«Anticyclone», le nouvel album de Raphaël, transcendé par Gaëtan Roussel

Ce qui sidère dans «Anticyclone», c'est à la fois la pureté et la puissance, la simplicité des compositions et l'intensité de leur son. Rencontre croisée.
 

    L'un l'a toujours joué solo. L'autre a commencé en groupe. Cette fois, ils sont en tandem. Raphaël, 41 ans, chanteur, auteur-compositeur. Gaëtan Roussel, 44 ans, chanteur aussi, notamment de Louise Attaque, auteur-compositeur et... réalisateur. Le premier a confié son nouveau disque au second qui en a signé la mise en son, comme un cinéaste une mise en scène. Une collaboration à l'origine d'un des plus grands disques de l'année, « Anticyclone », 8e album de Raphaël, qui est sorti vendredi, transcendé par la production de Gaëtan Roussel.

    « On avait fait une première chanson ensemble, Eyes on the Island, à la toute fin de l'enregistrement de mon avant-dernier album, Somnambules, en 2015, raconte Raphaël. On avait passé une journée en studio, ouvert une bonne bouteille de rouge et on a vu que l'on n'était pas trop énervés tous les deux. » « On avait même envisagé d'enregistrer un disque ensemble, chanter à deux », ajoute Gaëtan Roussel. « De passer du temps, d'aller à la mer, d'écrire des chansons, fumer des cigares, boire du whisky », enchaîne Raphaël.

    «Il a mis quand même une semaine à me répondre»

    Mais chacun avait alors d'autres engagements : le retour de Louise Attaque pour la voix du groupe, un an de tournée pour l'auteur de « Caravane ». De retour à Paris, l'an passé, Raphaël fait écouter à son acolyte ses nouvelles chansons autour d'un déjeuner. « Dans l'après-midi, je lui ai demandé par SMS s'il avait envie de produire mon prochain disque. Il a mis quand même une semaine à me répondre. »

    « Mais oui, j'ai réfléchi, car c'est une lourde responsabilité de rentrer dans l'album de quelqu'un », se justifie Gaëtan Roussel, ovationné pour son travail remarquable d'auteur-compositeur et producteur sur l'ultime chef-d'oeuvre d'Alain Bashung « Bleu Pétrole », en 2008. « Je trouvais les chansons très belles et je me disais qu'il y avait de la place pour amener des choses. »

    Le producteur projette d'embarquer l'interprète ailleurs. « Je ne voulais pas que Raphaël fasse le même disque qu'avant, que sa musique prenne le pas sur sa voix. Je souhaitais que ce soit un vrai album de chanteur avec un son puissant, contrairement à ses derniers enregistrements. » Raphaël confirme. « Ces dernières années, j'ai eu envie de faire des choses plus artisanales, notamment un disque avec des voix d'enfants comme Somnambules. Mais cette fois, je comptais emmener les chansons le plus loin possible en étant un peu à poil, comme sur la pochette. »

    Deux enfants du rock

    C'est ce qui sidère dans « Anticyclone » : à la fois la pureté et la puissance, la simplicité des compositions et l'intensité de leur son. « J'ai choisi Gaëtan parce que ce n'est pas un ingénieur du son, mais un auteur-compositeur. Il sait ce que c'est qu'une chanson, quel est son coeur battant. Il ne la maquille pas derrière des effets. Du coup, moi, je lui disais : Vas-y, si le texte est trop long, on en coupe la moitié, s'il le faut, tu changes la structure. » Gaëtan Roussel a même parfois proposé à Raphaël de quitter le studio tandis que lui travaillait sur la forme des chansons.

    Ces deux-là se sont trouvés. Sans doute parce qu'ils ont plus de points communs qu'il n'y paraît : deux enfants du rock, deux succès fulgurants au début de leur carrière, deux soifs de liberté face à des tubes parfois réducteurs. « Je suis sûr que Raphaël a fait plein de versions différentes de Caravane sur scène tandis que nous, avec Louise Attaque, il y avait des chansons qu'on ne voulait plus chanter, comme Je t'emmène au vent qui éclipsait toutes les autres, se souvient Gaëtan Roussel. Aujourd'hui, on est plus tranquilles avec ça. »

    Raphaël rêve encore de succès. « J'ai toujours l'impression de faire des tubes quand je travaille sur des chansons, explique-t-il. Ça fait marrer tout le monde mais c'est vrai. J'aime bien l'art populaire, le fait de rentrer dans la vie des gens. Après, il y a le principe de réalité. Des disques qui marchent moins bien. Dans ces cas-là, j'essaie d'avoir un coup d'avance, de penser au projet suivant. » Même chose chez Gaëtan Roussel. « Je n'ai jamais fait un disque pour le laisser sous mon lit. J'ai toujours eu envie que ça résonne. Mon deuxième album solo a moins bien marché que le premier. Je me suis remis en question. Alors j'ai redoublé d'efforts sur scène pour vivre quelque chose de fort avec le public. » Et si, cette fois, c'était un succès à deux ?

    Raphaël, « Anticyclone », Sony. En concert le 10 octobre au Casino de Paris. Note de la rédaction : *****

    VIDEO. Gaetan Roussel et Raphaël, interview croisée