aventure a duré un an et demi. J'y ai appris les mécanismes de l'humour, et cela m'a donné envie d'écrire mes propres textes. » Début 2013, c'est chose faite. Après une concluante première scène, elle est primée dans 17 festivals, participe à la version belge d'« Incroyable talent » et gagne, en 2014, le concours du Montreux Comedy Festival, en Suisse. La même année, elle fait une rencontre providentielle. Jérémy Ferrari, le maître de l'humour noir, la prend sous son aile. Tandis qu'ils travaillent aujourd'hui sur une mini-série, Laura s'est lancée, seule, dans l'écriture d'un film. « J'en ai toujours eu envie, mais je n'avais pas assez confiance en moi. » Le fait que le public soit toujours plus nombreux à venir l'applaudir a sans doute fini par la rassurer.